Choses vues à Argenteuil.


Carlota s'est rendue en famille à la Basilique d'Argenteuil pour se recueillir devant la Sainte Tunique actuellement exposée. Son reportage, comme si vous y étiez…. (5/4/2016)


Visite à la Sainte Tunique d’Argenteuil, premières impressions


Carlota
5 avril 2016

* * *

Après avoir quitté l’autoroute, nous sommes arrivés à Argenteuil aux alentours d’une heure de l’après-midi en ce 1er dimanche après Pâques, dit dimanche de Quasimodo. C’était la première fois que nous venions à Argenteuil et a fortiori visitions « La Sainte Tunique » dont nous n’avions, nous enfants de Vatican II, pas vraiment entendu parler quand nous étions petits pour ne pas dire jamais, ni même à l’époque de la dernière Ostension dans les années quatre-vingts, qui a vu passer quelque 80 mille pèlerins, ou tout au moins nous avions pris cela pour une vieille relique, presque une arnaque conçue au Moyen Âge, bref des histoires d’antan.
Mais cette étonnante pièce d’étoffe est revenue en force, notamment grâce à des informations transitant par internet, tandis qu’avec l’affaire du Saint Suaire de Turin le carbone 14 était enfin démasqué. Nous nous sommes donc progressivement [ré]approprié cet incroyable témoignage conservé en France, en dévorant notamment l’ouvrage de Didier Huguer et Winfried Wuermelling, « La Sainte Tunique d’Argenteuil, face à la science » (2007) et « Les actes du colloque sur la Sainte Tunique et les autres reliques du Christ » qui a eu lieu en avril 2011 et disponibles ICI.

Bref, nous nous devions d’aller à Argenteuil à l’occasion de l’Ostension de 2016, c’est à dire la présentation aux pèlerins de la Tunique déployée, une présentation qui n’est, depuis deux cents ans, faite que deux fois par siècle, les années 34 et 84. L’Ostension 2016 est donc encore plus exceptionnelle et a été décidée par l’évêque du diocèse de Pontoise qui est le « Gardien de la Tunique », et donc à la tête du diocèse auquel appartient la basilique Saint Denys d’Argenteuil, un diocèse créé il y a cinquante ans avec l’organisation des « nouveaux départements » de la région parisienne, mais également parce que 2016, c’est l’année de la célébration des 150 ans de la nouvelle basilique reconstruite sous le Sd Empire et l’année de la Miséricorde décrétée par le Pape François.

Partis donc en famille de bon matin et en voiture, nous nous trouvons en tout début d’après midi à Argenteuil, sur la rive droite d’une boucle de la Seine, à quelque 12 km à vol d’oiseau au nord-ouest de Paris. Nous dépassons la gare et là surgit sur la gauche, un peu en surplomb de la route, un immense édifice au mur couleur ocre clair avec une tour et un grand dôme doré surmonté d’un croissant. Sur les trottoirs qui l’entourent, déserts à cette heure et en cette journée, patrouillent des soldats de l’armée française en tenue de camouflage et rembourrage bibendum, gilets pare-balles oblige, avec le fusil d’assaut. C’est vrai que la France est en état d’urgence depuis plusieurs mois… et qu’il y a des endroits sans doute plus exposés que d’autres… Mais il y a de quoi se poser des questions malgré tout…

Le GPS nous indique le chemin à prendre et nous allons, avec beaucoup de chance, pouvoir nous garer, pas bien loin de la basilique Saint Denys d’Argenteuil autour de laquelle les rues avoisinantes ont été barrées à la circulation. Tout près de l’édifice la police municipale, des ASVP (agents de sécurité voies publiques) et/ou la police nationale nous font passer entre des barrières mobiles. Et autour de la basilique, se pressent les pèlerins qui font la queue pour pénétrer dans l’église.
La messe de 11 heures présidée par Mgr Lalanne, évêque du diocèse, est finie, et la visite à la Sainte Tunique a repris de plus belle. Des jeunes volontaires chargés de l’accueil, dirigent vers un accès plus aisé que les marches du parvis, les personnes en chaises roulantes. Dans la queue, venus en famille par forcément directement de leurs régions ou pays d’origine mais installés en région parisienne ou y séjournant depuis un certain temps, des catholiques originaires des Antilles ou de l’Afrique Noire, de nombreux chrétiens orientaux, des asiatiques aux racines sans doute liées à l’Ancienne Indochine française, mais aussi arrivés plus récemment de Chine, de nombreux femmes en sari, en provenance des territoires évangélisés au XVème siècle, grâce aux routes maritimes ouvertes par les Portugais, et à François Xavier, et notamment des anciens territoires portugais des Indes et surtout de Ceylan (Sri Lanka), quelques gitans d’Europe occidentale et des tsiganes d’Europe centrale. J’entends aussi des Européens de langue slave, je ne peux dire s’il s’agit de catholiques latins et/ou gréco-catholiques, voire d’orthodoxes qui ont pu dire la semaine passée les vêpres face à la Tunique. Et bien sûr des catholiques français d’origine plus européennes qui au fur et à mesure que l’après-midi avance vont se faire toujours plus nombreux et qui sont sans doute en provenance d’autres diocèses que celui de Pontoise. Des scouts et des jeannettes ont une petite tente et proposent des crêpes et des boissons. Mais nous ne voulons pas perdre notre place dans la file et nous résistons à la tentation, la Tunique mérite bien ce petit jeûne et nous n’avions qu’à prévoir le sac à dos et le casse-croute!

Le soleil, en plus, est au rendez-vous, tout est parfait. Nous atteignons enfin les marches de la basilique et nous pénétrons bientôt dans la basilique Saint Denys. Il y a tellement de monde que nous ne sommes pas autorisés à nous arrêter devant la Sainte Tunique mais nous pouvons donner en passant nos petites bougies à des volontaires du diocèse à la chasuble rouge qui les installent le long de la rambarde devant la Relique.
C’est très beau et c’est finalement aussi bien car étant donnée l’affluence il serait hors de question de se mettre à genoux pour prier, monopolisant la place, d’autant que nous sommes dans une telle stupéfaction en nous trouvant en face cette tunique, Tunique du Christ qui porte Son sang, ou pour les incrédules, tunique qui devant laquelle, et depuis des siècles, tant de croyants se sont recueillis, que nous passons sans même pouvoir penser bien clairement et nous en oublions d’énumérer tous les noms de ceux qui nous sont chers. Mais les intentions y étaient néanmoins et implicitement logées dans nos cœurs.

Nous sortons encore un peu hébétés d’un tel événement. Il est déjà tard et nous aurons sans doute encore une nouvelle queue à faire pour pénétrer dans la basilique pour les vêpres puis à 18h la messe (les deux dans la forme extraordinaire, donc en latin). Nous décidons donc de nous sustenter et pour ce faire nous rentrons dans le plus proche et quasiment seul café-restaurant du coin et dont l’heure de gloire semble avoir passé il y a bien longtemps. La terrasse est déjà pleine de pèlerins « très sortie de la Grande Messe » d’une ville de province de la France des années cinquante, ou tout au moins qui ne semblent pas vraiment être de ce quartier d’Argenteuil. Mais l’on se fait si facilement des idées.
Le seul menu proposé, c’est couscous-merguez et brochettes d’agneau! Ne nous voyant pas très motivés, le serveur nous propose des sandwichs au saucisson ou au fromage. Nous sautons sur la proposition de saucisson, mais là point de saucisson sec, ni même de saucisson à l’ail (cf la 7ème compagnie), et quand nous mordons dans notre sandwich, nous découvrons plutôt un saucisson version mortadelle « hallal ». Ben, tant pis ! L’on a néanmoins droit à une bière bien fraîche (était-elle “hallal” aussi ?). Une « ambiance » quasi surréaliste ou tout au moins pas forcément courante, ni pour les provinciaux d’une petite ville de province que nous sommes, ni peut-être d’ailleurs pour le café-restaurant « envahi » par une clientèle qui semble inhabituelle. Et il a dû, sans doute, aller compléter son frigo, en se précipitant chez le boucher du coin, à quelques mètres de là, évidemment à la devanture aux inscriptions arabes et pour les non arabophones, les mots « BOUCHERIE HALLAL » en gros. Il y a aussi, tout à côté, le tout jeune boulanger, sans doute natif d’Argenteuil, qui ne sait où donner de la tête et qui enchaîne la cuisson de ses baguettes en nous disant avec un accent très prononcé version titi d’Alger, qu’il faut attendre mais qu’il ne faut pas se faire de soucis, qu’il ne refuse jamais du pain au client, une nouvelle fournée est presque prête!

La police - nous sommes en « état d’urgence ». Mais j’avoue que la présence des policiers m’a moins impressionnée, - ou je m’étais habituée à l’idée -, que celle de soldats évoqués plus haut. Leur tenue était peut-être plus habituelle. On peut néanmoins se demander ce que le policier (ou la femme policière à un moment donné) avec son fusil d’assaut aurait pu faire, avec la foule de pèlerins présents… si un homme (ou une femme) déterminé et voulant aller directement au ciel que lui promet sa « religion » avait voulu faire un coup d’éclat. Une protection qui peut sembler illusoire. N’y pensons pas. D’autant que l’on voit passer devant la terrasse du café-restaurant quelques femmes enrobées de noir complet (et pas version veuves siciliennes évidemment), des jeunes femmes en général avec le téléphone-appareil photo intelligent qu’elles pianotent en permanence ; et quelques autres plus âgées mais qui passent plus rapidement en montrant un vêtir un peu moins ostentatoire mais encore très caractéristique des pratiquantes d’une certaine « religion ». Passent aussi des jeuuunes, version « canaille » dirons-nous, au type plutôt Afrique du nord ou Afrique subsaharienne, aux lunettes noires, casques sur les oreilles ou oreillettes et retéléphone « intelligent » ultramoderne « greffé » à la main. Et nous, provinciaux, sortis de nos provinces profondes (enfin si cela existe encore), de penser plus qu’avant, et pour les plus anciens de se remémorer peut-être une certaine période de notre histoire et les départements français d’Afrique du nord, et tous d’évoquer une potentialité de dangerosité qui nous cerne. Ou dit différemment, un jour particulier, pour le petit centre historique de la ville d’Argenteuil, un îlot de chrétienté dans une mer de…
Mais cela ne doit être qu’une impression. Comme déjà dit nous ne sommes que des provinciaux… d’une France profonde qui a vécu…

Puis ce sont les Vêpres avec une église entière qui récitent en latin et la Messe bien sûr, particulièrement impressionnante avec Dom Pateau, le prieur de l’abbaye bénédictine de Notre Dame de Fontgombault avec sa mitre et sa crosse. Et qui évoque devant la Sainte Tunique, notre côté « Saint Thomas ». Il y a tellement de pèlerins qui veulent voir la Tunique qu’ils ont été autorisés, malgré ce qui avait été prévu, à passer derrière l’autel pour voir la Tunique pendant les Vêpres et la Messe sauf au moment de l’Élévation et à la condition de le faire dans le silence le plus absolu. Une église pleine à craquer et un silence magnifique. Puis résonnent les prières latines, et haut et fort les répons des fidèles qui savent parfaitement cette langue éternelle de l’Église d’Occident, cette langue qui répond si parfaitement à un vingt et unième siècle au cosmopolitisme devenu fou et qui permet au peuple de Dieu quelle que soit son origine de prier en commun. Les pèlerins qui ont continué à circuler devant la Tunique, finalement en auront tout autant profité et l’auront peut-être compris.

Il faut aussi que j’insiste beaucoup sur l’impressionnante « zone de confession ». De nombreux prêtres se sont portés volontaires pour confesser toute la journée, installés sur leurs petites chaises en paille, dans le “corridor” droit de l’Abside. Des personnes de tous les âges et toutes les origines sociales, francophones ou non (il y a des prêtres pour les principales langues européennes mais aussi un prêtre d’origine vietnamienne et un autre originaire d’Afrique Noire) s’assoient sur des chaises d’attente prévues à cet effet et passent d’une chaise à l’autre, sans même avoir eu le temps, de penser à la peur de se confesser, surtout si c’est un acte qui parfois n’a pas été fait depuis des années, au fur et à mesure qu’une gentille sœur africaine ou un bénévole de la paroisse, emmène les intéressés vers les places de confession libérées. Et ils se succèdent sans cesse. Il faut avouer que lorsque l’on « sort » de la confession ou plutôt quand on y pense, un peu plus tard, cela fait tout « drôle » de se dire: j’étais en train de me confesser à un mètre ou deux de la Tunique qu’a portée le Christ. Ce n’est pas vrai, j’ai rêvé ! Et le prêtre par son ordination m’a confessé, ce sacerdoce instauré par le Christ aux 12 apôtres à qui il a lavé les pieds dans cette première cérémonie d’ordination, le jeudi Saint. Et moi, j’étais là à côté de cette Tunique historique. Et pour les incrédules, si ce n’est pas Sa Tunique, c’est un symbole très fort qui rappelle le Seigneur.

Le Seigneur qui sait tout, avant, pendant et après, a permis que Sa Tunique (ou une tunique rappelant son nom, toujours pour les incrédules) soit en ce lieu précis d’Argenteuil, non pas l’Argenteuil de l’époque de Charlemagne (qui avait reçu la Relique de l’impératrice de l’Empire Romain d’Orient) et qu’il l’avait confiée en grande pompe à sa fille moniale, à l’époque d’une abbaye florissante, mais dans l’Argenteuil d’aujourd’hui. Un Argenteuil qui semble si loin de l’Église triomphante et à peine plus proche de l’Église militante, mais si près de l’Église qui souffre, là où personne ne veut la voir souffrir, car ce n’est pas dans l’air du temps de parler de cela et d’évoquer ce type de souffrance. Et une Tunique qui a attiré tant de monde (il n’y en a peut-être jamais eu autant en si peu de jours d’ostension) et sans une grande “publicité” que cela dans les paroisses, en fin, il me semble… (*) (**).

NDR


(*) Historique de la Tunique, plus fort encore qu’un film « hollywoodien » ;
- Le « tissu » que l’on peut voir serait arrivé à Argenteuil en l’an 800. La Tunique était jusque là à Constantinople/Byzance, après avoir été retrouvée au IVème par Sainte Hélène, mère de l’empereur Constantin.
- En 850, les vikings pillent Argenteuil et la basilique Saint Denys, mais heureusement la Tunique avait été caché dans un mur scellé.
- En 1003, l’abbaye est reconstruite mais la Tunique n’est retrouvée qu’en 1156, et c’est à ce moment qu’a lieu la premier ostension.
- En 1567, la Tunique, aurait pu être détruite mais heureusement cachée, elle échappe à la furie destructrice des Protestants qui lors de la prise d’Argenteuil et bien d’autres lieux en France, détruisent les statues dans les églises mais aussi les reliques, voire profanent des sépultures se trouvant dans les églises (cf celle de Guillaume le Conquérant dans l’abbaye aux hommes à Caen).
- Au début de la Révolution (1789) le prieuré bénédictin est supprimé et la Tunique est remise à l’église paroissiale. Mais les persécutions contre l’Église et les prêtres ne tardent guère à reprendre de plus belles, et le curé d’Argenteuil, cache la Tunique en l’enterrant dans son jardin (avec au préalable fait quelques découpes). Emprisonné deux ans (il a échappé à la guillotine), il ressort la Tunique et la fait recoudre.
- L’Ostension de la Tunique reprend au XIXème et en principe tous les cinquante ans (1834-1884 ; 1934 – 1984).
- En décembre 1983 le reliquaire où repose la Tunique a été volé, et la Tunique avec. Deux mois plus tard, le curé de la paroisse d’Argenteuil reçoit un coup de téléphone d’un inconnu qui promet de restituer le trésor si le nom des ravisseurs est conservé secret. C’est ce qui est fait et la plainte est retirée.
- Pendant les six jours des fêtes de Pâques 1984, a lieu l’Ostension de la Tunique.
- 2016, nouvelle Ostension du 25 mars (vendredi Saint) jusqu’aux Vêpres du dimanche 10 avril, de 10h à 22h, avec messe tous les jours et confessions permanentes. Il faut donc en profiter.

(**) Évidemment la Tunique n’est pas un dogme de l’Église catholique et l’on n’est pas obligé de croire qu’il s’agit de la tunique qu’a portée le Christ et qui aurait été tissée par la Sainte Vierge. Il n’y a pas non plus de preuve absolue que cela ne soit pas vrai. Mais comme l’on peut s’émerveiller de l’histoire incroyable de ce tissu et plus encore peut-être de l’intelligence que Dieu a donnée aux hommes et qui leur permet, peu à peu et avec des connaissances scientifiques de plus en plus poussées de découvrir que finalement si c’est un faux, ceux qui ont conçu ce faux étaient « drôlement » intelligents ! Alors Dieu qui peut tout et qui ne manque pas d’humour peut très bien avoir permis que Sa Tunique arrive jusqu’à nous !