Andrea Gagliarducci nous a parlé hier de la perte d’influence de la diplomatie vaticane. Le site hispanophone « Specola » nous en apprend un peu plus sur la visite-surprise de François à l’ambassade russe près le Saint-Siège: vraiment « surprise » pour ses collaborateurs, en particulier le cardinal Parolin, qui a modérément apprécié… En réalité, Sa Sainteté joue solo.

Tout porte à croire que le prestigieux vieux cuirassé de la diplomatie vaticane a été remplacé par une Fiat 500.

Luigi Bisignani [homme d’affaires et accessoirement journaliste italien], toujours attentif aux pouvoirs qui comptent, nous informe (*) qu’il y a aussi des vents de guerre qui soufflent au Vatican et que la diplomatie vaticane semble ne pas avoir apprécié la visite « sine notitiam » du pape François à l’ambassadeur russe et ancien ministre de la culture de Poutine, Alexandre Avdeev.

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La visite semble avoir été suggérée par Riccardi, le puissant chef de Sant’Egidio, toujours si avide de rôles diplomatiques, et par l’ami Edgar [le vénézuélien Edgar Pena Parra, n°2 de la secrétairerie d’Etat, il fait partie du « cercle magique de Bergoglio » voir ici]. Parolin a été averti par la gendarmerie lorsque la Fiat 500 a quitté la cour de San Damiano et cette « contrariété », une de plus, serait la raison pour laquelle il ne remplacera pas le pape François lors de la rencontre à Florence [où se tient actuellement le sommet « Méditerranée, frontière de paix », en présence de soixante évêques et soixante maires d’une vingtaine de pays du pourtour méditerranéen, cf. www.vaticannews.va/fr/pape/news/2022-02/pape-francois-annulation-voyage-florence-cendres-sante].

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Avec cette visite, le pape François aurait rendu nul un éventuel rôle de médiation en tentant d’ouvrir une ligne directe avec Poutine après le dernier incident diplomatique. Lorsque Poutine rendit visite au pape [en 2019], il avait exprimé son souhait d’inviter le pape François à consacrer la Russie à la Vierge, mais le pape ne l’avait pas fait, ce qui avait déconcerté Poutine.
(…)
Non content de tout cela, le pape François a eu une conversation téléphonique avec le président Volodymyr Zelensky. Le porte-parole du Vatican a confirmé l’appel téléphonique sans rien dire de son contenu. Zelensky écrit : « J’ai remercié le pape François de prier pour la paix en Ukraine et un cessez-le-feu. Le peuple ukrainien ressent le soutien spirituel de Sa Sainteté ». Il aurait également appelé le chef de l’Église gréco-catholique ukrainienne, le grand archevêque de Kiev, Sviatoslav Shevchuk.

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Tout porte à croire que le prestigieux vieux cuirassé de la diplomatie vaticane a été remplacé par une Fiat 500.

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https://infovaticana.com/blogs/specola/la-prehistoria-de-ucrania-vientos-de-guerra-en-el-vaticano-la-diplomacia-fiat-500-del-papa-francisco-el-carinoso-zanchetta-aldo-moro-kiev-y-san-miguel/

(*) Je lis après coup (et avec intérêt) sur un journal italien l’article de Bisignani, qui est un peu plus précis, et dont « Specola » a offert un résumé:

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Le malaise de la diplomatie vaticane n’est pas seulement une question de forme, mais surtout de fond.

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Une question de forme, dans la mesure où le protocole séculaire du Vatican prévoit que le Saint-Père, dans le cas d’une conversation avec un diplomate, doit « inviter » ce dernier « domi suae » en audience et non, comme cela s’est produit, que le Pape s’en aille et se rende comme « un touriste par hasard » chez l’ambassadeur de Russie, comme s’il s’agissait d’un fidèle à évangéliser, qui plus est dans un bâtiment où se déroulent diverses activités et devant une forte présence d’employés du Vatican incrédules.

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De substance, en revanche, parce qu’ainsi un éventuel rôle de facilitateur du début du processus de médiation de la part du Pape, également espéré par le Premier ministre Draghi, ne serait plus jugé super partes.

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Un malaise dont Parolin lui-même est désormais bien conscient, du moins selon ce que prétendent les habituels corbeaux qui planent sur Santa Marta, et qui serait la raison pour laquelle aujourd’hui à Florence le cardinal ne participera pas, à la place du Saint-Père – à son tour bloqué par un genou douloureux – à la messe et aux célébrations de la « Charte de Florence », signée par les maires et les évêques de la Méditerranée. Peut-être qu’avec la visite à l’ambassadeur russe, Bergoglio a essayé de renouer une ligne directe avec le Tsar après un petit incident diplomatique il y a quelque temps. En fait, lorsque Poutine est venu rendre visite au pape, il a exprimé le désir de recevoir la consécration papale de la Russie à la Vierge. Bergoglio n’a pas donné suite à cette demande, ce qui a énervé Poutine. Et le patriarche Kirill ne pouvait pas faire grand-chose, lui qui, bien qu’il soit en bons termes avec François, est également considéré comme un « sujet » du Tsar.

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Mais pourquoi y a-t-il un tel malaise autour de la démarche russe du Souverain Pontife – une démarche que beaucoup ont plutôt interprétée comme un geste d’humilité extraordinaire au nom de la Miséricorde ? Peut-être parce que c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour une diplomatie, reconnue comme l’une des plus influentes au monde, qui est aujourd’hui en pleine déroute.

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https://www.iltempo.it/politica/2022/02/27/news/papa-francesco-alexander-avdeev-cardinale-parolin-guerra-ambasciata-russia-scontro-vaticano-bisignani
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