Les affaires de pédophilie n’en finissent pas d’éclabousser l’Eglise. En France, aujourd’hui encore, un scandale fait les gros titres. Ce qui est plus surprenant, c’est qu’à la différence de Benoît XVI, qui LUI avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour éradiquer la « saleté », pour reprendre ses propres termes, François est relativement épargné. Et pourtant, sa revendication de transparence et de nettoyage est largement usurpée.

En mars 2017, dans son émission Cash Investigation, Elise Lucet, avec moulte publicité personnelle, s’était vantée de « lever le voile sur l’un des secrets les mieux gardés de l’Eglise, le fléau de la pédophilie« , se mettant en scène au Vatican, alors qu’elle assistait, avec une équipe de cameramen, à l’audience générale du mercredi et interpelait François avec l’insolence typique de ceux qui croient que le fait de tenir un micro leur donne tous les droits (enfin, pour une fois, ils faisaient leur job).

En réalité, Mme Lucet faisait partie d’un « pool » international de journalistes qui enquêtaient sur la question (avec aussi le concours de Mediapart, cf. benoit-et-moi.fr/2017/actualite/franois-dans-loeil-du-cyclone-en-france… on se doute que ces gens n’étaient pas animés par le simple désir de rechercher la vérité), et le résultat avait été un long film documentaire réalisé par l’allemand Martin Boudot, qu’on peut voir en intégralité (et en français) sur youtube, présenté par Elise Lucet.

C’est ce film, qui raconte comment le cardinal Bergoglio avait défendu un pédophile notoire en Argentine, qu’Andrea Cionci vient de découvrir avec des sous-titres italiens sur youtube.
Précisons qu’en 2017, l’information n’était nullement inédite, dès 2013, au lendemain de l’élection de Jorge Bergoglio, John Allen avait enquêté en Argentine et en avait parlé (cf. benoit-et-moi.fr/2013-II/articles/une-enquete-de-john-allen-en-argentine ). Mais curieusement, bien qu’il soit un vaticaniste au-dessus de tout soupçon (il est « liberal »), unanimement salué pour son professionnalisme et la qualité de ses sources, il n’y avait pas eu de suite.

Quand Bergoglio défend un pédophile notoire

www.liberoquotidiano.it/articolo_blog/blog/andrea-cionci/30149397/documentario-in-onda-su-zdf-tedesca-papa-francesco-ignoro-vittime-abusi-promosse-difesa-per-prete-pedofilo-grassi

En 2018, la télévision publique allemande ZDF a diffusé un documentaire choc de Martin Boudot intitulé « Le code du silence » [en français, donc, « Le poids du silence »], qui n’a jamais été diffusé en Italie.
La vidéo affirme que Bergoglio, en tant qu’archevêque de Buenos Aires, a non seulement complètement ignoré et refusé de recevoir sept personnes abusées par des prêtres, mais a également promu – en essayant d’orienter le jugement de la Cour d’appel argentine – une puissante défense du prêtre pédophile Julio Caesar Grassi condamné à 15 ans de prison pour abus sur des mineurs âgés de 9 à 17 ans. Grassi est toujours emprisonné en Argentine.

Jusqu’à aujourd’hui, malgré le documentaire et une pétition, Bergoglio n’a jamais répondu officiellement. Pourquoi le bureau de presse du Vatican, au lieu d’organiser des « visites surprises » préparées, comme nous l’avons montré [cf. Le Pape du peuple se rend chez un disquaire: une grossière ficelle de com’, ndt], ne s’occupe-t-il pas de ces questions brûlantes ?

Le documentaire commence par une interview du père Zollner, conseiller de Bergoglio en matière d’abus, qui souligne que le « pape François » n’a pas pris de mesures suffisamment sévères à l’égard des cardinaux « distraits » envers les phénomènes d’abus, « peut-être parce que, commente le présentateur, il a lui aussi été accusé dans sa patrie, l’Argentine, bien avant son élection ».

Un passage du livre-interview « Le Ciel et la Terre » écrit par Bergoglio avec le rabbin Abraham Skorka est cité, ans lequel Bergoglio aborde la question de la pédophilie et assure :

Que le célibat ait pour conséquence la pédophilie est exclu. Plus de soixante-dix pour cent des cas de pédophilie se produisent dans un contexte familial ou de voisinage : grands-parents, oncles, beaux-pères, voisins. Le problème n’est pas lié au célibat. Si un prêtre est pédophile, il l’était avant de devenir prêtre. Toutefois, quand cela arrive, il ne faut jamais fermer les yeux. Vous ne pouvez pas être dans une position de pouvoir et détruire la vie d’une autre personne. Cela ne s’est jamais produit dans mon diocèse, mais un évêque m’a appelé une fois pour me demander ce qu’il devait faire dans une telle situation, et je lui ai dit de retirer les licences de la personne en question, de ne plus lui permettre d’exercer la prêtrise, et de porter une affaire canonique devant le tribunal de son diocèse.

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Page 64 de l’édition française, Sur la terre comme au ciel, ed. Robert Laffont, 2013


En sommes-nous sûrs ? Les journalistes du documentaire de Boudot se sont ensuite rendus à Buenos Aires où ils ont rencontré sept personnes abusées par des prêtres de l’archidiocèse: cinq femmes et deux hommes. Interrogés sur la déclaration de Bergoglio mentionnée plus haut, ils ont répondu: « Il veut que les gens le croient. Mais c’est un mensonge ». Le journaliste demande : « Qui parmi vous a essayé de contacter Bergoglio lorsqu’il était archevêque? ». « Tous », répondent-ils. « Et qui a reçu une réponse? ». « Personne. Il reçoit toutes les célébrités comme Leonardo Di Caprio, il leur ouvre les portes et pour nous pas même une lettre pour dire qu’il était désolé ». « Je n’attends rien de lui », commente une femme, « je ne crois pas en lui ». « J’ai beaucoup souffert et je suis très déçue ». Une jeune femme d’une trentaine d’années avoue en larmes : « Tout le monde m’a dit: ‘Ecris-lui! Il est obligé de répondre’, mais rien, j’ai souffert et maintenant je suis très déçue ».

« En tant qu’archevêque de Buenos Aires – poursuit le documentaire -, le pape François était apparemment sourd à l’angoisse de ces victimes, mais apparemment c’est pire dans une autre affaire impliquant d’autres victimes où certains pensent qu’il a délibérément essayé de détourner le cours de la justice. Le cas du père Julio Caesar Grassi, le plus grand scandale de pédophilie en Argentine ».

Ce Grassi, personnalité médiatique toujours sous les projecteurs, dirigeait un immense orphelinat jusqu’à ce que des enfants portent plainte contre lui pour abus sexuels. Grassi a été condamné à 15 ans de prison et est toujours derrière les barreaux aujourd’hui.

La Conférence épiscopale argentine s’est mobilisée pour défendre le prêtre abuseur et, comme l’explique l’avocat des enfants, Gallego, elle a chargé en 2010 le célèbre avocat Sancinelli, basé à Buenos Aires, de mener une méga-enquête en quatre volumes avec une couverture aguichante, totalisant 2800 pages, afin de défendre Grassi. Dans les quatre volumes de l’ouvrage, intitulé « Étude sur le cas Grassi », les enfants sont accusés de mensonge, de tromperie, de falsification, d’orientation sexuelle douteuse et le prêtre devait donc être acquitté en appel.

Un paragraphe est clair: l’ouvrage a été commandé en 2010 « à l’initiative de la Conférence épiscopale argentine, en particulier de son président de l’époque, S.E.R. le Card. Jorge M. Bergoglio, aujourd’hui Sa Sainteté le Pape François« .

« Le pape – poursuit le documentaire -, a donc commandé une contre-enquête pour faire absoudre un prêtre condamné pour pédophilie, et Bergoglio, le futur pape, l’a envoyée avec un timing astucieux juste avant les différentes audiences d’appel du père Grassi ».

Ce que confirme l’ancien magistrat de la Cour d’appel Carlos Mariquez, aujourd’hui juge à la Cour suprême, qui admet :

« Oui, j’ai reçu cette contre-enquête. Il s’agit d’une sorte de roman policier, partiel dans certains domaines et extrêmement partial dans d’autres, clairement en faveur du père Grassi. Ils essayaient d’exercer une forme sournoise de pression sur les juges ».

L’un des garçons abusés raconte qu’il a été menacé, cambriolé et importuné, à tel point qu’il a été placé sous un programme de protection. Le jeune homme déclare :

« Je n’oublierai jamais ce que le père Grassi a dit au procès: ‘Bergoglio n’a pas lâché ma main’. Maintenant Bergoglio est le Pape François, il n’est jamais allé à l’encontre des paroles de Grassi, donc je suis sûr qu’il n’a jamais lâché la main de Grassi ».

Pendant huit mois, les réalisateurs du documentaire ont tenté d’être reçus par Bergoglio, sans succès, alors ils sont allés le rencontrer directement sur la place Saint-Pierre, lors d’une audience publique. Ils lui ont demandé: « Votre Sainteté, avez-vous essayé d’influencer la justice argentine dans l’affaire Grassi ? Pourquoi avez-vous commandé une contre-enquête? ».

« Para nada », répond Bergoglio, niant tout, et sans interrompre sa marche

Bref, un documentaire en tout point remarquable diffusé sur la télévision publique allemande.

Andrea Cionci

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