Au lendemain de l’acte solennel posé par le Pape (et alors que le président des Etats-Unis jette, de façon irresponsable, de l’huile sur le feu en insultant Vladimir Poutine et en le menaçant de destitution, dans le silence gêné du monde occidental) , c’est à nous AUSSI de nous CONVERTIR, de sortir le l’affrontement stérile entre amis et ennemis, bons et mauvais, de la logique de « supporters ». Sinon, le risque est qu’il n’y ait pas de suite. Belle réflexion de Riccardo Cascioli

Ne rendons pas l’acte de consécration vain.

Riccardo Cascioli
https://lanuovabq.it/it/non-vanifichiamo-latto-di-consacrazione

L’acte de consécration accompli le 25 mars risque de rester un épisode isolé si nous ne comprenons pas que nous sommes les premiers à qui il est demandé de nous convertir, de revenir à Dieu. Et dans le conflit russo-ukrainien, il est nécessaire de changer de perspective, de sortir de la logique de l’ennemi et des fans.

Il y a un risque très réel que nous vidions l’acte de consécration au Cœur Immaculé de Marie que le pape François et les évêques du monde entier ont fait le 25 mars. Vidions, ou au moins affaiblissions. Pour qu’il ne soit pas compris comme un rite magique, l’acte de consécration engage chacun de nous dans la conversion, il exige notre volonté de « nous laisser réconcilier avec Dieu », comme le plaide saint Paul aux Corinthiens dans la lecture que nous avons entendue hier à la messe. Et cela est vrai indépendamment de la conformité de l’acte de consécration avec la demande de la Vierge à Fatima, de l’absence de tel ou tel détail, de la question de savoir s’il en est encore temps ou non, toutes questions sur lesquelles je vois tellement de gens aimer se disputer. Parce que, Fatima ou pas, la seule réponse à la guerre et aux différents châtiments est notre conversion : nous l’avons entendu de la bouche même de Jésus dans l’Évangile lu dimanche dernier :  » Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de la même manière  » (Lc 13, 5).

Cela n’exclut évidemment pas la possibilité que Dieu intervienne directement en ouvrant les cœurs et les esprits de ceux qui semblent aujourd’hui si enthousiastes à l’idée de la guerre. Mais si nous espérons et prions pour cette intervention, pour nous tous aussi, c’est une occasion à ne pas manquer. C’est pourquoi nous ne pouvons que constater que l’acte de consécration risque de rester un épisode isolé, qui n’a pas vraiment d’impact sur nos cœurs et nos esprits. Ce fut une belle prière, un beau moment qui nous a peut-être même émus, une belle après-midi de foi vécue, mais maintenant c’est à la Vierge de s’en occuper avec son Fils, tandis que nous retournons à nos occupations. En particulier, je constate que nous recommençons à réfléchir à ce qui se passe en Ukraine, comme nous l’avons fait jusqu’au matin du 25.

Et de fait, une fois que les commentaires sur la consécration se sont estompés, revoilà le choc des supporters [tifosi], contre Poutine ou contre l’OTAN, pour Zelensky ou contre Zelensky. Les raisons de l’un contre les raisons de l’autre, ou plutôt : les raisons de l’un ignorant celles de l’autre. En pratique, comme si l’acte de consécration n’avait jamais eu lieu, n’avait pas été vécu.

La conversion n’est pas réelle si elle n’affecte pas aussi notre façon de penser, notre façon d’envisager cette situation de guerre. Il ne s’agit pas de changer d’équipe à encourager ou de devenir équidistant, tout au contraire. Au début de cette guerre, j’ai déjà cité abondamment une réflexion du Métropolite Antonijož [ndt: en 1968, lors de l’invasion de la Tchécoslovaquie par les chars soviétiques; traduction en français ici] – [ndt2: 1914-2003, voir sa biographie ici] , qui décrit la tâche à laquelle le chrétien est appelé face à une réalité d’injustice et de violence ; comment il nous est demandé d’être unis à tous, « aussi bien à ceux qui ont raison qu’à ceux qui sont coupables », parce que Jésus « les a tous embrassés d’un seul amour ».

Il existe cependant un premier petit pas qui indique si nous allons dans cette direction ou non. Si, comme nous l’avons prié dans l’acte de consécration, la racine de la guerre est notre péché, le fait que nous nous détournions de Dieu, « ignorant Dieu, vivant avec nos propres mensonges », cela concerne tout le monde : les gouvernements russe et ukrainien, l’OTAN, l’Union européenne et tous ceux qui participent à ce « jeu ».

La première étape est simplement d’arrêter les attitudes de tifosi. Personne ne peut se vanter ou prétendre que quelqu’un a la conscience tranquille. Il est très impressionnant ces jours-ci de voir comment certains, pour être d’accord avec Poutine, sont prêts à fermer les yeux sur l’agression, les destructions, les morts et les trois millions de réfugiés ; et d’autres, pour condamner Poutine, sont prêts à fermer les yeux sur les atrocités également commises par les militaires ukrainiens ou même à romancer les actes du bataillon Azov, de matrice clairement néonazie. Fermer les yeux sur l’un ou l’autre, c’est se rendre complice de la violence.

Ceux qui ne voient que les motivations des uns, comme si le péché ne concernait qu’un seul côté, persistent sur le mauvais chemin. Cela ne veut pas dire que chacun a la même responsabilité à chaque instant, mais comme nous l’avons déjà expliqué, il y a de nombreux facteurs à prendre en compte et des raisons qui s’entrechoquent. L’Ukraine se plaint à juste titre des agressions russes et a le droit de se défendre ; mais la Russie peut à juste titre se plaindre des provocations de l’OTAN ; et les anciens pays du Pacte de Varsovie ont toutes les raisons de craindre le nouvel expansionnisme russe et de demander le parapluie de l’OTAN, etc.

Il y a mille raisons de faire la guerre, une seule pour l’arrêter : la conscience que chaque guerre apporte avec elle un poids de souffrance, de violence, de destruction de l’humanité, de mort, qui appelle à son tour plus de violence, plus de destruction, plus de mort. Il n’y a pas de guerre qui ne provoque pas une injustice plus grande que la guerre elle-même.

Il n’y a pas de guerre qui ne cause pas de plus grandes injustices que celles qu’elle était censée corriger. Nous le savons : l’issue de la Première Guerre mondiale a jeté les bases de la Seconde ; la première guerre du Golfe a entraîné une instabilité dans toute la région – et au-delà – qui ne fait qu’empirer plus de 30 ans après. Et nous pourrions continuer ainsi : ce n’est pas pour rien que, dans nos tentatives de remonter aux racines de l’actuel conflit russo-ukrainien, nous avons lu des reconstitutions historiques qui, de guerre en guerre, remontent jusqu’au XIIIe siècle.

L’histoire est un enchevêtrement de torts et de raisons, et on ne peut s’en sortir qu’en changeant de perspective, en sortant de la logique de l’ennemi, de l’illusion que le monde serait meilleur sans tel ou tel homme, sans tel ou tel peuple. Nous ne pouvons nous en sortir qu’en revenant à Dieu, en commençant par nous-mêmes.

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