Il commente, sous l’angle strictement scientifique, la publication des Opera Omnia de Joseph Razinger (dont le volume VIII a été présentée lundi au Pape émérite)

Lombardi : de Ratzinger une véritable nourriture spirituelle pour notre temps

Interview du jésuite à l’occasion de la présentation de la huitième partie de l’Opera Omnia de Joseph Ratzinger intitulée « L’Église signe parmi les peuples », publiée par la Libreria Editrice Vaticana (LEV)
Eugenio Bonanata et Giovanni Orsenigo – Cité du Vatican

www.vaticannews.va/it/vaticano/news/2022-03/lombardi-ratzinger-benedetto-xvi-lev

C’est un précieux volume que la LEV a présenté hier soir au Collège Pontifical teutonique de Santa Maria in Campo Santo. Il s’agit du premier de deux volumes qui rassemblent les écrits du pape émérite en tant que théologien sur le thème de l’Église au cours des cinquante dernières années. Le titre est « L’Église comme signe parmi les peuples » et représente le huitième « volet » de l’Opera Omnia de Joseph Ratzinger, une série de 16 livres en tout.

Une vaste gamme de documents

« Un panorama qui rassemble de façon systématique des documents de registres différents », prévient le père Federico Lombardi, président de la Fondation vaticane Joseph Ratzinger – Benoît XVI, qui est intervenu lors de la présentation. Il était également accompagné du cardinal Paul Josef Cordes, président émérite du Conseil pontifical « Cor Unum » et du professeur Giulio Tremonti, président de l’Aspen Institute Italia [Aspen Intitute: voir présentation sur la branche française France, voir www.aspenfrance.org]. La valeur de l’initiative éditoriale – ajoute le Père Lombardi – est d’offrir aux lecteurs un parcours unifié de la pensée de Ratzinger, organisé en accord avec le Pape émérite lui-même. « Il s’agit du premier de deux volumes sur l’eschatologie, c’est-à-dire sur ce qu’il a écrit sur le grand thème de l’Église au cours des cinquante dernières années, touchant à divers aspects : la constitution de l’Église, la primauté du pape, la communauté, la synodalité ».

Quelle est la valeur de ce travail ?

L’Opera Omnia est quelque chose de spécifique qui n’est fait que pour les grands auteurs, les grands théologiens et les grands philosophes, ceux qui laissent une œuvre qui reste dans le temps et qui est censée être consultée par de nombreux savants pendant des dizaines et des dizaines d’années et peut-être même pendant des siècles. Joseph Ratzinger est un grand théologien de notre temps et a donc certainement mérité l’Opera Omnia. Cet ouvrage a fait l’objet d’une première édition en allemand, puis, dans le sillage de l’édition allemande, il a été traduit dans d’autres langues également. Et l’italien est naturellement l’une des langues importantes dans laquelle l’Opera Omnia paraît, ce qui est fait selon un grand plan systématique en accord avec Ratzinger lui-même. Il y a un total de 16 volumes à publier au fil du temps, les Allemands sont sur le point de terminer, les Italiens, par contre, nous pouvons dire qu’ils en sont à la moitié. Et dans ce plan systématique, tous les grands thèmes de son œuvre sont rassemblés : depuis les travaux fondamentaux de son doctorat en théologie, jusqu’aux grands sujets qu’il a traités sur Jésus-Christ, l’Église et l’eschatologie, c’est-à-dire la vie éternelle. Et bien sûr, un groupe important de ses écrits est lié au Concile Vatican II, car il a été un expert qui a participé à la rencontre du Concile. Dans le cadre de ce grand panorama systématique qui se construit lentement, nous trouvons donc tous les écrits que Ratzinger a composés dans sa vie jusqu’à son élection au Seuil de Pierre comme théologien, et non comme Pape. Les documents papaux sont quelque chose d’autre, ici sont rassemblés les documents composés en tant que savant et théologien. Récemment, au cours des deux dernières années, deux volumes de ses écrits sur le Concile Vatican II ont été publiés en italien, et nous présentons aujourd’hui le premier des deux volumes sur l’ecclésiologie, c’est-à-dire ce que Ratzinger a écrit sur le grand thème de l’Église dans ses différents aspects : la constitution de l’Église, la primauté du Pape, la communauté, la synodalité. Telle est la signification du volume que nous présentons aujourd’hui : nous sommes au cœur de cette collection systématiquement réorganisée, où nous trouvons des écrits sur le thème de l’Église composés au cours des cinquante dernières années et classés selon une structure conceptuelle.

Pourquoi lire ce texte ?

Parce que la pensée de Ratzinger est une des pensées théologiques fondamentales de notre temps : c’est un penseur de référence pour l’Église de notre temps. Et si nous nous intéressons à ce sujet, dans les volumes des Opera Omnia nous trouvons réunis, et je dirais même coordonnés thématiquement, de nombreux écrits qui étaient auparavant dispersés : l’un était un article publié dans un volume collectif ; l’autre était une homélie prononcée un certain jour ; l’autre était un article d’une entrée publiée dans le dictionnaire théologique. Dans cet ouvrage, en revanche, tous ces écrits sont sortis du contexte dans lequel ils ont été publiés et systématiquement réorganisés. Disons que nous pouvons maintenant lire de manière systématique tout ce que Ratzinger a écrit sur l’Église, bien que sous des formes différentes. Parfois, en effet, il s’agit de fiches théologico-scientifiques ; d’autres fois, ce sont des homélies, mais toujours sur des points fondamentaux comme la primauté de Pierre dans l’Église et ainsi de suite. On peut donc trouver dans ces volumes différents registres dans le cadre d’un parcours extrêmement organique et riche qui suit la pensée de Ratzinger.

En particulier, quel est le message principal que les fidèles peuvent tirer de la lecture de cette première partie du huitième volume des Opera Omnia ?

C’est le message que l’on reçoit en lisant chacune des œuvres de Ratzinger, si l’on veut être très synthétique. C’est-à-dire qu’il y a une capacité à présenter la foi chrétienne en termes adaptés à la culture et aux problèmes de notre époque qui est vraiment extraordinaire. Et ce n’est pas seulement une clarté de caractère conceptuel, mais aussi une richesse spirituelle. En d’autres termes, Ratzinger sait unir la richesse des concepts et le développement d’un discours organique raisonné avec une profonde spiritualité. Il s’agit donc d’une véritable nourriture spirituelle sur les différents thèmes, comme par exemple lorsqu’il parle de Jésus-Christ, de l’Église, de la vie éternelle et ainsi de suite. Il s’agit de sujets différents, mais le style est toujours le même : celui d’une grande profondeur et d’une clarté conceptuelle, et en même temps d’une vie spirituelle, qui se synthétise de manière très harmonieuse avec cette vision rationnelle et conceptuelle de la foi.

Quel est l’héritage du pape Benoît XVI sur le thème de la vérité ?

La vérité a toujours été le fil conducteur de sa vie. Et le fait qu’il ait voulu étudier la théologie dès son plus jeune âge est aussi un désir de connaître et d’essayer d’approfondir la vérité. La vérité qui n’est pas purement abstraite, on pourrait dire rationaliste, mais c’est la vérité qui se présente aussi au croyant en Jésus-Christ à travers l’Église, à travers le témoignage des saints : le sommet de la vérité est Jésus-Christ qui est la révélation de Dieu et de sa parole. Ainsi, dans chaque parcours de Ratzinger, il y a cette recherche de la vérité raisonnable, c’est-à-dire faite avec la raison, mais une raison intégrée et aidée par la foi pour arriver non seulement à la connaissance, mais à des convictions qui inspirent toute la vie et donc l’esprit, le cœur et l’âme.

Quels sont les principaux enseignements de Ratzinger sur le thème de la charité ?

Comme nous le savons, la première encyclique que Benoît XVI a écrite et publiée lorsqu’il est devenu pape était précisément « Deus Caritas Est », Dieu est amour. Et il a donc voulu inscrire tout son pontificat dans cette perspective : un Dieu connu comme vérité, comme fondement de notre vie, de notre orientation, de notre chemin, mais un Dieu qui est amour. Il est un disciple de Saint Augustin et est donc fortement inspiré par cette figure. Sa pensée est caractérisée par cette racine, qui est aussi la substance du Nouveau Testament et de la Lettre de Jean. Nous pourrions dire que le point culminant de notre vision de Dieu, de la révélation, de la vision chrétienne de Dieu est de le décrire comme amour. Et cet amour s’exerce tant dans notre vie chrétienne et personnelle que dans nos relations avec les autres, par une charité qui ne reste pas fermée mais qui s’élargit à l’imitation de celle de Dieu, qui n’est pas resté fermé sur lui-même. Dieu qui n’est pas resté fermé sur lui-même, mais qui a créé par amour et a donné son fils par amour. Et naturellement, l’amour du Christ devient le modèle de la manière dont chaque chrétien aime.

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