Une lecture alternative (et pas si farfelue, jusqu’à sa conclusion surprenante, même si l’auteur lui-même prend prudemment ses distances, et reconnaît l’existence de bien d’autres facteurs) de l’invasion de l’Ukraine: avec le capitalisme « inclusif et durable » idéalisé par l’Occident, l’économie russe aurait fini à genoux. La guerre sert à renégocier la politique « green »

L’article, repris ici par Marco Tosatti sur son blog, est paru aujourd’hui sur La Verità.

La petite Greta a fait peur au tsar. Les bombes seraient-elles pour les verts?

Et si l’origine du ressentiment de Poutine était (avant tout) économique, liée aux décisions de réaliser le processus de transition énergétique qui aurait mis la Russie à genoux en quelques années et limité le processus de consolidation concurrentielle de la Chine ? Vous ne pensez pas qu’en grande partie, même si ce n’est pas déclaré, c’est précisément la petite Greta qui a inquiété la grande Russie et la grande Chine ?

Je propose une hypothèse d’explication, et par conséquent de solution, à la guerre en Ukraine. Je simplifie peut-être à l’extrême, mais j’ai lu et entendu pire, alors pardonnez-moi. Il est possible que l’origine de la décision inacceptable, encore mystérieuse, d’envahir l’Ukraine puisse être identifiée (aussi) dans les conséquences d’une série d’erreurs commises par l’Occident au cours des 50 dernières années, générées par l’ancien NOM et le grand Reset post-covid de la transition énergétique et technologique.
Ledit Reset, destiné à corriger les conséquences de l’échec du NOM et du Covid, est résumé dans la proposition définie comme nouveau capitalisme inclusif et durable, qui ne comprend toutefois que le consumérisme et ne soutient que l’environnementalisme néo-malthusien. Mais il exclut et ne soutient ni la Russie ni la Chine, au contraire, il s’en prend à elles. Si cela était vrai (mais nous ne le savons pas, nous ne pouvons que le déduire), il serait évident que la solution réside dans le sacrifice de certaines aspirations de ceux qui soutiennent Greta & Co. et dans la modification, de manière raisonnable, dudit plan de transition énergétique et technologique, en véritable accord avec la Russie et la Chine.

Il y a plusieurs prémisses qui rendent cette réflexion raisonnable dans le vide du leadership dans le monde global. Avant tout, il y a le changement spectaculaire du pouvoir économique entre l’Occident et l’Orient. L’Occident possède aujourd’hui (approximativement) 45% du PIB mondial contre 90% il y a 50 ans et compte 12,5% de la population mondiale contre 25% il y a 50 ans. Et cela s’est produit grâce à l’effondrement du taux de natalité, exclusivement dans le monde occidental. Il est vrai qu’il y a 50 ans nous étions 4 milliards et qu’aujourd’hui nous sommes 8 milliards. Mais il y a 50 ans, en Occident, il y avait (j’arrondis et simplifie pour faciliter le message) environ 1 milliard de personnes et aujourd’hui, il y a toujours environ 1 milliard de personnes.

N’est-ce pas clair ? Et le problème environnemental est précisément dû aux effets de ce phénomène : l’hyperconsommation polluante en Occident afin de soutenir la baisse du PIB résultant du déclin démographique, et la délocalisation en Asie pour produire à faible coût (et donc peu soucieux des émissions) afin de satisfaire le besoin de consommation en Occident. N’est-ce pas tout aussi clair ?

Mais aujourd’hui, l’Occident, qui en se désindustrialisant a perdu des occasions de créer des emplois, veut rapatrier la production avec des investissements technologiques compétitifs en termes de coûts, au détriment de l’Asie qui risque d’interrompre son nécessaire rééquilibrage pour assurer sa consommation intérieure. Mais aujourd’hui, l’Occident, dans le but de lancer un nouveau modèle de croissance post-covid, conçoit la transition énergétique, qui est juste tant que l’on veut, mais pénalise ceux qui produisent de l’énergie « sale ». Pensait-on que ces producteurs allaient rester là et regarder en silence ?

Le vieux NOM a échoué avant le Covid, puis a empiré et a inventé le Reset, peut-être dans l’indifférence de ceux qui pouvaient en être affectés. Aujourd’hui, un nouveau NOM se profile à l’horizon, qui sera probablement eurasien plutôt qu’euro-américain.

Il est certain que la question est complexe. La Russie est une puissance belliqueuse, mais du point de vue économique, ce n’est pas une puissance significative, c’est un producteur et un exportateur de matières premières énergétiques avant tout, mais elle a un PIB plus ou moins comme celui de l’Italie et en ce moment elle voit beaucoup de ses préoccupations coïncider avec la Chine. De plus, elle semble avoir et vouloir affirmer des valeurs et des aspirations que l’Occident a oubliées et reniées, et je dis bien « semble ».

C’est précisément pour cette raison que le premier choix du Reset post-Covid, celui de la transition énergétique et technologique (dite capitalisme durable), qui vise à éliminer l’utilisation de produits énergétiques sales et polluants (charbon, pétrole, gaz), affecte l’économie et la puissance de la Russie, qui en vit. Le second choix du Reset, qui vise à faire consommer tout le monde même à des coûts marginaux en abaissant les coûts de production grâce aux investissements technologiques (capitalisme inclusif), frappe l’économie chinoise, qui rivalise sur le bas coût et la forte pollution, la mettant en difficulté alors qu’elle redistribue la production en interne pour faire consommer ses habitants.

Je ne crois certainement pas que cette guerre s’explique uniquement par des problèmes économiques, je ne veux pas sous-estimer une série d’autres questions – des problèmes effroyablement complexes à comprendre, que les « experts » semblent d’ailleurs occupés à expliquer en interprétant et même parfois en confondant, souvent en se contredisant. La lecture des interprétations des raisons pour lesquelles Poutine a envahi l’Ukraine semble raviver les interprétations du Covid faites par les virologues. Il doit probablement se défendre économiquement, mais pourquoi envahir l’Ukraine ? Parce qu’elle a un accès précieux à la mer Noire ? Parce qu’elle possède la plus grande centrale nucléaire d’Europe ? Parce que l’Ukraine est le « grenier de l’Europe ». Parce que l’invasion génère des réfugiés en Europe, qui devrait compenser la menace de sanctions ? Pour dissuader l’expansion de l’OTAN autour de la Russie ?

Je constate que la hausse des prix des MP énergétiques, et autres, affaiblit l’Europe (de manière différente selon les pays) mais renforce la compétitivité de la Chine, si elle est soutenue par des prix qui lui sont favorables, comme on peut l’imaginer. Cela confirme que le modèle concurrentiel mondial est en train d’être renversé. Le Reset post-Covid se retourne contre ceux qui l’ont conçu, quelle que soit l’appréciation des acteurs qui auraient été lésés (la Russie en premier lieu). Curieux, n’ont-ils pas élaboré des scénarios stratégiques avant de le lancer ? Très curieux. Je me risque à une hypothèse (si nous ne revoyons pas immédiatement le modèle de transition et d’énergie et n’envoyons pas de vrais négociateurs pour négocier) : la Chine intervient, négocie les conditions, arrête la guerre, sauve le monde de la troisième guerre mondiale et établit le Nouveau « Nouvel Ordre Mondial ».

Ettore Gotti Tedeschi
La Verità, 13 mars

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