Scalfari: le Pape récidive


L'éditorial hebdomadaire du dinosaure du journalisme d'extrême-gauche et fondateur de la Repubblica fait état d'un nouvel entretien avec François. Et il fait grincer les dents de pas mal de gens, notamment de Riccardo Cascioli (14/11/2016)



Interrogé par Edward Pentin, sur le site NCR, Luis Badilla, directeur du Sismagrafo et principal "thuriféraire" (dixit Giuseppe Rusconi) du Pape, se plaint des modalités de l'interview.
Il explique que Scalfari a rencontré le pape pendant 40 minutes. Le compte-rendu de l'entretien a été publié dans L'Osservatore Romano du 11 novembre sur deux pages. Mais, comme dans les cas précédents (24 Septembre 2013, 13 Juillet 2014, et 1er Novembre 2015) «il n'y a pas eu d'enregistrement». «Ce n'est même pas une interview classique, avec questions et réponses. Le journaliste n'a pas demandé d'interview. Il a demandé une rencontre personnelle».

Badilla, en réalité, proteste pour la forme, et ses propos ressemblent tout simplement à un coupe-feu, ou une opération de diversion. Il dit que les citations du Pape par Scalfari sont formulées dans un langage qui n'est pas celui qu'il utilise habituellement. Mais cela ne prouve rien! Trancrites et "nettoyées" par les bureaux de la Curie, les interviews aéroportées utilisent un langage un peu plus soutenu que celui du Pape, mais personne ne songe à remettre en cause leur fiabilité, sinon pour remarquer qu'elles ont généralement été expurgées des mots les plus choquants.

Qui peut encore croire un seul instant que François est la "victime" de Scalfari, et que tout est la faute du vieux crocodile, parce que, fidèle aux vieilles méthodes, il s'obstine, pour ses "interviews", à ne pas prendre de notes et à ne pas utiliser d'enregistreur vocal, se fiant à sa seule mémoire? Rien, évidemment, n'oblige le Pape à répondre à ses sollicitations, et surtout à autoriser la vraie-fausse interview à être publiée sur deux pages dans l'OR. D'autant plus que ce n'est pas la première fois (la première interview a même fait l'objet d'un livre co-signé "Pape François- Eugenio Scalfari", sous le titre - en français - "Ainsi je changerai l'Eglise", cf. benoit-et-moi.fr/2015-II)

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Pour ceux qui veulent creuser, si tant est que cela en vaille la peine, l'interview en italien est ici, elle a été traduite en français sur le site <Media-presse.info>.

Voici le commentaire de Riccardo Cascioli:

Scalfari porte-parole du Pape, maintenant c'est un fait


Riccardo Cascioli
12/11/2016
www.lanuovabq.it

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Nous avons toujours soutenu, avec raison, et nous continuerons à le faire que les interviews du pape ne sont pas le Magistère, c'est pourquoi elles doivent être prises pour ce qu'elles sont: un manière possible de connaître le pontife régnant, de mieux comprendre sa pensée. Et si quelque chose détonne, semble contredire ce qui a été jusqu'à présent, patience: une déclaration aux journalistes, pour autant qu'elle crée la confusion ou révèle des jugements contestables, ne peut pas remplacer ou changer ce qui est l'enseignement de l'Eglise.

Cela vaut également pour les dernières sorties, les conférences de presse en avion et les entrtiens avec le fondateur de la Répubblica Eugenio Scalfari, dont le dernier a été rapporté hier sur deux pleines pages du quotidien romain.

Pourtant , il est difficile d'échapper à un sentiment de malaise, voire d'amertume, en lisant le compte-rendu de ces entretiens qui se sont transformés en interview. Quand, quelques mois après le début du pontificat, le premier est sorti, il fut facile de s'en prendre à un Scalfari «incorrect» qui publiait comme interview ce qui avait été une longue conversation privée. Le même vieux journaliste fut ensuite contraint d'admettre qu'il avait transcrit de mémoire, n'ayant ni enregistré ni pris de notes: c'étaient plus ou moins les arguments, plus ou moins le sens, mais peut-être que les mots n'étaient pas exactement ceux-là.

L'«incident» s'est répété quelques mois plus tard, un entretien privé avec Scalfari s'est transformé en interview à vendre sur La Repubblica. Depuis lors, régulièrement, Scalfari explique que le pape l'appelle au téléphone pour lui expliquer ceci ou cela. Or, après trois ans, nous devons admettre - même si les «incorrections» de Scalfari demeurent - que ce que fait François est un modus operandi. Comme il l'a démontré au cours des dernières semaines - d'abord avec la rencontre avec les luthériens à Lund, ensuite avec les mouvements populaires au Vatican - il a pris l'habitude d'appeler ou de rencontrer Scalfari à l'occasion de rencontres importantes de son pontificat pour lui expliquer le sens de l'événement et son projet global, bien conscient que le fondateur de la Repubblica le rapportera dans son journal.

Le malaise n'est pas (!!!) dans la familiarité que le pape a instaurée avec l'un des champions italiens du laïcisme, au contraire: en soi, cette capacité à établir des relations humaines avec ceux qui sont loin est belle (!!!). Mais il est pour le moins curieux, pour ne pas dire gênant, que les fidèles doivent lire de Scalfari ce que le pape pense de l'Eglise et quelle est sa vision du christianisme.

A cela s'ajoute ensuite le contenu de ces «explications», pour le moins problématiques. Dans l'article du 30 Octobre, à la veille de la cérémonie de Lund (cf. www.repubblica.it), Scalfari faisait référence à un appel téléphonique reçu trois jours plus tôt, où François lui expliquait que son but était la fraternité de toutes les religions, puisque toutes croient en un seul Dieu; et l'unification des églises chrétiennes. Quant à la miséricorde, réfère encore Scalfari, François «adopte le point central de la Réforme luthérienne quand il dépasse l'intermédiation des prêtres entre les fidèles et Dieu».

Dans l'interview d'hier, nous découvrons en revanche que «le Christ a parlé d'une société où c'est aux pauvres, aux faibles, aux exclus, de décider», pour ne pas parler de théories déjà connues, comme l'argent à la racine de tous les maux et les inégalités, «le plus grand mal qui existe au monde».

Ce qui est une citation à la lettre de François, ce qui est une approximation de Scalfari, on ne le sait pas, mais ce qui laisse une impression de malaise, c'est que la multiplication des interviews, des déclarations, des conférences de presse créent un magistère qui s'affirme grâce à la grosse caisse offert par la grande presse.

Et cela devient une cause de scandale, dans le sens littéral du terme: elle désoriente et introduit la confusion chez beaucoup de catholiques, également parce que ce sont souvent des phrases qui sont ensuite utilisées et abusées par ceux qui s'en servent dans leur objectif de détruire l'Église. Il suffit de penser à ce que Scalfari déduit des paroles du Pape, et comment la Repubblica traite les événements ecclésiaux.