La porte étroite


Dimanche (21 août), le Père Scalese commentait les lectures du jour, en particulier l'évangile où Jésus dit "Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite". Une injonction qui n'est pas tout à fait conforme à ce qu'on veut nous faire croire aujourd'hui, miséricorde oblige (23/8/2016)

Il s'agit de l'homélie dominicale (en anglais) prononcée devant sa "petite communauté" de Kaboul, en tant que Supérieur Ecclésiastique de la Mission 'sui juris' afghane (voir ICI et ICI)

 

TEXTES DE LA MESSE DU JOUR
(Dimanche 21 août 2016)

(Luc 13, 22-30)

En ce temps-là, tandis qu’il faisait route vers Jérusalem, Jésus traversait villes et villages en enseignant. Quelqu’un lui demanda : « Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? » Jésus leur dit : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas. Lorsque le maître de maison se sera levé pour fermer la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte, en disant : “Seigneur, ouvre-nous”, il vous répondra : “Je ne sais pas d’où vous êtes.” Alors vous vous mettrez à dire : “Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places.” Il vous répondra : “Je ne sais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice.” Là, il y aura des pleurs et des grincements de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, et que vous-mêmes, vous serez jetés dehors. Alors on viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu. Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers. »

*

(He 12, 5-7.11-13)

Frères, vous avez oublié cette parole de réconfort, qui vous est adressée comme à des fils: Mon fils, ne néglige pas les leçons du Seigneur, ne te décourage pas quand il te fait des reproches. Quand le Seigneur aime quelqu’un, il lui donne de bonnes leçons; il corrige tous ceux qu’il accueille comme ses fils. Ce que vous endurez est une leçon. Dieu se comporte envers vous comme envers des fils; et quel est le fils auquel son père ne donne pas des leçons? Quand on vient de recevoir une leçon, on n’éprouve pas de la joie mais plutôt de la tristesse. Mais plus tard, quand on s’est repris grâce à la leçon, celle-ci produit un fruit de paix et de justice. C’est pourquoi, redressez les mains inertes et les genoux qui fléchissent, et rendez droits pour vos pieds les sentiers tortueux. Ainsi, celui qui boite ne se fera pas d’entorse; bien plus, il sera guéri.




L'HOMÉLIE DU P. SCALESE


Père Giovanni Scalese CRSP
21 août 2016
querculanus.blogspot.fr
Ma traduction

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«CONTENDITE !»

Dans l'évangile d'aujourd'hui une question est posée à Jésus. Ce n'est pas la première fois que nous trouvons dans l'évangile de Luc quelqu'un interrogeant Jésus. Comme nous l'avons vu dans d'autres occasions, Jésus habituellement ne répond pas directement à ces questions, tout simplement parce qu'elles mal posées. Voyez la question dans le passage d'aujourd'hui: «Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés?». C'est une question totalement abstraite; nous dirions, une question purement académique, exclusivement suscitée par la curiosité. Qu'est-ce que cela va changer dans ma vie, quand je saurai si ceux qui sont sauvés sont beaucoup ou peu? Certainement rien! Voilà pourquoi Jésus ne répond jamais à ce genre de questions. Il n'est pas venu dans le monde pour prendre part à des disputes académiques; il est venu apporter le salut. Donc, ce qui est important, ce n'est pas de savoir combien de personnes seront sauvées, mais de s'occuper de son propre salut. C'est pourquoi, il répond: «Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite». Voilà ce qui compte vraiment: «Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite». La seule chose dont vous devriez vous inquiéter, c'est d'obtenir le salut pour vous-même. Et, apparemment, ce n'est pas si facile.

Arrêtons-nous un moment pour réfléchir sur ces paroles de Jésus. Tout d'abord, considérons le verbe qu'il utilise: «efforcez-vous» (contendite). Il semble que le salut dépende de nous. Quoi! Nous avons toujours dit que le salut est un don de Dieu; il ne dépend pas de nos mérites; et maintenant Jésus dit: «Efforcez-vous!». Il n'y a pas de contradiction: le salut dépend simultanément de Dieu et de nous; c'est un don, mais un don que nous devons gagner par nos efforts. Saint Paul dit dans la lettre aux Philippiens: «Travaillez à votre salut avec crainte et en tremblant. Car c’est Dieu qui agit pour produire en vous la volonté et l’action, selon son projet bienveillant» (2: 12-13).

Pourquoi le salut nécessite-t-il un effort de notre part? Parce que la porte du salut est étroite. Nous ne pouvons pas nous leurrer, pensant qu'il est possible d'atteindre le Paradis par l'autoroute; dans le passage parallèle de Matthieu, Jésus dit que la route qui mène à la vie est rétrécie; comme un sentier rude, nécessitant un grand effort, de la ténacité et de la vigilance. En termes clairs, cela signifie que, pour que nous soyons sauvés, nous ne pouvons pas compter sur notre appartenance religieuse: «Je suis chrétien; J'ai été baptisé; Je fais partie de l'Eglise catholique». Cela ne suffit pas. Nous devons vivre - ou, au moins, nous efforcer de vivre - selon notre appartenance. Avez-vous entendu ce que Jésus répond à ceux qui disent: «Nous avons mangé et bu en ta compagnie et tu as enseigné dans nos rues»? Jésus leur dit: «Je ne sais pas d'où vous venez. Eloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l'injustice» (Luc, 13, 26)

Un autre problème, qui contribue à rendre plus difficile la réalisation du salut, est que la porte, en plus d'être étroite, sera bientôt fermée. Donc, nous ne pouvons pas tarder, en pensant que, quel que soit le moment où nous arrivons, il suffit de frapper, pour avoir la porte ouverte. Dans ce cas aussi, nous entendrons la même réponse: «Je ne sais pas d'où tu viens».

La deuxième lecture est sur un autre élément, qui ajoute encore de la difficulté à la réalisation du salut: «Mon fils, ne dédaigne pas la discipline du Seigneur ... Endure tes épreuves comme 'discipline'». C'est une invitation à accepter la "croix" dans notre vie. La lettre aux Hébreux explique aussi la raison: «Ceux que le Seigneur aime, il les châtie; il corrige chaque fils qu'il reconnaît».

Je pense que vous pouvez facilement réaliser à quel point ces enseignements sont loin de la mentalité répandue parmi les gens d'aujourd'hui, même à l'intérieur de l'Église catholique: Dieu est bon; Dieu est miséricordieux; tout le monde sera sauvé. Pratiquement, un salut "low-cost". Mais ceci n'est pas le vrai évangile; c'est juste une caricature. Nous avons entendu ce que le vrai évangile dit: «Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite».

NOTE


Certains trouveront peut-être irrévérencieuse la comparaison avec le commentaire de François lors de l'Angélus de dimanche.

(...)
La porte de la miséricorde de Dieu est étroite mais toujours grande ouverte, et grande ouverte pour tous ! Dieu ne fait pas de préférences, mais il accueille toujours tout le monde, sans distinctions. Une porte étroite pour limiter notre orgueil et notre peur, grande ouverte parce que Dieu nous accueille sans distinction. Et le salut qu’Il nous donne est un flux incessant de miséricorde qui abat toute barrière et ouvre des perspectives surprenantes de lumière et de paix. Une porte étroite mais toujours grande ouverte, n’oubliez pas cela : porte étroite mais toujours grande ouverte.