Trois ans de pontificat


Malgré la lettre que le Pape lui a écrite, Antonio Socci ne désarme pas... heureusement! (13/3/2016)

 

Si le Pape Bergoglio n'a pas fait le "coup de force" durant les premiers mois, c'est probablement à cause de la présence silencieuse et charismatique du "pape émérite", dont l'autorité a freiné et intimidé l'esprit révolutionnaire


Luther à louer (*)


(*) Jeu de mot sur Lutero (Luther) et "L'utero in affitto" (littéralement "l'utérus à louer"), qui désigne ce qu'en France nous appelons "les mères porteuses" - sujet, on le sait, en plein dans l'actualité transalpine avec la loi Cirinnà, sur les unions homosexuelles.


www.antoniosocci.com
13 mars 2016
(Ma traduction)

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A trois ans de l'élection du pape Bergoglio, tant ses partisans inconditionnels que ses détracteurs sont d'accord sur un point: il représente une rupture dans l'histoire millénaire de l'Eglise. Sur cela, il y a unanimité.
Pourtant, beaucoup ne savent pas que l'Eglise - de par sa constitution divine - ne peut connaître de rupture dans sa tradition magistérielle. Elle doit toujours rester fidèle au “depositum fidei” reçu de Jésus-Christ et contenu dans l'Ecriture Sainte: le Pape est le serviteur de la Vérité révélée, pas le maître. Il ne peut pas la modifier ni en disposer à sa discrétion, faute de quoi il déchoit de la papauté. Ou ce serait l'apostasie et la fin même de l'Église catholique.

C'est précisément au milieu de ce gué vertigineux - entre une rupture radicale, qui semble constamment rêvée, et la peur d'accomplir la déchirure officielle - que semble être aujourd'hui le pontificat de Bergoglio.
Son ambiguïté de Janus à double visage, a conduit Newsweek à faire la célèbre couverture: “Is the Pope Catholic?” (cf. benoit-et-moi.fr/2015-II/actualite/la-troublante-question-de-newsweek) .
Sur aucun autre Pontife, on n'a jamais eu à se poser une question si inquiétante.
Par ailleurs, le même Bergoglio a déclaré en 2013 à Scalfari: «Il n'y a pas un Dieu catholique». Cette interview révéla le personnage.

Durant les jours du Synode de 2015, Ross Douthat a signé sur le New York Times un éditorial ("The Plot to change catholicism" cf. benoit-et-moi.fr/2015-II/actualite/chasse-aux-sorcieres-dans-leglise-misericordieuse) où il a écrit: «En ce moment le premier conspirateur est le Pape lui-même. Le but de François est simple: il favorise la proposition des cardinaux libéraux, c'est-à-dire un changement de doctrine».
Pourtant, au Synode, Bergoglio a fini en minorité, comme cela avait déjà eu lieu à celui de 2014 et au Consistoire.

LE TOURNANT?
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Alors maintenant, la balle est entièrement entre ses mains, parce que si dans l'exhortation post-synodale sur la famille, qu'il signera le 19 Mars, pour en tirer les conclusions, il voulait vraiment consacrer le changement officiel de doctrine - autrement dit la trahison de l'Evangile - il ne pourrait pas se cacher derrière le mandat du Synode (qui n'existe pas), mais il devrait y apposer sa propre signature et assumer - devant Dieu et les hommes - la responsabilité personnelle d'une rupture qui peut devenir un schisme tragique.
S'il ne le fait pas, la déception de ses partisans modernistes pourrait exploser. Ils sont déjà remontés (enclins à la révolte). Par exemple, Vito Mancuso sur la "Repubblica", a dit:
«Le problème de ce pontificat est que la radicalité des gestes ne correspond pas à celle du gouvernement (...). La très forte popularité de François, en particulier dans la première période, pouvait lui permettre des choix plus courageux (...). Je crains l'effet boomerang. Il nous est apparu comme un Pape qui changerait tout, et pourtant presque tout est à l'arrêt».
Mancuso reproche à Bergoglio de n'avoir pas fait immédiatement un blitz révolutionnaire, ce qui a permis aux catholiques de comprendre les dangers et d'organiser la résistance.
Au fil des mois, en fait, face au Bergoglio qui flirte avec les ennemis de l'Eglise, jusqu'à exalter la Bonino et Napolitano, au Bergoglio qui met de côté l'enseignement de l'Église en se fixant uniquement sur les immigrés, jusqu'à exalter les «bénéfices» d'une «invasion arabe de l'Europe» (entretien du 1er mars avec les "Poissons roses", ndt), au Bergoglio qui harangue le Centre social Leoncavallo (cf. benoit-et-moi.fr/2014-II-1/actualites/les-interviews-du-pape-a-scalfari) et méprise le Family Day - le peuple chrétien s'est refroidi à son sujet.
Mancuso le reconnaît:
«Il y a eu une forte baisse des fidèles lors des audiences de 2015 par rapport à 2014. Et même le Jubilé ne va pas comme prévu. Dans l'Église catholique, deux forces diamétralement opposées montent en intensité: les innovateurs comme moi, et ceux qui au contraire demandent de revenir à la "saine tradition". Une caractéristique répandue surtout chez les jeunes prêtres. Le Pape est au centre».
Mancuso lui demande de décider de quel côté il faut se jeter. En réalité, avec Bergoglio, le vieux modernisme cherche l'assaut final contre l'Eglise: l'idéologie post-conciliaire de Soixante-huit joue le tout pour le tout afin de prendre possession de l'Eglise et de la réduire à un cimetière "politiquement correct".
Et la plus forte résistance, dans la défense de l'Eglise du Christ, vient justement des jeunes qui ont grandi avec Jean-Paul II et Benoît XVI. Si le Pape Bergoglio n'a pas fait le "coup de force" durant les premiers mois, comme l'espérait Mancuso, c'est probablement à cause de la présence silencieuse et charismatique du "pape émérite", dont l'autorité a freiné et intimidé l'esprit révolutionnaire. Bergoglio a choisi une autre voie.

DÉMOLITION QUOTIDIENNE
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Dans une couverture mémorable du "Spectator", sous le titre: “Pope vs Church” (cf. benoit-et-moi.fr/2015-II/actualite/pape-vs-eglise), Bergoglio était représenté sur un engin de démolition qui, un coup après l'autre, abattait une église. On a choisi de taper à coups de pioches graduellement et quotidiennement sur l'édifice sacré, plutôt que de l'abattre d'un coup.
Cependant, les dégats sont déjà énormes. Bergoglio, par exemple, a soustrait à l'Église sa mission de Kathécon, c'est-à-dire de présence qui s'oppose à la propagation du "mysteryum iniquitatis". Autrement dit à l'Empire, l'idéologie anti-chrétienne qui a décidé l'annulation de la loi naturelle, de la famille et du caractère sacré de la vie (en plus des racines chrétiennes).
Parmi les applaudissements des ennemis du Christ, Bergoglio a mis de côté la grande opposition de Benoît XVI et Jean-Paul II à la "dictature du relativisme".

Ainsi, aujourd'hui, la situation semble en chute libre. Il y a une course vers la folie de plus en plus rapide de la société et les individus.
Les événements internationaux en témoignent, mais aussi les nouvelles ces jours-ci, avec de nombreux crimes atroces. Et à cette humanité précipitée dans un abîme de folie, de guerres, de persécutions et d'actes de barbarie, la "nouvelle Eglise" de Bergoglio se présente avec ces mots textuels confiés par le pape à Eugenio Scalfari: «Chacun de nous a sa propre vision du bien et aussi du mal. Nous devons l'aider à avancer vers ce qu'il pense être le bien». (ndt: pour ceux qui persisteraient à dire qu'il s'agit des délires du vieux journaliste, ces mots figurent noir sur blanc dans le livre "Ainsi je changerai l'Eglise" cosigné par le Pape et lui)
S'il en était ainsi, même les tyrans les plus sanguinaires seraient légitimés parce qu'ils ne font que poursuivre leur "propre idée" du bien. Personne ne pourrait les condamner. Si le bien et le mal ne sont pas objectifs, tout est licite. C'est la nuit du relativisme où le bien est ce qui me plaît à moi, ou ce qu'un État ou un tyran imposent. C'est seulement à la force de décider.
Et on ne peut même plus rappeler que le jugement divin est suspendu au-dessus de nous. En fait, la "nouvelle Eglise" de Bergoglio - comme nous l'avons entendu ces derniers jours (ndt: lors des prédications de Carême pour la Curie du P. Ermes Ronchi, cf. bergoglionate.wordpress.com/2016/03/07/la-paurosa-roncata-di-ermes-ronchi) - s'élève même contre l'Eglise de toujours parce qu'elle a "longtemps transmis une foi pétrie de crainte. Qui tournait autour du paradigme faute/châtiment».
Ainsi, aujourd'hui, personne ne criera, comme Jean-Paul II dans la Vallée des Temples, s'adressant à la mafia: «Il viendra un jour où vous répondrez devant le juge suprême» (Jésus aussi avait crié: «Si vous ne vous repentez pas vous périrez tous». Et encore: «Malheur à toi Korazym! Malheur à toi, Capharnaüm!») [1].
Au contraire, l'Église de Bergoglio veut éliminer la peur (c'est-à-dire la crainte de Dieu) et tait au monde la lumière de la Vérité. Ainsi l'humanité finit dans l'abîme et «le pape ne s'en mêle pas» (cf. Le Pape: je m'en mêle, je ne m'en mêle pas…).

LUTHER À LOUER
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Par ailleurs, les coups de pic quotidiens de Bergoglio ont ciblé principalement la doctrine catholique fondamentale: celle des sacrements qui sont les piliers de l'Eglise.
Il n'y a guère un sacrement qui n'ait pas été ébranlé par les "expérimentations doctrinales" rêvées par Bergoglio ou ses partisans, qui - si elles étaient formalisés dans des déclarations magistrales - serait plus dévastateur pour l'Eglise que Luther. Nous avons pour l'instant Luther à louer.
Le moment de vérité est donc la désormais imminente exhortation post-synodale où Bergoglio devra sortir du gué.
S'il veut être le Pape, il ne peut pas renier la vérité catholique. Ce que Ratzinger a écrit il y a des années s'applique en effet, quand il soulignait que le pape ne peut pas «imposer sa propre opinion», il doit «rappeler le fait que l'Eglise ne peut pas faire ce qu'elle veut et que, lui aussi, et même justement lui n'en a pas le pouvoir: en matière de foi et les sacrements, comme sur les problèmes fondamentaux de la morale», l'Eglise peut seulement «accepter la volonté du Christ».

Sinon, elle s'autodémolit.

Note

[1] Pensons aussi à la lettre de Benoît XVI aux catholiques d'Irlande, en 2010.
S'adressant aux prêtres pédophiles, il leur disait:

Vous avez trahi la confiance placée en vous par de jeunes innocents et par leurs parents. Vous devez répondre de cela devant Dieu tout-puissant,