Un monde virtuel


et l'image glaçante du fondateur de Facebook, "maître du monde" passant parmi des zombis... (25/2/2016)

>>> Au sujet de Marc Zwickerberg, j'avais traduit il y a deux ans un très intéressant article de Massimo Introvigne: benoit-et-moi.fr/2014-II-1/actualites/le-cauchemar-du-burning-man



Dimanche soir à Barcelone, à l'occasion du Mobile World Congress, Samsung présentait en avant-première mondiale le Galaxy S7, dernier né de la gamme de ses smartphones.

Cette photo de Marc Zuckerberg, le fondateur de Facebook, présent à l'évènement, a fait le tour du monde, suscitant quelques réactions gênées jusque dans des médias généralement "alignés" au nouvel ordre, et donc inattendus sur ce terrain.
Comme RTL, qui publiait sur son site une réflexion dont je reproduis l'extrait le plus significatif:


MARK ZUCKERBERG EN "BIG BROTHER", LA PHOTO EFFRAYANTE QUI EN DIT LONG SUR LA VISION DU FUTUR DE FACEBOOK
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Le fondateur et PDG de Facebook s'est invité à la conférence de presse de Samsung dimanche soir à Barcelone dans une mise en scène qui a totalement éclipsé la présentation des nouveaux smartphones Galaxy S7.
La mise en scène de Mark Zuckerberg à la conférence Samsung a suscité le malaise chez de nombreux observateurs
Il n'était pas encore 20 heures, dimanche 21 février, lorsqu'il a fait irruption dans le Centre de conventions international de Barcelone, où Samsung venait d'officialiser sa nouvelle collection de smartphones haut de gamme Galaxy S7. Le sourire aux lèvres et flanqué de son habituelle panoplie t-shirt gris-jean-basket, Mark Zuckerberg a rejoint la tribune incognito, pendant que les 3.000 spectateurs de la salle étaient occupés à une expérience de réalité virtuelle, comme coupés du monde. Lorsqu'ils ont reposé leur casque sur leur siège, le patron de Facebook était déjà sur la scène pour vanter les mérites de la réalité virtuelle, une technologie qui permet de s'immerger totalement dans un environnement en trois dimensions en coiffant un casque, et expliquer quelle importance elle revêt pour son réseau social.

"LE BIG BROTHER DE BARCELONE"
Dans la foulée de sa prestation, qui a totalement éclipsé la présentation du Galaxy S7, Mark Zuckerberg a posté sur Facebook un texte expliquant les raisons de sa venue dans la capitale catalane et trois photos de sa prestation. La dernière, celle de son avancée triomphale vers la scène de la conférence, a effrayé de nombreux observateurs (y compris des membres de Facebook) qui y ont vu le signe de l'asservissement de la population à son empire virtuel et plus largement à la technologie.
"Cette photo, c'est du Orwell en pire", écrit Daniel Schneidermann sur le site d'Arrêt sur images, frappé "par le contraste entre le sourire du voyant, et la foule assise et inexpressive des aveuglés". "Le Big brother de Barcelone ne regarde même pas les aveuglés. Il passe la revue de ses disciples, dans le réel qu'il occupe seul, sans même avoir besoin de vérifier du regard qu'ils ne le voient pas. Normal : s'ils forment la foule des visionneurs, le seul visionnaire sacré par la photo, c'est lui".
L'image de Mark Zuckerberg seul humain conscient au milieu d'une multitude d'hommes déshumanisés a également rappelé à certains un vieux spot publicitaire réalisé par Apple pour la promotion du premier Macintosh et intitulé..."1984".


L'évènement a fait l'objet d'un billet sur le site Chiesa e post Concilion , repris d'un jeune blogueur italien, Giuliano Guzzo.
Ses trois réflexions sont très intéressantes.
Il faut évidemment y ajouter la première qui vient à l'esprit en regardant la photo, qui est ce que Schneidermann a perçu: le "marionnettiste" est le seul qui ne porte pas le casque. N'est-ce pas une image parfaite du Maître du monde à l'écart des masses soumises qu'il tient avec leur assentiment et peut-être à leur insu sous son emprise?

Cerveaux clonés, ou bien la vie réelle


giulianoguzzo.com
23 février 2016
Ma traduction

L'image de Mark Zuckerberg, qui lors de la présentation du nouveau Galaxy S7 à Barcelone, en Espagne, se promène, souriant à côté d'une foule de personnes sans regard, les yeux subjugués par un masque technologique tellement enveloppant qu'il semble fixé dans leur tête, a suscité l'inquiétude un peu partout dans le monde. Beaucoup, en effet, ont vu dans ce vaste public de gens rivés à leur viseur une carte postale d'un avenir terriblement semblable à celui imaginé par Orwell, une sorte de plateau de tournage involontaire pour un film dystopique. D'ailleurs, le fondateur de Facebook y a mis du sien avec ses affirmations qui à cette occasion, même si elles étaient accompagnés d'un sourire, avaient presque le ton d'une menace: «La réalité virtuelle est la plate-forme de l'avenir. Elle va changer nos vies».
Exagérations? Craintes non fondées? Erreur de se laisser terroriser par ce public inconscient de sans-visage? Certes, la panique n'aide pas et il serait excessif de se laisser aller à des considérations catastrophistes. Cependant, je crois que ce qui est arrivé à Barcelone devrait quand même stimuler quelques réflexions.
Personnellement, il y en a au moins trois qui me viennent à l'esprit.

La première est que la photo du public équipé de viseurs ne montre pas un Big Brother qui contrôle les individus, mais des individus qui - sans menottes, mais librement - semble se connecter à une sorte de Big Brother. La différence est fondamentale: dans le premier cas, il s'agit d'une dictature qui décourage la dissidence, dans le second, d'une [dictature] qui se créé par son absence. C'est donc avant tout l'uniformisation - bien avant la technologie qui, en réalité, ne fait que l'exploiter et l'amplifier - qui devrait inquiéter quiconque se soucie du sort d'un monde démocratique.

On doit également souligner - considération numéro deux - que ce qui est arrivé à la présentation du nouveau Galaxy S7 ne concerne pas le futur, mais le présent. Cela signifie que ceux qui testent ces inquiétants nouveaux casques hitech sont les mêmes qui l'instant d'avant discutaient au bar l'un à côté de l'autre et qui sont ensuite retournés chacun chez eux. En d'autres termes, les photos de Barcelone, avant d'être une menace, sont un avertissement, car elles dépeignent une situation qui, de fait, existe déjà, et qu'il serait selon moi irresponsable de minimiser en expliquant qu'après tout, c'est juste une photo.

Troisième réflexion: «la réalité virtuelle» dont parle avec tant d'enthousiasme Mark Zuckerberg n'existe tout simplement pas et n'existera jamais: il s'agit seulement de la réalité de toujours, organisée selon de nouveaux instruments, de nouveaux scénarios, de nouveaux équilibres. Le temps qu'une personne pourra passer avec le casque est identique - en valeur et en extension - à celui qu'aujourd'hui il peut passer devant son PC ou son smartphone; c'est-à-dire que c'est le même temps, irremplaçable que l'on pourrait employer à faire du sport, à lire, à aller rendre visite à un ami. Donc, il n'existe pas de vie virtuelle qui n'en soustraie un peu à l'authentique. À cet égard, je me rappelle la scène finale d'un film que je considère comme un chef-d'œuvre, Vanilla Sky (2001), avec le protagoniste - joué par Tom Cruise - qui, conscient d'être immergé dans une existence splendide, mais irréelle parce qu'«acquise» en même temps qu'une procédure d'hibernation, prononce ces mots: «Je veux vivre une vraie vie, je ne veux plus le rêve».
A présent, je pense que nous ferions tous bien de réfléchir sur cette phrase. Car aussi beau et incroyable et étonnant que soit le «rêve» qu'ils essaient aujourd'hui de nous vendre et qui demain nous semblera indispensable, l'alternative reste unique et inestimable: une vraie vie.