Quand le Pape "fait le buzz"


Qu'a dit exactement François dans l'avion de retour du Caucase? Avant de s'emballer, il serait peut-être bon de lire. J'ai traduit les deux passages incriminés de sa conférence de presse improvisée. Elle réserve quelques surprises... (3/10/2016, mise à jour le 4)

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Gender, buzz papal et propagande pour les enfants



Ce qui ressort avant tout, selon moi, de la lecture attentive de la transcription officielle, c'est que plus que jamais, l'entourage du Pape devrait le convaincre de renoncer à cet exercice périlleux (pas seulement périlleux pour lui, mais pour l'Eglise en général).
On passera - quoique avec difficulté - sur l'approximation de la forme (que j'ai essayé de rendre dans la traduction!!), assez indigne du Magistère suprême .
Quant au fond... je laisse mes lecteurs faire l'exégèse (si l'on peut dire) d'un discours confus, laissant entrevoir un esprit aussi brouillon qu'embrouillé, incapable de formuler clairement des idées qui semblent toujours à l'état d'ébauche.
En dehors de la réplique qui fait bouillir la classe politico-médiatique française, (le Pape dit AUSSI des choses très justes, mais l'anecdote qu'il raconte, pour illustrer son propos, me paraît personnellement assez invraisemblable, et son allusion incongrue à la famille de "catholiques à l'eau de rose" livre en pâture aux médias, qui se déchaînent, sans aucune preuve, les représentants de la "Manif pour tous" [*]), il y a un autre passage, pour le moment passé sous silence, qui me semble autrement plus grave: c'est là où, évoquant un transexuel espagnol, femme devenue homme, qu'il a reçu(e) avec sa "femme" au Vatican (ce qui est déjà assez gros en soi!!), il oppose l'attitude du jeune curé intransigeant, qui le chasse, en le menaçant de l'enfer (une situation que là encore, j'ai du mal à imaginer... mais le jeune curé est sans doute un exemple typique de pharisien pélagien intégriste), et du "bon" vieux curé de 80 ans, qui lui dit au contraire: «Depuis quand ne t'es-tu pas confessé, viens, viens, viens que je te confesse et alors tu pourras aller à la communion».
Et le Pape de commenter: « (...) dans tous les cas, l'accueillir, l'accompagner, l'étudier, discerner et l'intégrer. Voilà ce que Jésus ferait aujourd'hui».
Oubliant malheureusement de préciser que Jésus aurait ajouté: «Et ne pèche plus».

Juste pour la touche d'humour, le Pape adore décidément l'histoire du fameux chapiteau du Vézelay, et persiste dans son interprétation idéologique et fallacieuse. Cela fait au moins trois fois qu'il la raconte (cf. Une histoire de chapiteaux (III) et Le pendu du chapiteau de Vézelay). Par respect, nous nous abstiendrons de commenter ce... ressassage.

[*] Pourquoi avoir précisé qu'il s'agit de catholiques? Le Pape a aussi eu l'occasion de rencontrer des familles non catholiques, et même musulmanes, par exemple lorsqu'il a reçu les familles des victimes de l'attentat de Nice. Et l'on sait que les musulmans sont très hostiles à l'idéologie gender.

Extrait de la conférence de presse


w2.vatican.va
Ma traduction

Question de Maria Elena Ribezzo, de "La Presse" (Suisse) :
Bonjour, Votre Sainteté, bonne soirée. Hier, vous avez parlé d'une guerre mondiale menée contre le mariage, et dans cette guerre, vous avez utilisé des mots très forts contre le divorce: vous avez dit qu'il salit l'image de Dieu; tandis que ces derniers mois, même au cours du Synode, on a parlé d'accueil vers les divorcés. Je voulais savoir si ces approches se concilient, et comment.

François :
Tout est contenu, tout ce que j'ai dit hier, avec d'autres mots - car hier j'ai parlé a braccio et un peu à chaud - se trouve dans Amoris laetitia, tout. Quand on parle du mariage comme union de l'homme et de la femme, comme Dieu les a faits, comme image de Dieu, c'est l'homme et la femme. L'image de Dieu n'est pas l'homme: c'est l'homme avec la femme. Ensemble. Qui sont une seule chair quand ils s'unissent dans le mariage. C'est ça la vérité. Il est vrai que dans cette culture, les conflits et tant de problèmes ne sont pas bien gérés, et il y a aussi les philosophies du «Aujourd'hui, je fais celui-là [ce mariage], quand je suis fatigué j'en fais un autre, puis j'en fais un troisième, puis j'en fais un quatrième». C'est cette «guerre mondiale» que vous dites contre le mariage. Nous devons veiller à ne pas laisser entrer en nous ces idées. Mais avant tout: le mariage est image de Dieu, homme et femme en une seule chair. Quand on détruit cela, on «salit» ou on défigure l'image de Dieu. Ensuite, Amoris laetitia parle de comment traiter ces cas, comment traiter les familles blessées, et là entre la miséricorde. Et il y a une belle prière de l'Eglise, que nous avons priée la semaine dernière. Elle dit: «Dieu, qui si admirablement as créé le monde et si admirablement l'as re-créé», c'est-à-dire avec la rédemption et la miséricorde. Le mariage blessé, les couples blessés: là entre la miséricorde. Le principe est celui-là, mais les faiblesses humaines existent, les péchés existent, et toujours, le dernier mot, ce n'est pas la faiblesse qui l'a, le dernier mot, ce n'est pas le péché qui l'a: le dernier mot c'est la miséricorde qui l'a! J'aime raconter - je ne sais pas si je vous l'ai dit, parce que je le répète beaucoup - que, dans l'église Sainte Marie-Madeleine à Vézelay, il y a un très beau chapiteau, de 1200, plus ou moins. Les médiévaux faisaient des catéchèses avec les sculptures des cathédrales. D'un côté du chapiteau, il y a Judas, pendu, avec la langue sortie, les yeux sortis, et de l'autre côté du chapiteau, il y a Jésus, le Bon Pasteur, qui le prend et l'emmène avec lui. Et si nous regardons attentivement le visage de Jésus, les lèvres de Jésus sont tristes, d'un côté, mais avec un petit sourire de complicité de l'autre. Ceux-là avaient compris ce qu'est la miséricorde! Avec Judas! Et c'est pourquoi, dans Amoris laetitia on parle du mariage, du fondement du mariage tel qu'il est, mais ensuite viennent les problèmes. Comment se préparer au mariage, comment éduquer les enfants; et puis, dans le chapitre 8, quand viennent les problèmes, comment les résoudre. Ils se résolvent avec quatre critères: accueillir les familles blessées, accompagner, discerner chaque cas et intégrer, refaire. C'est ça qui serait le moyen de collaborer dans cette «seconde création», dans cette merveilleuse re-création que le Seigneur a faite avec la rédemption. On comprend, comme ça? Oui, si on prend juste un côté, ça ne va pas! Amoris laetitia - je veux dire ça -: ils vont tous au chapitre 8. Non, non. Il faut lire du début à la fin. Et quel est le centre? Mais ... ça dépend de chacun. Pour moi, le centre, le noyau d'Amoris laetitia, c'est le chapitre 4, qui sert pour toute la vie. Mais il faut la lire en entier et la relire en entier et la discuter en entier, c'est tout un ensemble. Il y a le péché, il y a la rupture, mais il y a aussi la miséricorde, la rédemption, le soin. Je me suis bien expliqué, sur ça?



Question de Joshua McElwee, du National Catholic Reporter (USA):
Merci, Saint-Père. Dans ce même discours d'hier, en Géorgie, vous avez parlé, comme dans de nombreux autres pays, de la théorie du gender, en disant que c'est le grand ennemi, une menace contre le mariage. Mais je voudrais demander: Que diriez-vous à une personne qui a souffert pendant des années avec sa sexualité et sent vraiment qu'il y a un problème biologique, que son apparence physique ne correspond pas à ce qu'il ou elle considère être sa propre identité sexuelle? Vous, comme pasteur et ministre, comme accompagneriez-vous ces personnes?

François : Tout d'abord, j'ai accompagné dans ma vie de prêtre, d'évêque - même de pape -, j'ai accompagné des personnes avec des tendances et des pratiques homosexuelles. Je les ai accompagnées, je les ai approchées du Seigneur, certains ne peuvent pas, mais je les ai accompagnées et jamais je n'ai abandonné quelqu'un. Voilà ce qu'il faut faire. Les personnes, on doit les accompagner, comme Jésus les accompagne Quand une personne qui a cette condition arrive devant Jésus, Jésus ne lui dira certainement pas: «Va-t-en, parce que tu es homesexuel!», Non. Ce que je dis concerne ce mal qui est fait aujourd'hui avec l'endoctrinement de la théorie du gender. Un papa français me racontait qu'à table il parlait avec ses enfants - lui catholique, sa femme catholique, les enfants catholiques, à l'eau de rose, mais catholiques - et a demandé au garçon de dix ans: «Et toi, qu'est-ce que tu veux faire quand tu seras grand?» - «Être une fille». Et le papa s'est aperçu que dans les manuels scolaires, on enseignait la théorie du gender. Et cela est contre les choses naturelles. Une chose est qu'une personne ait cette tendance, cette option, et il y en a qui changent de sexe. Et une autre chose est de faire l'enseignement dans les écoles sur cette ligne, pour changer la mentalité. Ce que j'appelle «colonisation idéologique». L'an dernier , j'ai reçu une lettre d'un Espagnol qui me racontait son histoire d'enfant et de garçon. C'était une enfant, une fille, et elle a beaucoup souffert, car elle se sentait garçon et était physiquement une fille. Elle l'a raconté à sa mère, quand elle avait passé vingt ans, 22 ans, et elle lui a dit qu'elle voulait faire l'intervention chirurgicale et toutes ces choses. Et sa maman lui a demandé de ne pas le faire tant qu'elle était en vie. Elle était vieille, et elle est morte bientôt. Elle [la fille] a été opérée. Il est employé d'un ministère d'une ville en Espagne. Il est allé chez l'évêque. L'évêque l'a beaucoup accompagné, un brave évêque: il «perdait» du temps pour accompagner cet homme. Puis il s'est marié. Il a changé son identité civile, il s'est marié et il m'a écrit une lettre que pour lui, ç'aurait été une consolation de venir avec sa femme: lui, qui était elle, mais qui est lui. Et je les ai reçus. Ils étaient contents. Et dans le quartier où ils habitaient un vieux prêtre, âgé de quatre-vingts ans, le vieux curé, qui avait quitté la paroisse et aidait les religieuses, là , dans la paroisse ... Et il y avait le nouveau [curé]. Quand le nouveau curé le voyait, il lui criait du trottoir: «Tu iras en enfer!». Quand il allait chez le vieux, celui-ci lui disait: «Depuis quand ne t'es-tu pas confessé, viens, viens, viens que je te confesse et alors tu pourras aller à la communion». Tu as compris? La vie est la vie, et il faut prendre les choses comme elles viennent. Le péché est le péché. Les tendances ou les déséquilibres hormonaux donnent beaucoup de problèmes et nous devons veiller à ne pas dire: «C'est tout pareil, facciamo festa (?)». Non, ça non. Mais dans tous les cas, l'accueillir, l'accompagner, l'étudier, discerner et l'intégrer. Voilà ce que Jésus ferait aujourd'hui. S'il vous plaît, ne dites pas: «Le pape sanctifiera les trans!». S'il vous plaît! Parce que je vois déjà les titres des journaux ... Non, non. Il y a un doute sur ce que j'ai dit? Je veux être clair. C'est un problème de morale. C'est un problème. C'est un problème humain. Et on doit le résoudre comme on peut, toujours avec la miséricorde de Dieu, avec la vérité, comme nous l' avons dit dans le cas du mariage, en lisant Amoris laetitia en entier mais toujours comme ça, toujours avec un cœur ouvert. Et n'oubliez pas ce chapiteau du Vezelay: il est très beau, très beau

Commentaire d'un lecteur (4/10)


Même sous prétexte de défendre la famille traditionnelle contre l’idéologie du gender, il faut que François s’appuie sur de supposées anecdotes on ne peut plus scabreuses. Outre qu’on n’imagine guère son prédécesseur bâtissant un enseignement sur une telle rencontre, il faut avouer que le transsexuel qui essaye les confesseurs l’un après l’autre, ça ne sent pas le vécu... Si le salut était pour les transsexuels une exigence aussi impérieuse, ils y penseraient peut-être avant de passer chez le chirurgien et l’endocrinologue. Enfin, avec ce François, la référence scripturaire récurrente, pour ne pas dire exclusive, ce n’est pas saint Paul, ni saint Augustin, ni les Evangiles, ni quelque illustre prédécesseur, non, c’est Amoris Laetitia. Au regard des contestations suscitées par cette exhortation problématique, de ses ambiguïtés (c’est un euphémisme), ce penchant pour l’autocitation et ce manque d’humilité ont de quoi choquer.