Le second du pape


Non, ce n'est pas le cardinal Parolin, mais le Père Spadaro, directeur de la Civiltà Cattolica - laquelle est le vrai "Bulletin Officiel" du pontificat. Explications de Sandro Magister (3/3/2016)



On se souvient peut-être qu'en novembre 2015, le père Spadaro avait, dans un long article publié sur La Civiltà Cattolica, tiré le bilan du Synode sur la famille à peine conclu. Il y prenait nettemnt position en faveur d'une rupure avec la tradition , concernant l'épineux problème de la communion aux divorcés remariés
Dans un article du 7 novembre sur www.chiesa, Sandro Magister publiait « l’intégralité de la partie de l'article de Spadaro qui est consacrée à cette question.»
Avec le recul, il est d'autant plus intéressant de relire la totalité de l'article à la lumière des précisions que nous apporte aujourd'hui le même Sandro Magister sur <Settimo Cielo>. Ne serait-ce que pour ouvrir les yeux (ou les confondre...) de ceux qui persistent à prétendre que "François est déformé", qu'"on" s'exprime indûment à sa place, notamment la frange la plus progressiste de l'Eglise, laquelle utiliserait le Pape "à son insu", ou du moins "contre son gré", pour "pousser" son propre agenda.

Il est à noter que les déclarations du Père Spadaro avaient suscité de vives réactions (négatives) de la part de poids lourds du collège cardinalice, rien moins que les cardinaux Burke, Sarah, Pell et Napier (détails ici: benoit-et-moi.fr/2015-II/actualite/synode-des-cardinaux-repondent-a-spadaro)
Si ce que dit Sandro Magister est vrai (et TOUT laisse penser que c'est le cas), alors les critiques ne s'adressaient pas à un "second couteau", mais au pape en personne.

La Civiltà Cattolica a un super directeur: le Pape


Settimo Cielo
2 mars 2016
Ma traduction

* * *

Le 3 Mars, le jésuite GianPaolo Salvini, directeur de la Civiltà Cattolica de 1985 à 2011 - 26 ans, un record - et toujours son «écrivain émérite» aura 80 ans.
Interviewé par Filippo Rizzi sur l'Avvenire à la veille de l'auguste anniversaire, le père Salvini a dit quelque chose d'extraordinairement utile pour l'exégèse du magazine très spécial qu'il a dirigé pendant si longtemps, avant de passer le relais à l'actuel directeur Antonio Spadaro.

«Chaque directeur a son propre style et le Père Antonio Spadaro, déjà bien connu et bouillonnant d'initiatives, grâce aux événements de l'actuel pontificat, a en quelque sorte reporté notre magazine à ce qu'il était à l'époque de Pie XII: la "revue du Pape". L'expression est impropre, parce que la Civiltà Cattolica n'a jamais été la voix officielle du pape, mais tout le monde sait que sa relation avec le Saint-Siège n'a jamais failli et elle est certainement devenue plus intense aujourd'hui, aussi pour l'intérêt que François a exprimé autour de quelques interventions de la revue accompagnant son magistère».

Si cela est vrai - et on ne peut pas douter des mots du Père Salvini - le titre et le contenu d'un article de www.chiesa du 7 novembre dernier, qui avait fait sensation dans le monde entier, n'étaient pas dénués de fondement (cf. François est silencieux, mais un autre jésuite parle pour lui)
Dans cet article, une large couverture était donnée au bilan du synode sur la famille écrit par le Père Spadaro sur la Civiltà Cattolica, un bilan tout sauf impartial, dans lequel il était facile de lire la pensée du pape sur la communion pour les divorcés remariés.

Revenant au au Père Salvini, la comparaison qu'il établit entre le profil actuel de la Civiltà Cattolica comme "revue du pape", et ce qu'elle était à l'époque de Pie XII, est très révélatrice.
Dans un article de www.chiesa, il y a neuf ans, où l'on retraçait la relation entre la revue et le Saint-Siège d'un pontificat, on pouvait lire ceci à propos du pape Eugenio Pacelli:

«Au milieu du XXe siècle, sous le pontificat de Pie XII, la relation entre le pape et la Civiltà Cattolica était très étroite. Pie XII revoyait en personne les projets d'articles et il donnait lui-même toutes les indications au directeur de l'époque, le Père Giacomo Martegani».

Suivit une alternance. Jean XXIII délégua le contrôle de la revue au secrétaire d'État. Paul VI recommença à lire les ébauches et à les commenter personnellement. Jean-Paul II s'en désintéressa. Dans ses dernières années, l'examen des ébauches revenait à des fonctionnaires de moindre grade, comme le secrétaire pour les Affaires étrangères de l'époque, Pietro Parolin.
Pendant le pontificat de Benoît XVI, le secrétaire d'État, un certain Tarcisio Bertone, reprit les choses en main.
Tandis qu'avec François - Père Salvini dixit - la Civiltà Cattolica est devenue de nouveau la "revue du pape". Grâce aussi au rôle clé de son directeur, ainsi décrit dans l'article de www.chiesa du 7 novembre dernier:

«Pour le pape François, le père Spadaro est tout à la fois. Conseiller, interprète, confident, plume. Les textes qu’il rédige sans cesse à propos du pape ne se comptent plus : livres, articles, tweets. Pour ne rien dire de ceux des discours pontificaux dans lesquels on perçoit sa main.»

Selon la tradition, les ébauches de chaque nouveau numéro de la Civiltà Cattolica sont livrées au Vatican en douze exemplaires: un pour le pape, un pour le secrétaire d'État et les autres pour les dicastères compétents dans les matières des différents éléments.
Après quoi, le premier et le troisième samedi de chaque mois, le directeur monte au Vatican pour recueillir les indications, avant de donner le "bon pour imprimer". Mais l'opinion des différents dicastères compte désormais pour peu ou rien. Dans de nombreux cas, elle n'est même plus formulée. Parce que tout le monde sait que seule compte la volonté sans appel d'un seul, le pape, en relation directe avec le Père Spadaro.