La place St-Pierre vide: révolte contre François?



Une tribune de Nicolas Bonnal (11/1/2016)

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Je donne avec plaisir la parole à mon ami Nicolas Bonnal, qui me confie ce texte.

 

La place Saint-Pierre vide:
révolte silencieuse contre le désastre Bergoglio ?

In patientia vestra possidebitis animas vestras.
(Saint Luc)



Nicolas Bonnal


Les esprits libres qui sont aujourd’hui les esprits traditionnels (conformément à une prévision de Chesterton) se frottent les mains.
Le mauvais show de la basilique Saint-Pierre ne réchauffe pas les cœurs en effet. Et les intuitions de Benoit XVI sur les conséquences à long terme de Vatican II se trouvent confirmées. Le jésuite pressé qui lui a succédé au nom du nouvel ordre mondial (« je ne suis pas de droite mais je suis autoritaire », quel aveu tout de même, un siècle après Lénine et Staline !) est pressé d’en finir avec la doctrine de l’Eglise mais il a oublié saint Luc que nous citons dans son latin de Vulgate. In patientia vestra possidebitis animas vestras. On ne possède son âme que par sa patience.

Car on veut bien être moderne mais il y a tout de même une limite. Au règne de la vitesse définie par Paul Virilio l’homme pressé est surtout un homme soumis, commis à ne plus réagir. Il est dépassé et dépossédé par le flux.

Si Bergoglio se sent de plus en plus seul en prêchant la religion mondiale au sein d’une place Saint-Pierre que son incivilité et son manque de foi ont vidée, il est bon pour nous de découvrir que nous ne sommes pas isolés dans un combat pourtant perdu… d’avance. Car dans le monde moderne, disait un duc, l’histoire est un Judas.

En 2005 à la Curie romaine, si malmenée depuis, dans son texte sur Vatican II, Benoît XVI, avec la prudence et la solidité qui le caractérisaient, la douceur et la docte profondeur qui l’honoraient, parlait du soutien médiatique donné aux modernistes de tout poil, et qui avait précipité le déclin postmoderne de notre Vatican et de notre église – alors qu’au contraire les réponses données auparavant au monde moderne par Pie IX, Léon XIII ou Pie X avaient été brillantes. Car il y a une différence entre cohabiter et collaborer avec un ordre inique.
Mais Benoit XVI, le pape des oasis de chrétienté, avait bien compris aussi que ce qui attirait les jeunes chrétiens dans les églises ce n’était pas le modernisme. Ce n’était pas le traditionalisme non plus, tel que vilipendé par les médias, mais simplement la foi.

Citons Benoît :

« Quel a été le résultat du Concile? A-t-il été accueilli de la juste façon? Dans l'accueil du Concile, qu'est-ce qui a été positif, insuffisant ou erroné? Que reste-t-il encore à accomplir? Personne ne peut nier que, dans de vastes parties de l'Eglise, la réception du Concile s'est déroulée de manière plutôt difficile, même sans vouloir appliquer à ce qui s'est passé en ces années la description que le grand Docteur de l'Eglise, saint Basile, fait de la situation de l'Eglise après le Concile de Nicée: il la compare à une bataille navale dans l'obscurité de la tempête. »


On ne saurait mieux dire !
Et il ajoutait à la Curie, en ce 22 décembre 2005, comme s’il voyait déjà le piège à la Bergoglio se tendre sur nos âmes:

« D'un côté, il existe une interprétation que je voudrais appeler "herméneutique de la discontinuité et de la rupture"; celle-ci a souvent pu compter sur la sympathie des mass media, et également d'une partie de la théologie moderne.
D'autre part, il y a l'"herméneutique de la réforme", du renouveau dans la continuité de l'unique sujet-Eglise, que le Seigneur nous a donné; c'est un sujet qui grandit dans le temps et qui se développe, restant cependant toujours le même, l'unique sujet du Peuple de Dieu en marche. »


Bonjour la rupture donc. Bonjour le réfugié. Bonjour la bénédiction par les imams. Bonjour la pub Porsche dans la Sixtine. Bonjour Eros et Versace sur le Duomo de Milan (cf. benoit-et-moi.fr/2015-II). Et bonjour les histoires d’Ô de Cologne…

Mais il y a une limite tout de même.
L’inattendu Ross Douthat (cf. benoit-et-moi.fr/2015-II/actualite/ross-douthat-sexplique) du NYT a douté de la pieuse parole pontificale en octobre 2015 avant de se faire insulter par les hyènes pontificales promises à la géhenne de solitaires lendemains, entre deux hordes de divorcés, de réfugiés, de gentils organisateurs de viols, de banquiers de Goldman Sachs, d’écologistes de marché, de soldats de l’OTAN, de je ne sais quoi encore. Même les journalistes du Figaro aussi se grattent parfois le coquillard (« jusqu’où ira François » ?). Et c’est Laurent Dandrieu qui a parlé de la béatification du concile de Vatican II, qui aura vidé les églises et les âmes des foules, et liquidé la liturgie et les nourritures solides dont a parlé saint Paul.

La chute de Bergoglio n’étonnera que les imbéciles (ceux qui cheminent sans le bâton – le baculus – du pèlerin).
Car j’écrivais il y a trois ans déjà :

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On a parlé d’un blocage des cartes bancaires du Vatican peu avant le départ du précédent pontife, blocage qui aurait déterminé et accéléré l’élection du premier pape postmoderne, cool, ouvert au sens de Bergson ou Georges Soros.

Car depuis qu’il a été élu pape, alors qu’un bel éclair frappait le dôme de la basilique Saint-Pierre et que le goéland dévorait la colombe blanche, Bergoglio n’a cessé de multiplier les provocations : car c’est un rebelle !

Cela se fait dans une certaine indifférence, comme si déjà le troupeau endormi des brebis catholiques avait autre chose à faire. Comme ce pape se targue d’aimer Léon Bloy, on pourra lui citer ces propos de ce grand écrivain Français qui attendait surtout les cosaques et le Saint-Esprit, pas les réformateurs et les journalistes mécréants :

Et ce cortège est contemplé par un peuple immense, mais si prodigieusement imbécile qu’on peut lui casser les dents à coups de maillet et l’émasculer avec des tenailles de forgeur de fer, avant qu’il s’aperçoive seulement qu’il a des maîtres, - les épouvantables maîtres qu’il tolère et qu’il s’est choisis.


Résumons-nous : le pape n’aime pas le protocole, il n’aime pas les tenues du pape, il aime bien la cause israélienne et pas trop la cause palestinienne, il aime les pauvres mais il aime aussi Goldman Sachs (banque officielle du Vatican avec deux conseillers en or comme les sinistres Sutherland, promoteur et conseilleur de notre actuelle invasion, et le créateur de la guerre en Irak Wolfowitz), il n’aime pas non plus les homophobes, les obsédés de l’avortement, les cathos légalistes. Car s’il ne s’estime pas assez pour juger les gays (« qui suis-je pour les juger ? »), il s’affirme assez autoritaire pour en finir avec les traditionalistes !

Car un agenda bolchevik et moderniste toujours nécessite la trique.***

Dans le fourre-tout de son interview aux jésuites, le nouveau pape s’en prenait aux positions conservatrices de son prédécesseur, se targuait de dévoiler une église nettoyée des impuretés du passé, au fait des découvertes de la science et des médias.

Ce qui importe c’est de s’adapter totalement à la société postmoderne (fût-elle antichrétienne comme me disait en 2004 un père chartreux) et c’est de mettre au pas le troupeau des catholiques dits de tradition.

Ici il n’a pas eu de mots assez durs. Bergoglio a la foi de la villa Soldati, espèce de cour des miracles de Buenos Aires où s’entassent les délinquants, les drogués, les clandestins, les prostituées venues de toute l’Amérique du Sud.

Nouvelle armée du salut, l’Eglise catholique, qui accueille à Cologne (voyez la presse allemande) nos réfugiés levantins moyennant 335 euros par jour, se veut l’héritière du Jésus de Mai 68, un Jésus vu comme un réformateur libéral, comme le disait le frère indianiste et homosexuel du célèbre cardinal Daniélou. C’est là ou sur la plage de Copacabana couverte de JMJ que le nouveau pape trouve ses valeurs, pas dans le cadre des timides communautés bourgeoises et blanches qui ont lutté « dos au mur » (Jean Raspail) contre la loi sur le mariage gay. Face à ce catholicisme rétro qui a du souci à se faire, le nouveau pape défend le catholicisme hugolien de la cour des miracles qui est bien sûr un héritier de la théologie de la libération et de l’américanisme contre lequel nous avait déjà mis en garde le bon Léon XIII.

Léon Bloy disait déjà :

« C’est le spectacle d’une Eglise, naguère surélevée au pinacle des constellations et cathédrant sur le front des séraphins, tellement tombée, aplatie, caduque, si prodigieusement déchue, si invraisemblablement aliénée et abandonnée qu’elle n’est plus capable de distinguer ceux qui la vénèrent de ceux qui la contaminent. »


C’était en 1900 déjà ! Car il ne faut pas recycler Léon Bloy quand on ne le connaît pas...

Bergoglio avait cosigné un livre de papotage avec le grand rabbin de Buenos Aires Skorka, esprit digne de Soros et connu pour ses prises de position en faveur du mariage homosexuel. Notre ancien archevêque est aussi connu là-bas pour avoir contraint ses rares religieuses (son bilan argentin est ubuesque) à pratiquer des cures de psychanalyse.

Le pape aime à parler aussi de ses goûts culturels, assez convenus, de son adoration de Wagner et surtout de Turandot, belle pièce païenne. Bergoglio affirme une semaine après prier un Dieu qui n’est pas catholique ; il sera peut-être le premier pape protestant de l’Histoire. Tout le monde sait que son élection a été célébrée par les B'nai Brith, qu’il est membre du Rotary et certains le croient franc-maçon... et alors ? Le philosophe de poche Frossard, ami du pape polonais, affirmait à la télé, où il passait si souvent, que « de toute manière être catholique cela ne sert à rien ». On avait pris de l’avance ! Il suffit de croire au dieu des musulmans, c’est le même !

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Il y a dix ans j’avais rencontré dans la Pampa de Pigué un jeune curé qui m’avait parlé justement de cette conspiration contre l’Eglise latino qui rejoignait la conspiration contre l’Argentine : on avait imposé alors la dictature des colonels d’un côté, les privatisations et la théologie du marché de Milton Friedman, théorie à la mode dans l’université catholique chilienne ; et bien sûr de l’autre côté on avait subverti le troupeau catholique en l’attirant dans les rets des télés US ou des centres commerciaux (machines à égarer les âmes) et des sectes évangélistes championnes de la programmation mentale et contrôlées par la CIA. La trahison du haut clergé local mué en bureaucratie sournoise (Illitch) aura fait le reste et accéléré cette conversion comme un seul homme des pauvres gens jusque là empêtrés par le christianisme et le marxisme aux nouvelles lois du marché et de la matrice américaine dont Bergoglio est le représentant décalé : étonnez-vous après des sons et lumière écolos et néo-païens sur nos places sacrées !

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Ce pape est distrayant ou provocant, c’est selon. C’est pour cela qu’il a été imposé là et qu’il claironne son amour formel des pauvres (François Hollande aussi aime les pauvres !), du judéo-crétinisme et de son dieu global. Il est malheureusement l’héritier de ce christianisme creux que voyait venir le philosophe athée Feuerbach dans le premier tiers du dix-neuvième siècle. Je cite ces lignes :

« Ce christianisme apparent, illusoire, tout en parole et rien en action, tellement en dehors des idées et des mœurs, que ses représentants lettrés et officiels ne savent plus ou ne veulent plus seulement savoir ce qu’il signifie. »


Pour finir : ce pape s’est vanté de n’être pas de droite tout en avouant être très autoritaire. En réalité, il rejoint tout à fait le comportement actuel et globalisé des élites hostiles. Elles ne sont certes pas de droite, ces oligarchies, elles sont autoritaires dans leur volonté de faire table rase des nations, des races, des religions, des cultures, des sexes et de l’humanité dépassée. De ce point de vue Bergoglio incarne bien l’esprit du temps et son élection est un aggiornamento ; jusqu’où cette imposture pourra durer, Dieu seul le sait.

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On ajoutera une dernière précision pour nos lecteurs apeurés : la doctrine de la conspiration vient de grands papes béatifiés, elle est celle de la vérité contre celle des médias des Etats modernes et néo-païens. C’est ce que dit le philosophe juif libertarien Murray Rothbard, un des génies méconnus du siècle passé, et elle me paraît bienvenue ici. Conspirer c’est respirer contre ce qui veut étouffer.

Nicolas Bonnal