Les musulmans à la messe


Mgr Livi commente la décision "insensée" d'accueillir des musumans à la messe dominicale. Première analyse autorisée authentiquement catholique que j'ai lue sur le sujet. Cela manquait! (31/7/2016)

 

La nouvelle du jour

Google Actualités, capture d'écran, 31/7/2016, 9h

Cette décision est de celles typiquement destinées à introduire la confusion parmi les fidèles catholiques. Les réactions lues ou entendues ici et là dans les médias prouvent que beaucoup d'entre eux - si tant est qu'ils y aient vraiment réfléchi - n'ont pas compris ce qui était en jeu, et n'y ont vu que du positif, allant même jusqu'à insinuer - les voies du Seigneur étant réputées impénétrables selon un mantra à géométrie variable, bien commode pour ceux qui appellent de leurs voeux une foi "à la carte" - que «faire découvrir la Messe à des musulmans peut être un moyen d'évangélisation».
Ce qui manque, dans tout cela, c'est la voix autorisée d'un "bon" prêtre. On ne les pas entendus, ces jours-ci, où l'on a vu se succéder en rangs serrés devant les micros et les caméras imams, rabbins, prêtres irénistes et/ou ayant perdu la foi, "anonymes", de préférence musulmans ou, mais moins souvent, catholiques "adultes", tous faisant assaut de politiquement correct.

Voici donc la réaction de Mgr Livi.

Musulmans à la messe: un acte insensé


Antonio Livi
31.07.2016
www.lanuovabq.it/

Ma traduction

* * *

Par les médias nationaux et internationaux, nous apprenons des faits - dans une certaine mesure indiscutables dans leur factualité - mais nous écoutons aussi un fatras d'opinions, dont beaucoup présentées à leur tour comme des faits; il s'agit toutefois, de faits de second niveau, c'est-à-dire de nouvelles concernant les "réactions" des institutions (l'Eglise catholique, des représentants d'autres communautés religieuses, les parlements nationaux, les chefs d'État et de gouvernement) aux événements de premier niveau. Cette brève introduction médiologique est utile pour raisonner en catholiques sur l'événement de l'irruption tragique de deux terroristes islamistes dans l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen, et de l'assassinat brutal de l'abbé Jacques Hamel qui célébrait la Sainte Messe.

Les "réactions" à ce fait ont été nombreuses, et certaines correspondent pleinement à la logique de la conscience chrétienne: exécration devant un sacrilège si horrible (profanation d'un lieu sacré et agression d'une personne sacrée au moment même où se déroulait le rite le plus sacré), prière et oeuvres de réparation et sentiment de révérence devant la victime innocente de la violence anti-chrétienne. Le professeur Roberto de Mattei, par exemple, a immédiatement publié un éditorial sur son agence <Corrispondenza romana> pour honorer «le premier martyr de l' Islam en Europe».

D'autres réactions sont en revanche insensées. Les médias d'hier ont parlé d'une décision qui devrait être déjà mise en œuvre aujourd'hui: inviter les musulmans à assister à la messe du dimanche avec les fidèles catholiques dans les églises catholiques. La proposition, initialement avancée par le monde musulman et 'épousée' par le curé de Saint-Etienne, a ensuite été approuvée (semble-t-il) par l'ensemble de l'épiscopat français, et finalement aussi par l'épiscopat italien, dont le porte-parole a dit (et la phrase à effet a atteint son objectif, à savoir, être citée par toutes les radios, les télévision, Internet et des journaux) qu'«il s'agit d'un geste énorme».

Ce qu'il y a d'«énorme» dans ce communiqué du porte-parole, c'est seulement le caractère insensé (dont j'espère qu'il n'est pas vraiment de toute la Conférence épiscopale italienne) et la stupidité de s'exprimer de cette manière face à des événements tels que celui dont nous parlons. Ces déclarations répondent clairement aux diktats d'une loi non écrite, mais rigoureusement appliquée à l' unisson par tous les "pouvoirs forts" de notre monde occidental, que ce soit les pouvoirs ecclésiastiques ou civils (politique, finance, information).

La loi est qu'il ne faut rien, absolument rien, condamner si la condamnation doit mettre sous une lumière défavorable la religion de l'islam, sans trop faire de distinction entre l'islam modéré et le soi-disant islam radicalisé, et sans trop ergoter sur les intentions de guerre sainte professé par le soi-disant Etat islamique. Il ne faut pas dire du mal de l'islam et il ne faut pas présenter les victimes chrétiennes de l' islam en tant que victimes et / ou en tant que chrétiennes. Il faut parler d'autre chose. Mieux vaut parler une fois de plus, comme depuis des années, de l'égalité de toutes les religions, qui sont toutes pour la paix et n'utilisent jamais la violence pour s'imposer à l'autre. Dans cette ligne de la rhétorique pacifiste, l'idée d'inviter les musulmans à la messe est une idée ingénieuse. C'est au moins ce que dit (je ne sais pas s'il le pense vraiment) le porte-parole de la CEI.

Mais il y a un problème. Au-delà de la responsabilité institutionnelle qui impose à un certain degré et dans certaines limites l'Eglise hiérarchique à s'occuper de diplomatie inter-religieuse (bon voisinage, respect inconditionnel de l'autre, silence sur les fautes des autres et demande de pardon pour ses propres fautes, qu'elles soient réelles ou présumées, peu importe), il y a aussi - et c'est le plus important, voire l'essentiel, au point que si elle est absente, il n'y a plus d' Eglise - la responsabilité de rendre à Jésus-Christ, réellement présent «en corps, sang, âme et divinité» dans l'Eucharistie, le culte d'adoration qui lui est dû.

Dans les églises catholiques, ce culte est rendu avec la Sainte Messe et la "réserve" eucharistique dans le Tabernacle. Pour cette raison, les églises catholiques ne sont pas seulement un lieu de rencontre de la communauté, et donc ne sont pas quelque chose d'analogue aux synagogues et aux mosquées: elles sont - au sens propre, c'est-à-dire dans un sens théologique et surnaturel - la "maison de Dieu". Elles sont un "lieu sacré", et la profanation d'un lieu sacré est un péché horrible aux yeux de Dieu, car c'est exactement le contraire de ce que Dieu commande dans le premier commandement du Décalogue. Le prêtre catholique est une "personne sacrée", comme l'Église l'a toujours reconnu; c'est une "personne sainte" par effet de la consécration sacerdotale reçue au moment où un évêque lui a conféré le sacrement de l'Ordre, qui imprime dans l'âme du sujet un "caractère" indélébile, comme le baptême.

Il est vrai que le monde contemporain est dominé, dans sa culture apparemment hégémonique, par l'idéologie du sécularisme et par le processus social de sécularisation, donc aussi par la maladie d'oublier, voire d'éliminer toute forme de présence du Sacré. Il est vrai que de nombreux penseurs protestants (à commencer par Paul Tillich) prétendent que les chrétiens d'aujourd'hui eux aussi savent accepter la sécularisation comme un fait positif, qui répondrait même au message chrétien d'origine; il est vrai que Martin Luther a aboli la sacrement de l'Ordre et que pour les luthériens, les prêtres catholiques, considérés à la manière des "pasteurs" protestants, n'ont aucun caractère sacré.

Mais tout cela n'ôte rien au fait que notre condition de catholiques nous impose en termes absolus (et non pas en termes relatifs à quelque convenance politique du moment) de professer en tout lieu et en tout temps, notre sainte foi, dont le noyau est le mystère de la Sainte Trinité et l'Incarnation du Verbe, Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme. Professer ces mystères de la foi n'est pas compatible avec l'invitation adressée aux musulmans, de rencontrer des catholiques dans les églises catholiques pour manifester ses propres sentiments de paix.

Faire oeuvre de pacification, de pardon et de recherche d'une entente sur quelque valeur partagée est légitime, et même un devoir, dans la mesure où cela correspond à ce dialogue inter-religieux, qui a été initié par Vatican II avec le décret Nostra Aetate. Mais faire cette oeuvre de pacification de la manière qui est aujourd'hui proposée est absurde. C'est un "geste énorme" dans le sens où c'est un énorme (et anormal) [en italien: "enorme e abnorme", ndt] témoignage de foi à l'envers. A la fin, c'est une authentique profanation, la seconde à l'égard de l'église de Saint-Etienne, déjà horriblement profanée par l'assassinat rituel d'un prêtre catholique alors qu'il célébrait la Messe.

Il est inutile de faire semblant de ne pas savoir (tout le monde le sait) que les musulmans que l'on veut inviter à assister à la Messe professent une foi religieuse qui est non seulement différente, mais explicitetement contraire à la foi catholique. Les musulmans n'acceptent en aucune façon ce qui constitue les mystères fondamentaux de la foi catholique qu'on célébrèbre dans la Messe, ils les considèrent même comme des blasphèmes contre le seul Dieu, et ils sont toujours d'une certaine façon hostile à nous qui sommes, à leurs yeux, des infidèles et des idolâtres.

Qu'espère-t-on donc obtenir avec l'entrée des musulmans dans nos églises quand la Messe est célébrée? Aucun d'entre eux ne pensera entrer dans un lieu sacré, où se déroule une fonction sacrée et où l'on adore le vrai Dieu en trois personnes, où l'on célèbre sacramentellement le sacrifice rédempteur du Fils de Dieu pour la rémission de nos péchés. Aucun d'entre eux, en entrant dans l'église, ne fera le signe de la croix avec l'eau bénite (un geste sacramentel qui prépare les fidèles à l'acte pénitentiel et à la digne réception des sacrements de la Pénitence et de l'Eucharistie). Aucun d'entre eux ne s'agenouillera au moment de la consécration pour adorer le Saint-Sacrement de l'Autel. Surtout, aucun d'entre eux n'écoutera l'homélie du prêtre, célébrée comme commentaire liturgique à l'Evangile de Jésus-Christ proclamé dans la Messe: au mieux, ils pourront la considérer comme quelque chose de similaire (et de contraire) aux prêches de leur imam.

Dans quel but tout cela? Par souci de dialogue inter-religieux? Pour la paix dans le monde? Autant de résultats qui correspondent à un pieux rêve irénique. Ce que cela entraînera vraiment, c'est une profanation impie de la Sainte Messe, du lieu sacré où elle est célébrée, et de la personne sacrée du célébrant qui sur l'autel est le Christ lui-même, en ce qu'il prête sa voix et ses gestes au Christ, Grand Prêtre éternel, qui se fait victime pour notre salut.

Et si quelqu'un, en lisant ces quelques lignes, pense qu'ici, on donne trop d'importance au dogme et que ce qui compte, c'est la pastorale et l'action œcuménique, eh bien, qu'il sache qu'il est la victime de la cécité produite par la fausse théologie et par les mauvais bergers. La foi de l'Église est celle que j'ai rappelée; aucun Concile et aucun pape n'a voulu, ni n'a pu la changer. Et qu'il sache qu'aucune pastorale, aucune initiative œcuménique n'atteint son véritable but si elle ignore ou contredit le dogme.