Nouvelles de l'Eglise en Allemagne


Pas (non plus) d'effet François, au-delà du Rhin. Et une "étrange histoire" sur un discours du Pape aux évêques allemands. (21/7/2016)

 

Dans un article en deux parties distinctes, Marco Tosatti rapporte deux faits significatifs relatifs à l'état de l'Eglise en Allemagne: d'abord, les statistiques inquiétantes sur l'effondrement numérique. Sous Benoît XVI, les médias se réjouissaient méchamment et témoignaient de beaucoup de zèle pour nous informer des "abandons", systématiquement imputés à l'antipathie que le saint-Père était censé inspirer à ses compatriotes - et bien sûr, aux affaires de pédophilie dont il était selon eux responsable. Mais avec François, on allait voir ce qu'on allait voir...
Patatras! [Là non plus,] l'effet François n'a pas marché. Les chiffres bruts sont têtus, ils confirment que la chute n'a nullement été enrayée, bien au contraire! Mais curieusement, les médias sont d'une discrétion de violette...

Dans la seconde partie de l'article, Tosatti rapporte une anecdote relative au discours (non) prononcé par François devant les évêques allemands en visite ad limina le 20 novembre 2015, la qualifiant d'"étange histoire". Une histoire qui par ailleurs a été déjà évoquée par Sandro Magister (chiesa.espresso.repubblica.it) et citée par le P. Hunwicke (cf. Magistère en crise), et que sa confirmation par Marco Tosatti, un journaliste lui aussi sérieux, honnête et très bien informé, rend plus que crédible.

Eglise en Allemagne, l'effondrement.


Marco Tosatti
San Pietro e dintorni
19/07/2016
Ma traduction

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Il y a quelques jours, la Conférence épiscopale allemande a fourni des chiffres qui témoignent du déclin constant et inquiétant du catholicisme dans la patrie du pape Benoît XVI. En dépit de ces chiffres, le cardinal de Münich, Reinhard Marx, a décrit l'Église comme une «force énergique, dont le message est entendu et accepté» (ndt: le cardinal pratique sans doute la méthode Coué).

L'Église catholique continue d'être le plus grand groupe religieux en Allemagne, comptant sur près de 24 millions de fidèles (23,7), 29% de la population. Mais c'est un récipient qui se vide à un rythme impressionnant: en 2015, 181.925 personnes l'ont abandonnée. Dans la même période, 2.685 sont devenus catholiques et 6474 catholiques sont revenus à la foi. La Conférence des évêques a souligné que le nombre de baptêmes et de mariages a marqué une légère augmentation par rapport à l'année précédente. Mais si l'on fait une comparaison entre il y a vingt ans - au milieu des années 90 - et aujourd'hui, on voit que le nombre de baptêmes a diminué d'un tiers, passant de 260.000 en 1995 à 167.000 en 2015.

La situation est encore pire pour les mariages: une diminution de la moitié. De 86456 à 44298. Et si la pratique dominicale était de 18,6% en 1995, aujourd'hui, elle est tombée à 10,4%.

Mais ce sont principalement les abandons qui contituent la donnée la plus spectaculaire. Les chiffres sur les confessions ne sont pas connus, mais des recherches récentes affirmaient que 54% prêtres confessaient au plus une fois par an. Parmi les agents pastoraux, 91% se confessaient moins d'une fois par an. Face à ces chiffres d'abandon - une tendance désormais stable depuis des années - le Cardinal Marx a réitéré sa stratégie: faire des concessions sur les sacrements et la doctrine. «Nous avons besoin d'une "pratique pastorale sophistiquée" qui rende justice aux différents modes de vie des gens, et de transmette de façon convaincante l'espérance de la foi. La conclusion du synode des évêques de l'année dernière et l'Exhortation apostolique de François Amoris Laetitia sont des points importants». (ndt: c'est donc une affaire de gros sous!!)

La stratégie des concessions peut-elle marcher? La preuve par les églises protestantes "historiques" semble le démentir; en réalité elle peut vraiment anticiper celle des soldes de fin de saison. L'expérience des dernières décennies, a en effet conduit à la fois saint Jean-Paul II et son successeur immédiat Benoît XVI, à ne pas la suivre, préférant l'énonciation sans ambiguïtés ni compromis du message évangélique.

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A noter...
Lors de la dernière visite ad limina des évêques allemands, le pape avait prononcé un discours qui avait été qualifié de cinglant. Mais l'avait-il prononcé? En fait, il semble que non, et apparemment, il avait parlé a braccio, disant: là-bas sur la table il y a le discours, que ceux qui le veulent le prennent.
Nous vous racontons cette histoire, rapportée à partir d'une bonne source. Au cours d'une réunion de l'Assemblée des évêques allemands, Marx a raconté qu'il était allé en audience chez le pape, et lui avait fait quelque remontrance sur la tonalité du discours écrit: «nous étions tous sereins, en pleine communion, et puis il nous arrive un discours comme celui-là». Le cardinal a affirmé aux évêques que le pape lui aurait dit: «Ce n'est pas moi qui l'ai fait, je ne l'avais pas lu, n'en tenez pas compte». Donc , Marx a dit: nous continuons comme avant. Mais à ce stade quelques (rares) évêques sont intervenus, disant:
«J'ai le texte du discours, et il est signé par le pape; je dois le suivre».
- Mais il ne l'a pas vu! - a répété Marx.
«Ce sont ses affaires, mais il a signé. Et d'ailleurs, vous croyez que les autres choses signées par le Pape sont écrites par le Pape? Comme celles sur l'écologie? Certes, vous dites que ce discours, c'est la Curie romaine qui l'a écrit; mais ces choses, c'est la Curie Argentine qui les a écrites, et elle a plus de valeur que celle romaine. Quoi qu'il en soit, il a la signature du pape, et moi dans mon diocèse, je le lis, je le diffuse et je le donne à mes curés. Et je leur dis de le suivre. C'est ce que le Pape a voulu dire à l'Église de Dieu qui est en Allemagne».

D'autres l'ont appuyé. Le visage de Marx est devenu rouge et il est passé à un autre point de l'ordre du jour.