Le "katechon" a sauté


... au moins en apparence (*) en même temps que Benoît XVI se retirait pour prier, et que commençait ce que les médias (et certains clercs) ont qualifié de "printemps de l'Eglise". En témoignent l'évolution récente de ses deux principaux organes écrits, l'OR, et Avvenire (10/5/2016)

 

(*) Cf. benoit-et-moi.fr/2015-II/benot-xvi/la-priere-du-pape-emerite


Dans l'article que j'ai traduit hier (Plus d'immigrés, moins d'enfants ), Maurizio Blondet, citant Sandro Magister, évoquait le tournant éditorial de l'Osservatore Romano, à travers un article du 26 Avril, «important pour le tournant en cours, intitulé "Le malaise des religions monothéistes", signé par Marco Vannini, spécialiste de la mystique mais sur des positions gnostiques».
Le même jour, c'était au tour de Riccardo Cascioli, dans la Bussola, de souligner à quel point "les temps changent", et comment l'idéologie homosexualiste s'insinue dans les rouages de l'Eglise, à travers ses principaux organes écrits, le journal du Pape et le journal de la CEI.
Peut-on vraiment affirmer que c'est contre le gré du Pape? Et même à son insu?

La croisade LGBT part à l'assaut de l'Eglise


Riccardo Cascioli
9 mai 2016
www.lanuovabq.it
Ma traduction


C'est le printemps et dans l'Eglise, il semble justement que l'amour s'épanouisse - l'amour homosexuel, s'entend. Du centre à la périphérie, ce n'est désormais qu'un hymne aux relations homosexuelles. On à peine le temps de s'étonner de la place accordée par l'hebdomadaire diocésain "Verona Fedele" à sa nouvelle rubrique «La porte ouverte», qui démarre le 1er mai par une interview-propagande d'une personne homosexuelle chantant son amour, que le 3 mai on découvre également des portes ouvertes sur l'Osservatore Romano, qui lance son nouveau supplément dédié aux femmes (1).

Le journal du Vatican est bien sûr beaucoup plus prudent, mais pour valoriser «cette révolution intellectuelle que les femmes ont opérée dans la culture catholique à partir du siècle dernier» il embauche dans sa rédaction des intellectuelles catholiques de poids comme Daria Bignardi, actuelle directrice de RAI 3, signataire de l'appel du 21 Février dernier au Parlement en faveur des mariages homosexuels, et Melania Mazzucco, auteur du livre "Tu es comme tu es" (Sei come sei) , qui raconte en détail comment une adolescente découvre et vit son homosexualité.

Le dédouanement est donc soft, mais on peut parier sur de prochaines ouvertures encore plus larges, aussi parce que dans l'intervalle, Avvenire, le journal de la CEI, a ouvert la route à marche forcée, étant allé le samedi 7 mai encore plus loin dans la promotion de l'homosexualité que dans un récent article du 9 mars dernier (2). Une page dédiée à «Eglise et chrétiens LGBT» (3), inspirée par le IVe Forum des chrétiens LGBT qui a eu lieu fin Avril à Albano Lazio, soutient la nécessité de projets pastoraux ad hoc qui favorisent l'acceptation pleine et entière non pas tant des personnes ayant des tendances homosexuelles (qui n'a jamais été refusée), mais l'homosexualité elle-même.
Derrière les habituels mots fumigènes et la confusion intentionnelle entre le respect des personnes et l'approbation de tous les comportements, le passage auquel appelle Avvenire est précisément la remise en cause de cette loi naturelle dont - dit le journal de la CEI - on a discuté à Albano. Pour rassurer le lecteur, le journaliste avertit que les chrétiens LGBT sont des gens sérieux, toute prière et réflexion sur l'Église, «loin de toute masquarade d'un goût douteux». L'imprimatur officielle ne manque pas, avec l'audience accordée aux participants au Forum par l'évêque local Marcello Semeraro, «qui est également secrétaire du C9», le Conseil des cardinaux qui aide le Pape François à élaborer la réforme de la Curie romaine.

Les rapporteurs du Forum donnent une indication (qu'Avvenire fait sienne), celle d'une participation à la vie de l'Église «à partir de leur identité» (Père Pino Piva, jésuite, coordinateur national de l'apostolat des exercices spirituels de saint Ignace), ce qui bien sûr conduit à renégocier la loi morale naturelle et le rôle des «homosexuels, transsexuels, bisexuels dans le plan de Dieu» (Damiano Migliorini, philosophe et auteur d'un «essai monumental sur l'amour homosexuel», sic!).

Il ne vient même pas à l'esprit d'Avvenire, qu'au sujet du plan de Dieu, il faudrait d'abord résoudre ce petit problème lié au récit de la création, selon lequel Dieu créa l'homme et la femme, avec le devoir de peupler la terre. Mais ce n'est pas seulement un problème de référence à l'Écriture - on peut toujours trouver un théologien qui arrange brillamment n'importe quelle situation - c'est plutôt le respect de la réalité de personnes qui vivent dans une condition de souffrance, et pas en raison du refus de l'Eglise. Ici, Avvenire donne son aval au mensonge habituel selon lequel jusqu'à hier, les portes de l'Église étaient fermées à tous ceux qui n'étaient pas «droits», «en règle», et aujourd'hui, enfin, les portes s'ouvrent pour accueillir et accompagner chaque personne «blessée». Cette narration est une insulte à des milliers de prêtres qui depuis toujours accueillent, conseillent, accompagnent les personnes et les groupes qui ont des blessures profondes dans leur vie et qui trouvent seulement dans une église quelqu'un disposé à les écouter et à partager.

Cette narration, toutefois, sert le véritable objectif de toute cette campagne, qui n'est pas d'accueillir les personnes vivant la condition homosexuelle, mais de changer la doctrine de l'Eglise, en imposant l'acceptation du comportement homosexuel, le péché avec le pécheur. Parler de comportement «contre nature» devient un gros mot pour le nouveau langage "inclusif", et par suite, en utilisant Amoris Laetitia, Avvenire envoie définitivement à la retraite le pape Benoît XVI, qui avait qualifié le gender de «plus grand défi pour l'Eglise d'aujourd'hui», et qui en tant que cardinal avait écrit en 1986 une lettre de clarification «pour la pastorale des personnes homosexuelles» .
Déjà alors, l'Eglise condamnait fermement toute expression malveillante et toute violence contre les personnes homosexuelles, et même alors, le cardinal Ratzinger invitait à des initiatives pastorales spécifiques, mais - nous explique Avvenire, prenant ses distances - à l'époque, il y avait une «réprobation morale» pour l'homosexualité qui est aujourd'hui dépassée. En fait, elle est dépassée non pas parce c'est l'opinion d'un pape ou d'un autre, en tant qu'article du Catéchisme, mais pour Avvenire ce qui importe, c'est l'esprit du temps.

À ceux qui considéraient la condition homosexuelle comme «indifférente, voire bonne» Ratzinger rétorquait:

«Il importe de préciser au contraire que, bien qu'elle ne soit pas en elle-même un péché, l'inclination particulière de la personne homosexuelle constitue néanmoins une tendance, plus ou moins forte, vers un comportement intrinsèquement mauvais du point de vue moral. C'est la raison pour laquelle l'inclination elle-même doit être considérée comme objectivement désordonnée. Aussi ceux qui se trouvent dans cette condition devraient-ils faire l'objet d'une sollicitude pastorale particulière, afin qu'ils ne soient pas enclins à croire que l'actualisation de cette tendance dans les relations homosexuelles est une option moralement acceptable».

Que cela plaise ou non à Avvenire et aux évêques qui le dirigent (Bruno Forte, ndt), tel est encore non seulement l'enseignement de l'Eglise, mais aussi l'attitude qui correspond le mieux à la réalité, comme le montrent les initiatives pastorales qui ces dernières années ont suivi avec succès cette directive et qui aujourd'hui sont mises sur la touche. Au nom de l'eccueil.

NDT

(1) Giuseppe Rusconi consacre sa dernière chronique sur Rosso Porpora au lancement, le 3 mai dernier au Vatican, du nouveau supplément hebdomadaire féminin (ou plutôt féministe), en présence du Secrétaire d'Etat le cardinal Parolin, du Préfet du néo- Secrérariat de la Communication, Mgr Dario Vigano, et du directeur de l'OR, Gianmaria Vian. L'article donne des détails assez stupéfiants sur le CV des deux nouvelles collaboratrices Daria Bignardi et Melania Mazzucco (on se demande à quel titre elles peuvent écrire dans le journal du Pape!!! toutes proportions gardées, c'est comme si "Libération" choisissait de confier un éditorial hebdomadaire à Mgr Aillet, ou le NYT au cardinal Burke!!). Au point que Giuseppe Rusconi écrit son titre sous forme de question: "Mais le cardinal Parolin et le directeur Vian, ils sont au courant?". Sous-entendu: "Et le Pape?".
Evidemment, la question est de pure forme...

(2) Ma traduction ici: L'Avvenire fait son outing

3) Cf. www.avvenire.it/Chiesa/Pagine/Chiesa-e-cristiani-lgbt-Che-ruolo-per-noi
La lecture en vaut la peine; pour ceux qui ne lisent pas l'italien, la traduction automatique donne un résultat approximatif mais à peu près déchiffrable.