Le président cocalero et son "frère" pape


Evo Morales, président de Bolivie, a été reçu en grande pompe au Vatican (*), au grand dam des évêques boliviens avec lesquels il est en conflit ouvert. Quid de la promotion des épiscopats locaux? (4/5/2016)


Pauvres évêques.
Les coulisses de l'audience du pape à Morales


Sandro Magister
Settimo Cielo
3 mai 2016
Ma traduction

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Le 2 mai, de manière inattendue, le site paravatican "Il Sismografo" a rendu public le texte de la lettre que le président bolivien Evo Morales a remise au pape François lors de l'audience qu'il a eue avec lui le 15 Avril dernier au Vatican: (cf. "Hermano Papa Francisco ..." )
A cette occasion, il a dit que la lettre était signée par de non précisés représentants des «mouvements populaires». L'attention des médias s'est plutôt concentrée sur un don singulier de Morales au pape: trois livres sur les bienfaits pour la santé de feuilles de coca, dont Morales lui-même est producteur et fervent propagandiste.
En réalité, la lettre et les livres répondaient à la même logique. L'une et l'autre étaient une gifle aux évêques de Bolivie, avec lesquels Morales était brouillé, et à qui il voulait faire comprendre qu'il avait le pape de son côté, et de celui du «peuple».
Début avril, en effet, les évêques boliviens avaient publié une lettre pastorale dans laquelle ils dénonçaient la pénétration des cartels de la cocaïne dans les rouages de l'administration, dans l'économie publique, et même dans les «hautes structures» de l'état (cf. "Hoy pongo ante ti la vida o la muerte")
La réaction de Morales fut furieuse. Il attaqua violemment et à plusieurs reprises les évêques, les mettant au défi de «donner des noms». Et ceux-ci répondirent en s'appuyant sur les données des institutions internationales de contrôle du narcotrafic et en citant l'implication avérée de commandants de la police et de fonctionnaires de la société pétrolière d'État.

Mais pendant ce temps, le président «cocalero» avait été invité en grande pompe au Vatican à la mi-avril, et même pour prononcer un discours sur l'encyclique «Centesimus Annus» de Jean-Paul II, en même temps que le président d'Équateur Rafael Correa, autre champion du populisme, et le candidat de l'extrême-gauche à la présidentielle américaine, Bernie Sanders (cf. Bernie Sanders au Vatican et aussi Bernie Sanders et le pape François).
Rien n'obligeait François à leur accorder une audience. Et en effet, Correa n'a pas été reçu. Mais Sanders si, le contraignant même à se lever de bon matin avant le départ [du Pape] pour l'île de Lesbos. Et surtout, le Pape a reçu Morales avec tous les honneurs d'un chef de l'Etat, dans le Palais apostolique.

Le président bolivien a récité son rôle à la perfection. Dès qu'il a aperçu le pape, il s'est adressé à lui de frère à frère avec un tonitruant: «¡Hermano Papa, qué alegría verlo!». Et au moment des cadeaux il l'a pressé chaleureusement de boire du mate de coca, tandis que François restait sur la réserve.
Après quoi, lors de la conférence de presse, Morales n'a pas épargné les piques aux évêques et l'exaltation du pape, qui «est content de ce que je fais et m'a dit: "Tu es toujours avec le peuple"».

Et la lettre? Maintenant que son texte a été rendu public par «Il Sismografo», c'est-à-dire ce qui est de fait l'organe de Sainte Marthe, on découvre que les «mouvements populaires» sont peu ou pas du tout impliqués.
C'est la Central Obrera Boliviana et la Coordinadora Nacional por el Cambio, deux "sigles" syndicaux et sociaux de soutien à Morales, qui l'ont signée.
Et c'est pour une bonne moitié une tirade hargneuse contre les évêques de Bolivie, certains cités par leur nom, tous ennemis du peuple, vantant les grands mérites de la présidence.
Un des mantras de ce pontificat est la promotion des épiscopats locaux. Mais les évêques de Bolivie l'attendent encore, vu que c'est toujours et seulement leur ennemi juré Morales, "hermano" du pape, qui foule le tapis rouge au Vatican,.

NDT


Voici le reportage du Parisien du 16 avril dernier :

Evo Morales au pape: prenez de la coca, c'est bon pour la santé
"J'en consomme et je m'en porte très bien. Je vous recommande d'en prendre, cela vous aidera à supporter votre rythme de vie", a dit M. Morales au pape en présence de la presse.

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Le président bolivien a longtemps dirigé le syndicat des cocaleros, les planteurs de feuille de coca.
Pendant un entretien d'une petite demi-heure, dans la bibliothèque du palais apostolique, le président bolivien et le pape argentin ont notamment discuté de "la conjoncture socio-économique actuelle" de la Bolivie, a précisé le Vatican dans un communiqué.
Evo Morales entretient des relations tendues avec l'épiscopat bolivien, qu'il accuse d'être à la solde de l'opposition de droite. Après avoir accusé le gouvernement bolivien d'être impliqué dans le trafic de drogue, les évêques ont été sommés par le président de fournir une liste des personnes impliquées.
M. Morales, qui défend la dépénalisation internationale de la consommation de la feuille de coca, a offert à François trois livres sur les bienfaits de cette plante, dont la Colombie est le premier producteur mondial.
(...)
Il s'agissait de la troisième (bien: troisième) rencontre entre les deux hommes. M. Morales avait déjà été reçu une fois par le pape au Vatican, et l'avait accueilli il y a moins d'un an en Bolivie à l'occasion de sa tournée sud-américaine.