Amoris laetitia : Le silence des pasteurs


... illustré par un 'conte moral' trouvé sur le blog <Messa in latino> . Et le très intéressant commentaire d'un lecteur (14/5/2016)


Antonio Socci, dans un article que j’ai traduit hier, s’appuyait sur l’autorité de Joseph Ratzinger à travers deux textes écrits avant l’élection au Trône pontifical, pour rappeler fermement avec force aux évêques et aux cardinaux qu’il était de leur devoir (et non une simple possibilité) de soulever publiquement la question de la légitimité d’Amoris Laetitia
Comment interpréter leur cécité presque unanime? Pourquoi cette obstination à présenter, contre toute évidence, Amoris Laetitia comme étant dans la « continuité » du Magistère de toujours (cf. Que la continuité soit !)? Que veut exactement le Pape? Quelles seront les conséquences?
Un de mes lecteurs tente de répondre à ces questions.


Je constate que l'immense majorité des évêques et des cardinaux nous assènent comme une évidence la conformité de Amoris Laetitia avec la Tradition de l'Eglise. Je suis persuadé que la presque totalité des prêtres suivent cette ligne ou plutôt ils se moquent de la continuité. Je ne sais pas comment ils peuvent tous y croire.
Je vois trois explications.
. Ils ne veulent pas se mettre à la tête d'un schisme
. ils ne veulent pas être comptés parmi les durs partisans de la loi condamnés et ridiculisés maintes fois par le Pape et être harcelés par leurs ouailles réclamant les séances de discernement
. ou... tout simplement ils ne veulent pas perdre leur poste.

L'argument selon lequel le Pape n'aurait pas dit une chose importante et nouvelle dans une note ne tient pas, étant données les révélations de Bruno Forte. Le camouflage est voulu!

Finalement, qu'a fait le Pape? Il a dit qu'un remariage après un divorce n'est pas forcément un péché mortel. La plupart des gens ne sont donc coupables que d'un péché véniel ou sont carrément innocents (le discernement est chargé de l'établir avec tout l'arbitraire qu'on peut imaginer). Rien ne s'oppose donc à l'accès aux sacrements. L'exhortation ne dit pas comment les fidèles pourraient recevoir l'absolution sacramentelle pour un péché véniel ou mortel qui continuerait! Malgré sa longueur, le document comporte de nombreuses lacunes.

Ce nouveau point de vue du Pape dynamite la morale sexuelle de l'Eglise et contredit le CEC. On peut faire le même raisonnement pour tous les péchés de la sphère du 6ème commandement et même pour tous les autres. En fait, rien n'est péché si l'adultère lui-même est bénin. L'exhortation ne dit rien aux jeunes qui vivent ensemble avant le mariage. En parlera-t-on à Cracovie?

Cette exhortation dissuadera les jeunes de se marier étant donné que toutes les situations "irrégulières" sont valorisées.
Et de moins en moins de gens iront se confesser


Voici un joli billet trouvé sur le site <Messa in latino> et traduit par Anna, qui aborde lui aussi la question, mais sur un ton, disons, plus léger. L’auteur, Enrico Roccagiachini, contribue également au blog <Campari & de Maistre>.

J'ai fait un rêve


Enrico Roccagiachini
12 mai 2016
blog.messainlatino.it
Traduction d'Anna

J’ai séjourné quelques jours à Rome à l'occasion de la Marche pour la Vie, et j'ai dû accumuler pas mal de fatigue. C'est ainsi qu'en rentrant à la maison, dans le train, tandis que je feuilletais distraitement quelque chose, je suis tombé dans un sommeil profond. Et j'ai fait un rêve, dont je me souviens très bien, et je crois qu'il vaut la peine d‘être raconté.

Je me retrouvais dans une sorte de grande salle, vraiment très grande, en présence de nombreuses personnes qui semblaient désorientées, anxieuses, et même apeurées. Je me suis aperçu qu’elles étaient toutes en train de lire, avec une inquiétude évidente et croissante, un petit livre - en fait, quelque chose de plus qu'un petit livre: c'étaient pas mal de pages… - et, après l'avoir lu, ils se regardaient tous l'un l'autre, et autour d’eux, comme à la recherche de quelque chose ou de quelqu'un qui puisse les réconforter. Je me suis rendu compte que le petit livre était l'Exhortation Apostolique Amoris lætitia.
À un moment donné, c'était comme si un podium avait été dressé au milieu de la salle: plusieurs prêtres, évêques et même quelques cardinaux y étaient montés. Bien que différents, on savait qu'ils étaient tous saintement catholiques. On avait l'impression qu'ils représentaient un vaste peuple fidèle…
L'un d'entre eux a sorti une sorte de parchemin et s'est mis à le lire à haute voix. Voici ce qu'il disait:

«La lecture d'Amoris lætitia suggère la conclusion qu'aujourd'hui, du moins dans quelques cas confusément définis, l'accès à l'Eucharistie des fidèles civilement divorcés et remariés serait permis: et cela même sans l'engagement à vivre comme frère et sœur, et même en étant bien conscient de violer le commandement divin concernant l'indissolubilité du mariage et la gravité de l'adultère.
Une telle conclusion, bien que soutenue par l'autorité, est contraire à la foi catholique, tout comme serait contraire à la foi catholique toute pratique qui s'y conformerait.
C'est un devoir impératif de chaque pasteur, sans exception, de repousser expressément cette conclusion comme étant erronée et, sur la base de sa propre autorité, d'en inhiber l'application et d'empêcher qu'elle soit retenue par les fidèles.
C'est en même temps le droit, voire le devoir, de chaque fidèle - laïc ou clerc - de résister à ladite erreur et à chacune de ses applications, aussi bien dans sa conduite personnelle, que dans le témoignage public de l'Évangile, que dans l'exercice de l'autorité ou des ministères dont il est légitimement titulaire dans l'Église.
De ce devoir, avec l'aide de Dieu, nous tous - laïcs et clercs - voulons rendre témoignage et demandons au Seigneur la grâce de pouvoir l'accomplir en toute occasion où nous y serons appelés. Nous prions constamment afin que chaque évêque de l'Église catholique, chaque religieux, chaque prêtre s'engage sans exception dans cette œuvre de témoignage incontournable de la vérité.
Nous convions tous les fidèles à s'associer à cette prière que, pleins d'espérance, nous confions à l'intercession de la Très Sainte Marie et à la protection de Saint Joseph
»

Cette déclaration suscita un tel enthousiasme dans l'assistance et fut accueillie par un tel tonnerre d’applaudissement que je me suis réveillé. J'ai repris alors la lecture que je faisais avant de m'endormir: un article sur les déclarations de Mgr Forte, celles concernant les circonstances de la rédaction d’Amoris lætitia (cf. Confidences de Mgr Forte). C'est ainsi que j'ai été rappelé à la réalité, et je me suis rendu compte qu’hélas, non seulement la réalité n'est pas un rêve mais qu’au contraire, elle est un vrai cauchemar…