François et ses porte-parole non officiels


Sous son pontificat, la structure communicative du Vatican est en passe de devenir une coquille vide. Le Pape passe de plus en plus par-dessus ses conseillers officiels, pour s'en remettre à ses amis, et à sa propre opinion. Un article d'Edward Pentin (16/7/2016)

>>> Voir aussi, sur ce sujet: Pourquoi François a-t-il bonne presse?

>>> Ci-dessous: Le pape et le Père Antonio Spadaro, directeur de la Civiltà Cattolica.


François et ses nombreux porte-parole non officiels


Edward Pentin
www.ncregister.com
15/07/2016
Ma traduction

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Cette semaine, François a suscité quelques froncements de sourcil en choisissant un théologien protestant, Marcelo Figueroa, pour diriger une nouvelle édition argentine de L'Osservatore Romano.
A partir de septembre, Figueroa, qui est un ami personnel du Saint-Père et ex-directeur de la Société biblique d'Argentine, va diriger l'édition qui regroupera huit pages de contenu local exclusif et l'édition hebdomadaire en langue espagnole de L'Osservatore Romano.
Sa nomination fait suite à une opposition au pape dans son pays natal que l'on dit croissante.
Dans une interview avec le journal argentin La Nacion, la semaine dernière, François a démenti l'existence de problèmes avec le nouveau président de centre-droit du pays, Mauricio Macri (le pape a récemment refusé une importante donation de Macri bien que le Président eût insisté après coup qu'il n'y avait pas de mauvaise volonté).
Mais les commentaires du pape faisaient suite à un sondage en Argentine qui montrait qu'il avait perdu un nombre considérable de soutiens dans le pays, en grande partie en raison de ce que beaucoup perçoivent comme une relation difficile avec Macri.
Il fallait donc peut-être s'attendre à ce que, suivant son interview de la semaine dernière avec La Nacion, dans laquelle il soulignait qu'il n'y avait personne pour parler en son nom en Argentine, François nomme un ami pour s'assurer que ses messages sont reçus dans son pays d'origine comme il se doit, sans aucune distorsion.
Dans l'interview à La Nacion, François a insisté sur le fait que «le Bureau de presse du Vatican est le seul porte-parole du pape». Mais bien que ce soit officiellement vrai, d'autres semblent parler pour lui, souvent quand on en vient aux questions les plus controversées.
Au cours des trois dernières années, parmi ceux-ci, on comptait Andrea Tornielli de Vatican Insider, Elizabetta Piqué de La Nacion, et le père jésuite Antonio Spadaro, rédacteur en chef de La Civiltà Cattolica, dont la copie doit toujours être approuvée par la Secrétairerie d'Etat.
Le Père Spadaro a récemment interviewé le cardinal Christoph Schönborn de Vienne sur Amoris Laetitia, un entretien dans lequel le cardinal semble aller contre l'orthopraxie, affirmant, dans le cadre de l'admission des divorcés remariés à l'Eucharistie, que «dans certains cas, celui qui est dans une situation objective de péché peut recevoir l'aide des sacrements». Le Père Spadaro a publié un ample extrait de l'interview en anglais qui portait principalement sur ce sujet. Le jésuite, qui a mené la première interview avec le pape en 2013, a également lui-même défendu cette interprétation controversée en un certain nombre d'occasions, sans qu'il y eût aucune correction.

Par souci d'équité, le Père Spadaro a toujours nié parler pour le Pape quand je lui ai posé la question, insistant que ses articles et commentaires sont toujours ses propres idées. Mais il reste qu'il est souvent en contact direct avec le Pape, que sa publication influente doit toujours passer le contrôle des hauts fonctionnaires curiaux, et que ses articles ne sont jamais contredits publiquement ou infirmés par le Vatican ou le bureau de presse, malgré leur contenu parfois controversé, flirtant avec l'hétérodoxie. Le spécialiste des médias jésuite était cette semaine en Pologne où il a donné des conférences sur François, l'interprétant à l'intention des médias polonais et étiquetant le Saint-Père comme "grand communicateur".

Par ailleurs, le pape agit comme son propre porte-parole, donnant ce qui est désormais presque trente interviews majeures, habituellement aux médias qui lui sont favorables, et souvent sans passer par le Bureau de Presse (en général, ils n'ont pas été informés, ou s'ils l'ont été, ils ont donné en vain un avis négatif).

Aujourd'hui, il a choisi un ami protestant pour l'interpréter auprès des Argentins, agissant à nouveau en dehors du bureau de presse et probablement aussi contournant le directeur de L'Osservatore Romano, Giovanni Maria Vian, qui aura vraisemblablement peu de contrôle sur le matériel que publiera Figueroa.
Et, bien que l'édition sera supervisée par la conférence épiscopale locale, Mgr Víctor Manuel Fernández est appelé à jouer un rôle clé dans la nouvelle publication. Actuellement recteur de l'Université pontificale catholique d'Argentine, Mgr Fernández est largement connu comme le "ghost-writer" d'une grande partie des écrits du Pape, comme ses exhortations apostoliques post-synodales Evangelii Gaudium et Amoris Laetitia, et son encyclique Laudato Si'.

Ainsi, bien que le pape insiste sur le fait qu'il n'a qu'un seul porte-parole officiel, actuellement le père Lombardi, sur le point d'être remplacé par Greg Burke, dans le Bureau de Presse du Saint-Siège, en réalité, il en a un certain nombre de non officiels. Et si l'on s'en tient au passé, il leur permettra de transmettre efficacement son message, même s'ils se trouvent être protestants.