"Je m'excuse, mais je ne comprends pas"



Pour Rino Cammilleri, la visite du Pape à Lesbos, avec l'embarquement des douze musulmans, a été la goutte d'eau de trop. Beaucoup se reconnaîtront dans sa protestation (21/4/2016)

>>> Voir aussi:
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Le Pape demande pardon aux réfugiés…
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Le Pape à Lesbos

Image ci-dessous: www.newecclesia.it/news/news/il-pianto-del-profugo-la-preghiera-di-francesco


Rino Cammilleri (né en 1950) est ce qu'il est convenu d'appeler un apologète catholique, qui poursuit une carrière d'essayaiste et de journaliste (il écrit entre autre pour "Il Giornale"). Il est notamment l'auteur d'un livre sur Medjugorje (Medjugorje, il cammino del cuore, 2012), d'un livre co-écrit avec Vittorio Messori (Gli occhi di Maria, 2001), et d'un autre avec Ettore Gotti Tedeschi (Denaro e paradiso. I cattolici e l'economia globale, 2004)
Je l'ai découvert - virtuellement, s'entend - il y a longtemps (bien avant qu'il ne collabore occasionnellement à "La Bussola"), et je l'ai tout de suite apprécié, pour son bon sens, son humour ... et bien sûr ses idées, avec lesquelles je me sens en syntonie. J'ai traduit un certains nombre d'articles de lui (voir le moteur de recherche interne).
Ceci pour le situer.
Cette lettre qu'il écrit au directeur de "La Bussola", Riccardo Cascioli, me semble emblématique, en ce qu'elle marque un tournant dans le Pontificat (peut-être aussi dans la ligne éditoriale de ce quotidien, "déchiré" depuis trois ans entre la ligne pro-Bergoglio, emmenée par Introvigne, et la ligne plus critique incarnée par le directeur): un catholique fervent qui a fait tout ce qu'il a pu pour rester loyal au Pape, et qui s'est tu jusqu'à présent, pour ne pas avoir à critiquer tout haut, laisse enfin éclater sa frustration. La visite à Lesbos a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.
Beaucoup de catholiques de bonne foi se reconnaîtront dans ces propos.

[on aimerait juste en savoir un peu plus sur le mystérieux "et alors..." final. Ou plutôt on a peur de comprendre.]

Je m'excuse, mais je ne comprends pas


Rino Cammilleri
20/04/2016
www.lanuovabq.it
Ma traduction

* * *

Cher directeur,

Tout le monde m'est témoin que jusqu'à présent, sur ce Pape, j'ai gardé le silence. Il y avait beaucoup de choses qui, honnêtement, ne me plaisaient pas dans sa manière d'agir, mais je me suis toujours dit: le Pape, c'est lui - et qui suis-je pour juger?

Mais samedi, aux nouvelles télévisées, j'ai vu la scène poignante d'un Pakistanais catholique en larmes (ndt: cf. photo), le cœur brisé et le dos aussi à force de rester à genoux aux pieds du pape: un pauvre homme qui ne savait pas s'il devait rire pour la joie inattendue, ou pleurer pour le désespoir. Je le répète: un catholique, et pakistanais.
Et il est inutile de répéter ici ce que tout le monde sait à propos de la situation de l'endroit dont il a fui.
Puis, le même JT m'informe que le pape, dans son avion, s'est embarqué (sic!) trois familles musulmanes au nom et pour le compte de l'habituel Sant'Egidio. Musulmanes. A ceux qui lui ont fait remarquer l'incohérence (et il n'y avait certes pas besoin d'un Katholique [ndt: Il Kattolico est le titre d'un de ses livres] comme moi pour s'en apercevoir) il a répondu que: a) c'était le Saint-Esprit qui l'avait inspiré, b) ces douze musulmans avaient des papiers en règle. Les seul, apparemment, sur des dizaines de milliers de "réfugiés". Dont l'un, longuement interviewé par le même JT, était un noir de Sierra Leone. Réfugié lui aussi? Et quelle guerre fuyait-il, celle à l'Ebola?

Bien, ayant éteint la télé, j'ai 'escaladé les miroirs' pour trouver pour trouver un bout de justification. Je me suis dit: il aura voulu apparaître impartial, pour montrer que le Pape est le père de tous; peut-être que s'il avait embarqué uniquement des catholiques, les autres chrétiens, et aussi les musulmans, auraient pu l'accuser de partialité. Mais ensuite je me suis répondu: le Pape n'est pas le père de tous, mais des catholiques. Et si un catholique est placé par un Pape derrière un musulman, alors tout le monde peut penser que pour le Pape une religion vaut l'autre (c'est celui-là, le "message" qui est parti, et pas un autre), mieux vaut être musulman que catholique parce que Mahomet défend ses enfants, pas le Christ (dont le pape est le vicaire).
C'est dans la même ligne que le "message" lancé avec les contorsions synodales sur la communion aux divorcés: respecter les règles n'en vaut pas la peine, il suffit d'attendre la première régularisation (comme pour les clandestins). Nous sommes dans une société liquide, de sorte que même la religion s'adapte.

Pardon, mais voilà ce qu'à ce stade, j'ai compris. Et comme je suis écrivain et journaliste catholique depuis trente ans, si c'est ce que moi j'ai compris, je vous laisse imaginer les autres.
Maintenant, il est vrai que le Pape, c'est lui et qui suis-je pour juger, mais étant donné que je n'y comprends plus rien , je ne sais pas à qui d'autre demander.
Je m'excuse si mon ton est franc et peu respectueux, mais le Pape Bergoglio, à ce qu'il me semble, n'aime pas les courbettes, ni les "baisers à la sainte pantoufle" (ndt: geste qui était effectivement prévu par le protocole, en présence du Pape.... en d'autres temps), donc j'en profite, et je m'adapte. Cela dit, je retourne dans ma coquille.

Salutations aux douze musulmans que, au lieu du canot pneumatique, ont eu droit à l'avion papal. Douze musulmans de plus en Italie. A Rome, ils trouveront même la plus grande mosquée d'Europe.

Dans le "Notre Père", nous, les chrétiens, nous prions «ne nous soumets pas à la tentation», eh bien en voyant à quel point les musulmans sont respectés, choyés, craints, vénérés et favorisés, même par le Pape, et combien les catholiques sont couverts de crachats, ridiculisés et vexés, on pourrait commencer à penser qu'au fond, si «le nom de Dieu est miséricorde» (ndt: le titre du livre-entretien avec Tornielli), voyez un peu, il s'agit de l'un des quatre-vingt dix-neuf noms d'Allah. Et alors ...