Mgr Gänswein à coeur ouvert


Transcription complète de la très belle interview qu'il a accordée récemment à Paul Badde (6/7/2016)

>>> Cf. Mgr Gänswein et la prophétie des Papes

 

Es--ce dû au talent et à l'implication personnelle de l'intervieweur? Ou parce que le secrétaire de Benoît XVI se sentait en confiance, dans sa langue maternelle, avec un compatriote, peut-être un ami? En tout cas, des nombreuses interviews qu'il a accordées depuis l'élection de François, celle-ci est de loin la plus intéressante, la plus "à coeur ouvert". A lire attentivement et peut-être (même si je redoute un peu de le dire) "entre les lignes", car on y perçoit tout sauf de l'enthousiasme pour l'air que l'on respire actuellement au Vatican.
A noter: la transcription en anglais (du blog d'Edward Pentin, sur le National Catholic Register) est déjà une traduction de l'allemand. Ma propre traduction, qui se base sur elle, est donc un travail de seconde main, ce qui explique peut-être l'imprécision de certains termes ou les maladresses d'expression.
Les lecteurs germanophones pourront éventuellement vérifier sur la v.o. de la vidéo:



Transcription de l'interview


Paul Badde: Bonjour, monsieur l'archevêque!
Mgr Georg Gänswein: Bonjour, monsieur Badde!

Paul Badde: Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue au nom de EWTN ici à la seconda loggia, où je veux vous parler du pontificat de Benoît XVI, puisque vous êtes toujours son secrétaire. Tout d'abord, une question pour le rappel de vos souvenirs: à quoi vous souvenez-vous avoir pensé le soir du 11 Février 2013, quand un coup de foudre a frappé le dôme de la basilique Saint-Pierre, après que le pape Benoît eût démissionné plus tôt ce jour-là?
Mgr Georg Gänswein : Je me souviens de l'orage, mais je n'ai pas été témoin de la foudre de mes propres yeux. En fait, je l'ai remarqué la première fois dans une photo et après cela, bien sûr, beaucoup d'autres fois. L'impression a été celle d'un d'un signe d'en haut, une réaction, qu'on pourrait - ou même devrait - associer aux événements de ce matin-là. Donc, c'était une sorte de réaction. Puis, je me suis demandé si elle signifiait quelque chose de bon ou si elle voulait dire: «Faites attention».

Paul Badde: Je me souviens encore du bruit énorme. Comment le Saint-Père a-t-il réagi?
Mgr Georg Gänswein: Pour autant que je me souvienne, Benoît n'a remarqué que le grondement - seulement le son et non pas la vue de la foudre. Je lui ai montré quelques photos de la foudre, dans les nouvelles. C'était peut-être un ou deux jours plus tard; je ne me souviens plus. Il m'a demandé: «Est-ce réel ou un photo-montage?». En fait, c'était réel; il est évident que la nature avait parlé ici très clairement.

Paul Badde: Cela ressemblait à un rugissement du monde d'en bas. Cela m'a rappelé l'arc en ciel qui est apparu à Auschwitz pendant la visite du pape Benoît XVI. Étiez-vous là?
Mgr Georg Gänswein: Oui, j'y étais. En fait, il y avait deux arcs en ciel; je m'en souviens très clairement. Nous sommes allés là-bas et le temps devint brusquement mauvais. Il pleuvait, donc nous étions préparés à prononcer le discours debout sous un parapluie. Mais, une fois que nous sommes sortis de la voiture, la pluie a cessé et alors que le pape prononçait son discours, cet arc-en-ciel - que personne n'attendait - est juste apparu. Ce fut vraiment un message unique et convaincant d'en haut.

Paul Badde: Avez-vous réfléchi sur cela ensemble?
Mgr Georg Gänswein: Nous en avons discuté brièvement dans la soirée, et nous avons parlé plus longement à ce sujet dans la voiture pendant le trajet, car c'est là qu'on a un peu de temps pour parler. Cela aide à réduire le stress, quand vous ne discutez pas de questions importantes et de sujets difficiles, mais que vous parlez de ce que vous venez de vivre. Ainsi, l'arc-en-ciel était une invitation bienvenue à parler. Il n'a pas seulement touché Benoît, il l'a même fasciné.

Paul Badde: Le soir du 28 Février 2013, le monde entier pouvait voir vos larmes quand vous avez quitté le [palais apostolique]. Vous étiez aussi triste que pour des funérailles. Vous sembliez presque en état de choc. Depuis lors, vous avez défendu avec passion ce moment. Comment avez-vous réussi à faire la paix avec la décision, qui a changé votre vie d'une seconde à l'autre?
Mgr Georg Gänswein: Vous avez raison, quitter le Palazzo ici le 28 Février a été très douloureux et cela m'a fait très mal. Nous sommes descendus du Palazzo, avons traversé la cour de saint Damase, pris la voiture à l'héliport et l'hélicoptère nous a emmenés à Castel Gandolfo. C'est vrai, je me suis trouvé obligé de pleurer ouvertement. Je ne pouvais pas me contenir. Trois ans se sont écoulés depuis ce jour-là et beaucoup est arrivé dans l'intervalle. Il y a eu beaucoup de réflexion, y compris de réflexion personnelle. En outre, beaucoup de choses se sont produites à l'extérieur. Le pape Benoît était - et à ce jour d'autant plus - tout à fait en paix avec sa décision de démissionner et que c'était la bonne mesure à prendre. Cela m'a aidé personnellement à surmonter ma résistance initiale et à accepter ce que le pape Benoît a vraiment réalisé après beaucoup de lutte et de prière, ce qu'il a trouvé être la chose juste et ensuite décidé.

Paul Badde: C'était une journée très triste. Quel a été le plus beau jour de votre service pour le pape Benoît?
Mgr Georg Gänswein: Je ne sais pas si c'était le plus beau jour, mais c'était peut-être le plus marquant: Le jour de l'élection [en 2005]. A l'époque, le cardinal Ratzinger m'avait choisi pour le suivre au conclave comme "Ecclésiastique" . Avec les médecins et tous les autres, qui ne sont pas autorisés à être présents lors de l'élection, nous attendions avec excitation le résultat dans la Sala Regia ou dans la Sala delle Benedizioni. C'était une atmosphère particulière. Quand la porte à la chapelle Sixtine s'est ouverte et que le plus jeune des cardinaux est sorti, en disant qu'ils étaient parvenus à une décision, j'ai vu le pape Benoît au fond debout sous le Jugement dernier habillé tout en blanc. Ce fut le moment le plus marquant de toute ma vie.

Paul Badde: Parce que votre vie a changé d'une seconde à l'autre.
Mgr Georg Gänswein: C'était un grand tournant dans sa vie, indirectement, bien sûr, dans la mienne aussi.

Paul Badde: Vous avez été nommé archevêque le 6 Janvier 2013. A l'époque, vous saviez déjà depuis des mois qu'il démissionnerait bientôt.
Mgr Georg Gänswein: Je le savais, oui.

Paul Badde: Comment avez - vous réussi à rester si gai et détendu? Vous étiez très heureux ce jour-là.
Mgr Georg Gänswein: C'était le jour de mon Ordination épiscopale, qui est l'accomplissement du sacrement de l'Ordre, et elle a été célébrée par Benoît lui-même dans un acte très solennel - peut-être la liturgie la plus solennelle que j'ai jamais connue. Cela m'a ému, comme rien avant cela, et rien après. Bien sûr, cela n'a pas été facile pour moi, après que le pape Benoît m'ait parlé de sa démission sous le sceau du secret pontifical, évidemment. J'avais essayé d'accepter ce qu'il avait choisi pour lui. Le fait qu'il partageât sa décision avec moi dans une confidence démontre qu'il avait mis beaucoup de confiance en moi, ce qui signifiait toutefois qu'il attendait que je sois digne de sa confiance et garde le silence. Et j'ai gardé son secret, même si je luttais avec le Seigneur de temps à autre. Mais finalement, je suis fier de dire "Dieu merci, j'ai persévéré."

Paul Badde: Maintenant , nous avons le jour le plus triste et le plus beau jour. Alors, quel jour regrettez-vous le plus, en regardant en arrière l'époque du pontificat?
Mgr Georg Gänswein: Regretter? Je regrette le jour où je suis resté au lit, parce que j'étais malade, quand j'ai vu toutes les difficultés liées au nom de Williamson roulant vers le pape comme une avalanche qui arrive, et personne ne savait où aller. Il n'y avait pas d'échappatoire. Ce fut le jour le plus triste et le plus difficile, mais aussi le jour le plus douloureux dans ma vie comme secrétaire du pape Benoît.

Paul Badde: Et vous étiez trop paralysé pour intervenir?
Mgr Georg Gänswein: Je ne pouvais pas intervenir, car il était tout simplement trop tard. Benoît XVI a en fait beaucoup parlé de cette affaire, mais plus important, il a écrit la fameuse lettre aux évêques - qui est unique. Je ne pourrai jamais oublier ce jour du 10 Mars 2010, quand il a publié cette fameuse lettre, dans laquelle il a dit ce qu'il fallait dire, et je suis d'accord avec cette position.

Paul Badde: Nous connaissons par les exorcismes la force de la prière. Les prières peuvent même chasser les démons! Parfois, j'ai pensé - et je le pense encore ce jour - que la papauté exige plus que ce qui est humainement possible, et qui ne peut être réalisée que par le soutien de ces millions de prières pour le pape, qui sont dites chaque jour - tous les matin, dans toutes les messes, tous les soirs, dans toutes les messes, dans le monde entier. Quelle a été la différence, quand toutes ces prières ont été soudainement enlevés au pape? Y a-t-il eu d'énormes retombées et l'avez-vous senti physiquement?
Mgr Georg Gänswein: (..) Je ne sais pas si, comme vous l'avez décrit, les prières lui ont été retirés d'un coup. Certes, avec l'élection de François, les prières officielles pour le Pape sont passées à lui - et à juste titre. Ce fut la même chose avec Jean-Paul II, Et Benoît XVI. Sur la base de nombreuses lettres et contacts, je peux dire que les engagements de prière sont encore énormes et en regardant les communications, je dirais même qu'ils ont augmenté.

Paul Badde: Ils ont augmenté?
Mgr Georg Gänswein: Oui, et je suis convaincu que le pape Benoît n'a pas été oublié en ce qui concerne les prières, mais que beaucoup de gens prient toujours pour lui.

Paul Badde: Pouvez-vous nous dire ce que Benoît aime le plus depuis qu'il s'est retiré?
Mgr Georg Gänswein: Il y a certainement le temps qu'il a maintenant, le temps avec le Seigneur. C'est du temps pour la prière, la réflexion et la lecture - mais aussi pour des rencontres personnelles.

Paul Badde: Peut-on dire qu'il vit maintenant comme un moine?
Mgr Georg Gänswein: Il le dit lui-même. Il dit : «Oui, je me suis retiré; Je vis dans un monastère. J'ai un style de vie monastique». Comme je suis avec lui tous les jours je peux le confirmer.

Paul Badde: Je connais un certain nombre de cardinaux qui sont toujours contrariés en entendant que l'Église a actuellement deux successeurs de Pierre vivants. Récemment, vous avez parlé d'un ministère pétrinien élargi, que le pape Benoît XVI est dit avoir introduit. Pourriez-vous expliquer un peu plus ?
Mgr Georg Gänswein: Oui, vous faites allusion au lancement d'un livre d'un professeur italien, Roberto Regoli, qui a écrit un ouvrage sur une première évaluation du pontificat. Il est professeur à l'Université Grégorienne, où le livre a également été présenté. Je faisais partie des deux personnes qui l'ont présenté (avec Andrea Riccardi, cf. Le cadeau du Corriere à Benoît ) et oui, j'ai parlé d'un pontificat élargi. Pour que cela soit très clair, parce que j'ai vu parmi les réactions que j'étais accusé d'avoir dit un certain nombre de choses que je n'ai pas dites: bien sûr, François est le pape légitime et légitimement élu. Toute discussion au sujet de deux papes, un légitime, et un illégitime, est donc incorrecte. Ce que j'ai dit, en réalité,et ce que Benoît a également dit, c'est qu'il continue d'être présent par la prière et le sacrifice, dans le "Recinto" de Saint-Pierre, ce qui porte des fruits spirituels pour ses successeurs et l'Eglise. Voilà ce que je voulais dire. Depuis trois ans, nous avons eu deux papes en vie, et je souligne que la réalité de la perception du conflit est couverte par ce que j'ai expliqué.

Paul Badde: Donc, si je comprends bien, il est resté en service, mais uniquement dans un rôle contemplatif, sans pouvoir de décider. Est-ce que cela signifie que nous avons maintenant, comme vous le dites, une partie active et une contemplative, qui forment ensemble une extension du munus petrinum?
Mgr Georg Gänswein: C'est ce que j'ai dit. Pour être plus précis, il est très clair que François a la 'plena potestas', la 'plenitudine potestatis' (pleine autorité). Il est celui qui détient la succession de Pierre. Comme je l'ai dit également - il n'y a pas de difficultés. Il n'y a pas de concurrence ou de rivalité. Si l'on applique le bon sens, la foi et un peu de théologie, cela devrait être clair.

Paul Badde: Pouvez-vous imaginer deux 'papi émériti' qui vivent dans les jardins, ou trois, ou même un ministère papal de quatre?
Mgr Georg Gänswein: Le pape Benoît a en effet ouvert une porte quand il a pris cette mesure. Je ne suis pas un prophète pour dire si d'autres papes vont le suivre, mais personnellement, je n'ai pas de difficultés à trouver cela réaliste.

Paul Badde: Et si nécessaire, [pouvez-vous imaginer] de faire de la place à François ...
Mgr Georg Gänswein: Si ce sera au même endroit ou un autre, est en réalité secondaire ou tertiaire.

Paul Badde: Votre père était forgeron et "a tree of a man" (ndt: traduction en anglais d'un terme allemand...j'ignore ce qu'il veut dire), comme vous l'avez dit une fois. Comment caractériseriez-vous 'votre' Saint-Père Benoît? Lui, au contraire, n'était évidemment pas "a tree of a man". Y a-t-il une phrase, une expression, avec laquelle vous pourriez le décrire?
Mgr Georg Gänswein: Le pape Benoît est la personne qui incarne pour moi la clarté mentale - et il le fait avec une présence intellectuelle incroyable, ainsi qu'avec une gentillesse désarmante. Je ne connais personne comme lui. Il est devenu un modèle durable pour moi, ainsi qu'une grande référence.

Paul Badde: Que restera-t-il de son pontificat?
Mgr Georg Gänswein: Le temps nous le dira et l' istoire montrera que les principaux sujets que le pape Benoît XVI a abordés et qui ont dès le début défié son ministère, et que ses réponses à ces questions ou défis, ont consolidé et façonnent les fondements de l'Eglise. Cela restera.

Paul Badde: La miséricorde est le grand mot-clé du Pape François. Est-ce aussi un mot-clé pour le pontificat de Benoît?
Mgr Georg Gänswein: Benoît a un mot-clé qui l'a toujours accompagné, quand il était professeur, cardinal - je l'ai dit aussi lors du lancement du livre. C'est Veritas, la Vérité. La clé est que la Vérité est devenue homme dans le Christ, et la Vérité est le grand thème de la vie de Benoît, un thème qui est apparu à plusieurs reprises dans sa vie sous différentes formes.

Paul Badde: Cela signifie que nous connaissons la vérité en Jésus-Christ, en qui elle a trouvé un visage. Ainsi, Benoît XVI a laissé à son successeur un dossier controversé concernant la situation au Vatican. Depuis trois ans, François a essayé de réformer la Curie. Avant Noël 2014, il leur [aux membres de la Curie] a adressé des critiques dramatiques. Une double question: Est -ce que la réforme de la Curie déjà montré un effet? Et y a-t-il un lien avec le dossier que le pape a laissé à son successeur?
Mgr Georg Gänswein: D'abord, une précision: Le dossier, que le pape Benoît XVI avait laissé à son successeur ce 23 mars 2013, à Castel Gandolfo, marque la première rencontre des deux. Je parle du dossier de la Commission Cardinalice, les trois cardinaux choisis personnellement par le pape Benoît et chargés d'examiner ce qu'on appelle la "situation-Vatileaks", afin d'apporter un peu de lumière dans l'obscurité. Ces trois cardinaux ont rendu compte au pape seulement - il n'y avait pas d'intermédiaire, et ils ont fait un bon travail. Ils ont remis les fruits de leur travail, y compris tous les documents et la documentation connexe au pape Benoît, qui les a emmenés avec lui à Castel Gandolfo.

Paul Badde: Dans l'hélicoptère?
Mgr Georg Gänswein: (il hoche la tête, avec un petit rire) Oui, ensuite il les a transmis à François. En ce qui concerne la question de la réforme de la Curie et si elle montre des effets ou non, j'aurais beaucoup à dire. Surtout au début du pontificat, de nombreuses thèses ont été claironnées, laissant supposer que la Curie était dans un état désastreux: Tout était dans le désordre et il était plus que temps de tout réformer, pas seulement l'IOR, mais aussi tout ce qu'on entend par Curie. J'ai maintenant une expérience de 20 ans, et je pense que, eh bien, certains de ceux qui ont beaucoup à dire au sujet de la Curie, ne la connaissent qu'à partir de la presse jaune (ndt: les tabloïds et les journaux spécialisés dans les ragots, cf. fr.wikipedia.org/wiki/Journalisme_jaune), ou n'en ont pas une connaissance précise, et ils devraient faire un pas en arrière et prendre du recul. Bien sûr, il y avait, et il y a quelques difficultés et même la nécessité d'apporter des changements en ce qui concerne les questions spécifiques. Dans quelle mesure cela rentre dans le champ d'application d'une réforme de la Curie est une autre question. En regardant les choses sérieusement, pas grand'chose n'a changé. Bien sûr, deux nouveaux organismes ont été créés. Nous verrons bien, s'ils clarifient beaucoup.
En ce qui concerne l'IOR ou la soi-disant Banque du Vatican, le travail qui a commencé sous le pontificat de Benoît XVI continue. Il est clair et simple: Une réforme en la matière a besoin de temps avant de montrer des effets. En ce qui concerne la soi-disant réforme de la Curie, je suis très curieux de voir ce que sera le 'produit' final, le résultat final. Je suis très impatient, et j'aime être surpris.

Paul Badde: Peu de temps après son élection, François a soutenu que les bergers doivent avoir "l'odeur du troupeau". Vous connaissez beaucoup d'évêques. Ont-ils changé, ou ont-ils simplement renoncé à leur aftershave?
Mgr Georg Gänswein: Eh bien, en termes de comportement extérieur, il y a un certain nombre de changements visibles. Je n'ose pas dire que cela a changé l'attitude et le comportement. Je ne suis pas le confesseur de ces messieurs, et j'ai trop peu de contact avec eux, pour faire une déclaration sincère et honnête. Je ne peux qu'espérer que les changements externes correspondent à une attitude intérieure et qu'ils ne servent pas à dissimuler quelque chose, ou qu'ils durent aussi longtemps qu'on est ici au Vatican, avant de revenir aux anciennes manières une fois hors de la vue.

Paul Badde: «Les portes de l' enfer ne prévaudront pas contre l'Eglise qui est construite sur le roc de Pierre» , a dit l'évangéliste Matthieu. Que pensez-vous des prophéties de Malachie, qui sont censée venir de saint Philippe Neri, et qui se terminent avec François dans l'ordre des Papes?
Mgr Georg Gänswein: Hier, le 26 mai, était la fête de Saint Philippe Neri. En effet, quand on regarde les prophéties et qu'on considère combien elles avaient toujours une référence solide pour les papes mentionnés dans son histoire - cela me donne des frissons - je le reconnais honnêtement. Cependant, elle [la prophétie] n'est dans aucune partie du Livre de la Révélation (l'Apocalypse de Jean); personne n'est obligé d'accepter la prophétie de saint Malachie. Mais du point de vue historique, il faut dire: «Oui, c'est un appel au réveil».

Paul Badde: Personnellement, je dois dire que la lumière des chambres du Palazzo (appartement du Pape) me manque quand je me promène Place Saint-Pierre, le soir. Comment vous sentez-vous quand vous voyez l'appartement, où vous avez vécu pendant si longtemps, qui est maintenant devenu noir?
Mgr Georg Gänswein: Le soir, je suis habituellement dans une petite pièce, pour préparer le courrier pour le lendemain et j'ai d'autres choses à faire, de sorte que je ne vois pas beaucoup le Palazzo la nuit. Bien sûr, je l'ai vu plusieurs fois. Quand je marche dans la Via della Conciliazione - c'est-à-dire la plupart du temps quand reviens de ville - j'ai très envie d'y aller, parce que c'est bon et utile pour moi. Donc, quand je marche vers la place Saint- Pierre, je regarde le Palazzo et remarque que certaines lumières sont encore allumées dans la Prima Loggia, où est le cardinal secrétaire d'État. En remarquant que la deuxième et la troisième loggia sont dans l'obscurité, cependant, je me sens un peu nostalgique. Je devais m'y habituer et je ne sais pas si je pourrai jamais m'habituer à la vue des fenêtres sombres dans la soirée.

Paul Badde: Nous arrivons à la dernière question. Un jour, vous avez parlé de votre rêve, votre rêve d'enfance, devenir un chartreux. Avez-vous encore des rêves et quels sont-ils?
Mgr Georg Gänswein: En effet, j'ai été attiré quand au cours du deuxième semestre de théologie, je suis allé avec un ami pour une semaine à la Chartreuse de Marienau dans l'Allgäu. À l'époque, j'ai vraiment ressenti cet appel, donc j'ai parlé à un vieux chartreux qui m'a conseillé: «Écoute, si l'appel que tu as reçu est sérieux, il restera. Mais d'abord, tu dois rentrer et terminer tes études - tu devras les finir de toute façon si tu nous rejoins. Surtout, si le bon Dieu veut que tu deviennes un chartreux, il fera en sorte que tu le sois dans cinq ou six ans. Sinon - l'appel était peut-être juste un petite voix entendue dans un moment d'enthousiasme». J'ai pris ses conseils à cœur et en effet, dans le cadre de mes études, il est devenu évident que le bon Dieu visait autre chose pour moi. Parler de rêve serait exagéré. Parfois, cependant, je voudrais être plus enclin au vrai travail pastoral et adopter davantage "l'odeur de la brebis" - pour le dire avec une référence à François. Ici, au contraire, l'odeur de la deuxième loggia et l'odeur du Vatican sont encore très fortes. J'essaye d'y passer un peu plus de temps, mais actuellement c'est impossible - je n'ai tout simplement pas le temps. J'essaie donc de m'adapter et de transmettre l'odeur qui se répand ici au Vatican.

Paul Badde: Cher Monseigneur, je vous remercie beaucoup pour cette interview. Nous souhaitons que le bon Dieu continuera à vous tenir dans ses mains.