Liturgie: pas de "réforme de la réforme"


Pour sa dernière "clarification" en qualité de porte-parole du Pape, le Père Lombardi corrige durement le cardinal Sarah. Sur ordre de son patron, évidemment (13/7/2016)



Les récentes déclarations du cardinal Sarah lors d'un congrès liturgique au Royaume Uni ont fait couler beaucoup d'encre (et suscité pas mal d'espoirs... naïfs) dans le monde traditionaliste; parmi d'autres propos, le préfet de la Congrégation pour le culte divin y révélait que le pape lui avait demandé d'étudier la question de "la réforme de la réforme" et recommandait aux prêtres de célébrer la messe "vers l'Orient":
«Contrairement à ce qui a parfois été soutenu, il est tout à fait conforme à la constitution conciliaire, il est même opportun, que durant le rite de la pénitence, le chant du Gloria, les oraisons et la prière eucharistique, tous, prêtres et fidèles, se tournent ensemble vers l'Orient pour exprimer leur volonté de participer à l'acte de culte et de rédemption, accompli par le Christ» (cf. querculanus.blogspot.fr).

La suite est à lire sur Zenit le 11/7:


Dans un communiqué publié en fin de journée, deux jours après que le pape François ait reçu en audience le cardinal Sarah, le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège rectifie des propos prononcés par le cardinal guinéen lors d’une conférence à Londres : « certaines de ses expressions ont été mal interprétées, comme si elles annonçaient de nouvelles indications différentes de celles qui ont été données jusqu’alors dans les normes liturgiques et dans les paroles du pape sur la célébration face au peuple et sur le rite ordinaire de la messe ».
Durant cette conférence très médiatisée, le 5 juillet, le chef du dicastère de la liturgie a proposé aux prêtres, à partir de l’Avent prochain, de célébrer vers l’orient, ce qui signifie concrètement, d’après l’orientation des églises, célébrer dos à l’assemblée.
Le père Lombardi précise donc qu’aucune nouvelle directive liturgique n’est prévue pour l’Avent et que les indications générales du Missel romain, qui contient les normes relatives à la célébration eucharistique, sont « toujours pleinement en vigueur ». On lit ainsi au n.299 : « Il convient, partout où c’est possible, que l’autel soit érigé à une distance du mur qui permette d’en faire aisément le tour et d’y célébrer face au peuple. On lui donnera l’emplacement qui en fera le centre où converge spontanément l’attention de toute l’assemblée des fidèles ».
Si le cardinal Sarah « s’est toujours préoccupé de la dignité de la célébration de la messe », le « porte-parole » du Saint-Siège rappelle par cette note que c’est au pape qu’il revient de décider des normes liturgiques. Deux jours plus tôt, en recevant le cardinal guinéen, le pape François s’est d’ailleurs exprimé en ce sens, assure le père Lombardi. Pas de « réforme de la réforme » à l’ordre du jour en matière de liturgie, ajoute-t-il.
En outre, « lors de sa visite au dicastère, le pape François a rappelé expressément que la forme “ordinaire” de la célébration de la messe est celle prévue par le Missel promulgué par Paul VI, tandis que (la forme) “extraordinaire”, qui a été permise par le pape Benoît XVI selon (…) les modalités expliquées dans le Motu Proprio Summorum Pontificum, ne doit pas prendre la place de la forme “ordinaire” ».



J'ai traduit la réaction désabusée du Père Scalese, qui avait consacré un billet précédent aux propos du cardinal Sarah:

Quod erat demonstrandum


Père Giovanni Scalese CRSP
querculanus.blogspot.fr
12 juillet 2016

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Je ne pense pas qu'il faille gaspiller beaucoup de mots pour commenter la déclaration publiée hier par le Père Lombardi (la dernière en sa qualité de directeur du Bureau de presse du Vatican ...) à propos de l'intervention du cardinal Sarah lors de la conférence "Sainte Liturgie UK" dont nous avons traité dans un billet de la semaine dernière (cf. "Noir sur blanc").
Ce qu'il fallait démontrer.
Dans ce billet, nous référant aux efforts sans effet de Benoît XVI et du cardinal Cañizares pour une "réforme de la réforme," nous avions conclu en disant que la montagne avait accouché d'une souris. Cette fois, la grossesse n'a même pas duré une semaine: on a eu recours à la pilule du lendemain pour l'interrompre immédiatement. Et, pour décourager, je ne pas dis pas les enthousiasmes (ceux-ci avaient disparu depuis longtemps), mais seulement les espoirs résiduels de quelque retouche à la réforme liturgique, le père Lombardi s'est empressé de préciser qu'«il est préférable d'éviter d'utiliser l'expression "réforme de la réforme", en se référant à la liturgie, étant donné qu'elle a parfois été source de malentendus»

Compris?
Même l'Église ouverte au changement et aux surprises de l'Esprit, où sont non seulement possibles, mais nécessaires des changements dans la pratique pastorale et les développements de la doctrine, même cette Église a ses priorités (punti fermi), ses principes non négociables, ses dogmes qui ne peuvent pas être remis en question.
L'un d'eux est la réforme liturgique: non seulement on ne peut pas la remettre en cause (et en effet personne, encore moins le pauvre cardinal Sarah, ne l'avait fait), mais on ne peut même pas émettre l'hypothèse d'une quelconque révision. On peut tout réformer, mais pas la réforme elle-même. Cela montre clairement à quel point l'Eglise est désormais devenue la proie de l'idéologie: la réforme liturgique ne vaut pas en tant que tentative - plus ou moins réussie et donc perfectible - de restaurer une fresque ancienne (pour utiliser la belle image du cardinal Ratzinger dans l'introduction de "L'esprit de la liturgie"), mais seulement comme "bannière" d'une révolution qui ne peut ni ne doit jamais être remise en cause. Il y en a qui ne sont pas d'accord? «Vous avez eu le motu proprio Summorum Pontificum - tel est le sens de la déclaration du Père Lombardi - que voulez-vous de plus?».



Et voici, dans le même registre, le commentaire ironique de Lawrence England, sur son blog "That the bones...":

Docteurs de la loi


« Salut, je suis luthérien, je veux recevoir la communion dans une église catholique. Puis-je le faire?
- Pape François: «En fait, faites ce que vous ressentez, ne me demandez pas, demandez à Dieu et allez de l'avant. Je ne peux pas vous en dire plus, si vous voyez ce que je veux dire».

« Salut, je suis divorcé et remarié. Puis-je recevoir la communion? J'ai entendu dire que l'enseignement peut être assoupli»
- François: «Je peux dire oui, en fait, les choses ont changé. Parlez au cardinal Schönborn. c'est un grand théologien».

« Salut, avez-vous modifié la loi de l'Eglise en vertu d'une simple note de bas de page?»
- François: « Une note de bas de page? Quelle note de bas de page?».

« Salut, comment devraient voter les politiciens italiens à propos des unions de même sexe? La CDF n'a-t-elle pas dit quelque chose à ce sujet? Dans un document?»
- François: « Eh bien, j'ai entendu quelque chose , mais ... Ça doit m'avoir échappé. Ces politiciens devraient simplement suivre leur conscience ».

« Cardinal Sarah: « Chers membres du clergé, avez-vous déjà envisagé de célébrer la messe tourné vers l'Orient, vers le Seigneur qui reviendra au Dernier Jour?
- François: « Je vous renvoie à l'Instruction générale du Missel romain, un guide utile pour la loi, la pratique, la coutume et la jurisprudence de l'Eglise. Je vous renvoie à la page ... »

* * *

Les docteurs de la loi et les Instructions Générales pour le Missel Romain: tellement utiles quand vous en avez besoin tout à coup, pris d'un accès de frénésie de tout régenter!

Incroyable de voir avec quelle rapidité et quelle efficacité le Vatican dissipe la confusion à l'appel du pape, quand le pape veut que la confusion soit clarifiée et que le message passe, n'est-ce pas?