La ligne de résistance du cardinal Burke


Sandro Magister commente (sévèrement) la réaction du cardinal Burke à l'exhortation apostolique de François. Manifestement, il l'attendait plus combatif (12/4/2016).

>>>
Le cardinal Burke, sur Amoris Laetita (ma traduction du texte complet)

 

On comprend, bien sûr, l'attitude de ceux qui s'exaspérent de ces «catholiques qui veulent à tout prix sauver François», et qui «martèlent avec une très insolite insistance, que Amoris laetitia doit être lue à la lumière de la tradition, du magistère constant, etc.» (c'est évidemment le cardinal Burke qui est visé au premier chef...).
Mais on peut comprendre aussi que le souci du cardinal américain est par-dessus tout de faire en sorte que «la tunique sans couture du Christ ne se déchire pas davantage» (discours de Benoît XVI aux évêques français à Lourdes en septembre 2008). Dans sa responsabilité écrasante de leader - qu'il s'est gagnée au synode de 2014 -, il devait prendre une décision lourde de conséquences.
Il a choisi ce qu'on peut interpréter comme une esquive - ou comme un coup habile (il n'est pas jésuite!), au choix. Car il n'en justifie pas moins bel et bien qu'il n'appliquera pas les... directives (indications?) contenues dans l'exhortation papale, puisqu'elles ne sont tout simplement pas du magistère. N'est-ce pas une forme de résistance?
De toute façon, n'étant pas Pape, la question de son infaillibilité ne se pose pas.
Et si on ne peut même plus faire confiance au cardinal Burke... vers qui nous tournerons-nous (étant entendu qu'une intervention du Pape émérite est exclue)?


Pauvre Cardinal Burke, grand canoniste, qui se cramponne à rien d'autre qu'à des codes et des alinéas... Parce qu'inévitablement, c'est aussi à lui que pense François, sans amour ni joie, quand, au paragraphe 305 de l'exhortation - comme déjà dans son discours à la fin du synode - il s'en prend aux chicaneurs qui «lancent des pierres contre la vie des personnes» et aux «cœurs fermés qui souvent se cachent jusque derrière les enseignements de l'Eglise, pour s'asseoir sur la cathèdre de Moïse et juger, parfois avec supériorité et superficialité , les cas difficiles et les familles blessées».

"Amoris laetitia" n'est pas du magistère.
La ligne de résistance du cardinal Burke


Settimo Cielo
12 avril 2004
Ma traduction

* * *

«Je résisterai», a promis il y a un an le cardinal Raymond L. Burke lorsqu'on lui a demandé ce qu'il ferait si le pape permettait la communion aux divorcés remariés.
Et maintenant que François s'est prononcé, le cardinal explique comment il entend résister. Il l'a fait dans un texte de 2400 mots publié en exclusivité le 11 Avril en anglais par le National Catholic Register et repris le lendemain en italien par la Nuova Bussola.
Sa ligne de résistance consiste essentiellement à ne pas reconnaître à Amoris laetitia le rang du document magistériel, mais simplement celui d'«une réflexion du Saint-Père», de son «point de vue qu'il n'a pas l'intention d'imposer».
D'où il s'ensuit que «l'exhortation apostolique post-synodale peut être correctement interprétée, en tant que document non magistériel, uniquement en utilisant la clé du Magistère, comme expliqué dans le Catéchisme de l'Eglise catholique». Un Magistère qui naturellement est celui qui précède l'actuel pontificat. Et qui reste pleinement en vigueur.

A dire vrai, François lui-même - et Burke le fait remarquer - a confessé dans l'exorde de l'exhortation, au paragraphe 3, une certaine réticence de sa part à se prononcer selon toutes les règles magistérielles. Mais ici aussi avec l'ambiguïté de langage qui rend l'ensemble de son discours ouvert aux lectures les plus variées, même là où il devrait sembler le plus affirmatif, comme par exemple dans l'article 301:

«Il n'est plus possible de dire que tous ceux qui se trouvent dans une situation dite "irrégulière" vivent en état de péché mortel, privés de la grâce sanctifiante».

La thèse de Burke est que l'erreur ne réside pas dans "Amoris laetitia", mais dans les interprétations de ceux qui la voient «comme une révolution dans l'Eglise, comme un éloignement radical de l'enseignement et de la pratique de l'Eglise sur le mariage et la famille, tel que transmis jusqu'à présent».
Le cardinal Walter Brandmüller lui aussi, dans une interview à Bild, reprise par le site katholisch.de de la conférence épiscopale allemande, s'en prend aux «mauvaises interprétations» de l'exhortation papale, qui «diluent» le magistère et «portent atteinte à la crédibilité de l'Eglise».
Tant lui que Burke, cependant, ne manquent pas de critiquer au moins un point d'Amoris laetitia qu'ils considèrent comme source de confusion.
Pour Brandmüller le point inacceptable est d'admettre des exceptions à l'interdiction de la communion pour ceux qui vivent dans un état d'adultère, parce que «ce qui est fondamentalement impossible pour des raisons de foi est également impossible dans des cas individuels».
Alors que pour Burke, un dangereux malentendu naît là où l'exhortation fait référence au mariage indissoluble comme à un «idéal»:

«Une telle description du mariage peut être trompeuse. Elle peut amener le lecteur à penser au mariage comme à une idée éternelle, à laquelle les hommes et les femmes doivent plus ou moins se conformer dans des circonstances changeantes. Mais le mariage chrétien n'est pas une idée; c'est un sacrement...».

Il est facile, pourtant, de prévoir que cette ligne de défense de l'enseignement classique de l'Eglise en matière de mariage ne refroidira en aucune façon la ferveur tant théorique que pratique des "révolutionnaires".
A la tête desquels il y a toujours le cardinal Walter Kasper, le personnage-clé de l'opération que Jorge Mario Bergoglio a conduit jusqu'ici.
Pour Kasper, Amoris laetitia est rien moins que «le document le plus important dans l'histoire de l'Eglise du dernier millénaire».
Et ceux qui se rangent ouvertement de son côté, comme par exemple le quotidien "Avvenire" de la conférence des évêques d'Italie, n'ont pas du tout vu dans Amoris laetitia, seulement «la réflexion à voix haute d'un père sage» , mais précisément tout ce que le cardinal Burke ne veut pas y voir: c'est-à-dire, «un document magistériel» selon les règles, dans lequel «il y a des notes, des références aux encycliques et exhortations des prédécesseurs et des pères de l'Eglise». Un document «solide et révolutionnaire», qui marque «l'archivation d'une pastorale des interdictions et des obligations, empruntée davantage à une lecture servile du code de droit canon qu'à l'Evangile».

Pauvre Cardinal Burke, grand canoniste, qui se cramponne à rien d'autre qu'à des codes et des alinéas... Parce qu'inévitablement, c'est aussi à lui que pense François, sans amour ni joie, quand, au paragraphe 305 de l'exhortation - comme déjà dans son discours à la fin du synode - il s'en prend aux chicaneurs qui «lancent des pierres contre la vie des personnes» et aux «cœurs fermés qui souvent se cachent jusque derrière les enseignements de l'Eglise, pours'asseoir sur la cathèdre de Moïse et juger, parfois avec supériorité et superficialité , les cas difficiles et les familles blessées».