La façade de Saint-Pierre dans le noir


Ou comment l'Eglise se conforme aux "recommandations" du WWF. C'était samedi le 19 mars, en l'honneur de l'"heure pour la planète". Riccardo Cascioli souligne la portée symbolique de l'évènement (21/3/2016)

Ci-dessous: L'heure de la Planète 2015 au Vatican



VIS, 18 mars 2016

Initiative du WWF
Cité du Vatican, 18 mars 2016 (VIS).
Demain, la coupole et la façade de la Basilique vaticane, ainsi que la colonnade de la Place resteront éteintes de 20 h 30' à 21 h 30' dans le cadre de Hearth Hour 2016, une initiative internationale du WWF pour inciter à économiser l'énergie.



Earth Hour est une initiative lancée en 2007 par le World Wide Fund for Nature (WWF) en partenariat avec un quotidien australien (il serait intéressant d'identifier les propriétaires du groupe de presse auquel il appartient), et qui a connu sa première édition mondiale en 2008; on trouvera l'historique ici: fr.wikipedia.org/wiki/Earth_Hour

La nouvelle annoncée par le bulletin d'information du Saint-Siège m'était passée sous les yeux, et elle m'a fait sursauter. J'avais l'intention d'y revenir, et puis j'ai eu d'autres choses auxquelles penser, d'autant plus que chaque jour amène son lot d'informations (du Vatican et d'ailleurs) propres à faire se dresser les cheveux sur la tête.
La Earth Hour a lieu habituellement le dernier samedi de mars (qui coïncide cette année avec le samedi de Pâques, j'ignore si c'est la raison pour laquelle on l'a avancée au samedi 19, peut-être une concession au Vatican pour qu'il puisse participer, en tout cas, éteindre la Basilique Saint-Pierre le Samedi Saint, cela aurait quand même été un peu gros....)

Aujourd'hui, Riccardo Cascioli lui consacre son éditorial sur La Bussola.

Après avoir rappelé l'objectif de l'initiative (sensibiliser l'opinion publique au changement climatique), et souligné une nouvelle fois la minceur des argument scientifiques en faveur de cette thèse, il en vient à l'essentiel, qui est la valeur de symbole.

Une chose m'intrigue: il affirme que cela fait des années que le Vatican s'associe à l'initiative. Je n'en ai pas souvenir sous Benoît XVI, ce qui n'est évidemment pas une preuve qu'elle n'ait pas eu lieu. Je suis donc allée contrôler les archives du VIS de mars des denières années, et je n'en ai pas trouvé trace (j'ai par contre trouvé des témoignages pour 2014 et 2015, par ex. cette vidéo où l'on voit qu'après un compte à rebours, les lumières de la Basilique s'étaient éteintes, la cité du Vatican n'étant plus éclairée que par des lanternes en papier, et des pandas - le symbole du WWF!!). Peut-être ai-je "sauté" des années, ou lu trop vite? Je serais curieuse de savoir à quand remonte la première participation du Vatican.

Aujourd'hui, il est vrai qu'après l'encyclique Laudato Si', c'est la non-participation du Vatican qui aurait été une surprise!

Ceci dit, relativisons.
Si je ne lisais pas le bulletin VIS, je n'aurais même pas entendu parler de l'Earth Hour 2016. Qui pourrait bien avoir été un immense flop - en tout cas, l'écho médiatique a été modeste.

Lumières éteintes à Saint-Pierre


Riccardo Cascioli
21/03/2016
www.lanuovabq.it
(ma traduction)

* * *

Samedi soir la Basilique Saint-Pierre a été elle aussi obscurcie pendant une heure, comme beaucoup d'autres monuments importants dans le monde, de la Tour Eiffel à Paris au Christ Rédempteur à Rio de Janeiro, du pont sur le Bosphore à l'Opéra House de Sydney. Tous ensemble pour L'Heure de la Terre (Earth Hour), un événement créé par le Fonds mondial pour la nature (WWF) en 2007 pour mobiliser l'opinion publique contre le changement climatique.

Le WWF demande l'abandon des combustibles fossiles, qui seraient cause du réchauffement climatique, mais qui continuent nécessairement à être la principale source d'énergie dans le monde. Et bien qu'on parle beaucoup d'énergies renouvelables, la simple vérité est qu'à l'heure actuelle, elles peuvent être complémentaires, mais certainement pas remplacer les combustibles fossiles. D'où aussi l'initiative d'éteindre les lumières, un signe invitant à épargner beaucoup d'énergie, peut-être pour redécouvrir la beauté de l'obscurité; ainsi, à l'occasion de l'Heure de la Terre des initiatives locales sont lancées pour faire apprécier le plaisir d'être sans lumière: les restaurants qui préparent des menus romantiques pour un dîner aux chandelles sont désormais un classique.

Ce qu'il en est réellement du changement climatique, nous l'avons dit à de nombreuses reprises (et maintenant dans un livre de la Bussola, "Le climat auquel vous ne vous attendez pas" , qui explique combien les bases de la théorie scientifique sont faibles, et combien, en revanche, les intérêts idéologiques et politiques sont forts), mais l'initiative du WWF est également critiquée dans le monde des "purs et durs" du changement climatique: les accusations vont de l'inutilité de l'événement, tout juste bon à apaiser la bonne conscience des personnes, au danger de transmettre un message qui sous-estime l'importance de la disponibilité de l'énergie. Par ailleurs, c'est une petite ville suédoise, Östersund, qui s'est chargée de briser l'image idyllique de la ville sans lumière, en décidant de ne pas pas participer à l'événement cette année. Le motif? Dernièrement, trop de violences sexuelles ont été enregistrées dans la ville: l'Heure de la Terre est importante, disent les responsables de la municipalité, mais il y a des problèmes de sécurité qui nécessitent des rues éclairées (voir ICI).

Mais revenons à Saint-Pierre: sa participation n'est pas nouvelle, cela fait maintenant des années que la principale basilique de la chrétienté éteint les lumières pendant une heure, se joignant au reste du monde. Nous ne savons pas de qui dépendait la décision initiale de se joindre à l'initiative et de qui dépend celle de la renouveler chaque année, mais nous ne pouvons que regarder avec une certaine inquiétude cette obscurité sur Saint-Pierre. A plus forte raison parce que l'initiative du WWF est d'abord symbolique.
Et il y a en effet au moins deux aspects symboliques qui devraient en réveiller certains au Vatican.

Le premier est l'abandon de l'Église à la culture dominante. L'Eglise s'est malheureusement mise dans la file d'une initiative de propagande, fille d'un néo-paganisme en plein développement (le culte de la Terre Mère), qui rêve de revenir à des mondes idéaux qui n'ont jamais existé, qui suggère des recettes et des politiques qui conduiraient le monde à la pauvreté généralisée. C'est le signe d'une Église dans laquelle la foi a cessé de devenir culture et qui tend ainsi à devenir subordonnée à chaque culture à la mode. C'est arrivé avec le marxisme, qui fascine encore beaucoup de couches du clergé; cela arrive aujourd'hui avec l'écologie, et c'est encore plus dangereux parce que ses concepts semblent ainsi en accord avec la doctrine de la Création. Ils SEMBLENT: en fait, ils naissent d'une conception de l'homme radicalement opposée à la conception catholique.

Le deuxième aspect, du point de vue symbolique est encore plus inquiétant. La bataille entre la lumière et les ténèbres est depuis toujours une façon de raconter l'affrontement entre le Christ et le monde. Le Prologue de l' Évangile de Jean, mais aussi toute la liturgie, décrit le Christ comme la lumière qui vient dans le monde. La lumière est également un trait caractéristique des fêtes chrétiennes, parce que le Christ est la lumière.
En ces temps de grande confusion, la décision de faire tomber l'obscurité sur la basilique qui est le centre de la chrétienté, ne peut pas ne pas susciter une certaine inquiétude. Certes, il s'agit d'une heure dans une année, on pourrait dire rien. Mais les symboles sont importants, et Saint-Pierre qui choisit volontairement les ténèbres, qui à la mission de témoigner la lumière préfère s'unir au chœur de ceux qui voudraient éteindre cette lumière, ne peut que laisser pour le moins perplexes.
Heureusement, pour donner du courage, il y a encore l'Evangile de Jean qui promet que de toute façon, comme les ténèbres n'acceptent pas la lumière, elles ne parviendront pas à l'obscurcir.