Une grosse ficelle de com'



C'est ainsi que peut apparaître la présentation du livre-entretien du Pape avec Andrea Tornielli, confiée à un comique italien et à un détenu (14/1/2016)

 

Voici ce qu'on pouvait lire avant-hier 12 janvier sur le bulletin VIS:

Le nom de Dieu est Miséricorde, tel est le titre du livre-entretien du Pape François avec le journaliste italien Andrea Tornielli. Distribué dans 86 pays, l'ouvrage a été présenté ce matin à Rome par le Cardinal Secrétaire d'Etat Pietro Parolin et l'acteur [à] Oscar italien Roberto Benigni au cours d'une conférence de presse animée par le Directeur de la Salle de presse à l'Augustinianum du Saint-Siège. Parmi les présents, M. Zhang Agostino Jianquing, un détenu chinois de la prison italienne de Padoue, converti au christianisme et qui a reçu l'an dernier le baptême, la communion et la confirmation.
Un passage d'une conférence de Roberto Benigni sur les Dix Commandements a été cité par le Pape dans son homélie du Te Deum de 2014, car il y parlait de la la faiblesse de l'homme, capable de céder à l'esclavage et au péché par peur de la liberté.
Le volume, dont le titre est écrit de la main du Saint-Père sur la couverture des éditions anglaise, espagnole, française, italienne et portugaise, est divisé en neuf chapitres. Il commence par "Le temps de la Miséricorde" et se termine par "Pour bien vivre le Jubilé". Tout au long des autres chapitres le Pape dialogue avec Andrea Tornielli, avec qui il s'est entretenu pendant quatre heures l'été dernier. Ce dernier lui a posé une quarantaine de questions dont le fil conducteur est la divine miséricorde, "la carte d'identité Dieu", selon la formule du Pape.
(...)

Je n'ai pas l'intention d'acheter ce livre: le fait qu'il ait été traduit dans les principales langues, et qu'il paraisse le même jour dans le monde entier (j'en ai trouvé hier des piles à la FNAC, sous la pancarte "le choix du libraire", et pourtant, la FNAC n'est pas réputée pour être une enseigne cathophile.... c'est le moins que l'on puisse dire!) laisse penser qu'il s'agit d'une campagne planétaire de promotion de la personne de Jorge Mario Bergoglio - et certes pas de l'Eglise, sinon il serait publié sous le manteau! - et peut-être aussi d'une tentative de désamorcer les critiques et de ranimer une flamme en train de s'éteindre; Andrea Tornielli (qui se prend sans doute pour Vittorio Messori, ou Peter Seewald... mais l'interlocuteur n'a pas la même envergure!) n'est pas par hasard l'instrument de cette promotion.
Tout le monde n'est pas dupe, cependant. Et l'invitation de l'acteur Benigni apparaîtra aux moins naïfs comme une grosse ficelle de comm' imaginée par les gourous du Vatican, pour relancer une papamania déclinante et "booster" un jubilé de la miséricorde languissant.

On trouvera des photos du show benignien sur le site d'Yves Daoudal.

Et voici la réflexion de Paolo Deotto, le directeur du site Riscossa Cristiana:

Comme c'est chic d'avoir un cabotin et un détenu à la présentation du livre-entretien avec Bergoglio ...


Paolo Deotto
13 janvier 2016
www.riscossacristiana.it
(Ma traduction)



L'effondrement du bon goût, l'amour pour les «américanades», ne sont certes pas les problèmes les plus graves d'une Église à la dérive. Mais ils jouent leur rôle pour humilier l'Église et détruire la figure de l'Autorité. L'exemple de dignité qu'a donné le bandit Pietro Cavallero revient à l'esprit.

Je me rends compte qu'on peut m'objecter: «Mais comment donc, dans une Église où il est difficile de trouver quelqu'un qui professe encore la foi catholique, tu te scandalises pour ce qui s'est passé lors de la présentation d'un livre?».

Oui, je me scandalise, parce que le Pape est le vicaire du Christ. Il n'est pas un souverain absolu qui peut faire les choses à sa discrétion et réduire le rôle de Vicaire du Dieu incarné, du Sauveur, à une farce. Les modalités de déroulement de la présentation du livre-entretien d'Andrea Tornielli, «Le nom de Dieu est miséricorde» ont certainement eu le placet de Bergoglio, lequel, du reste, avait pris soin d'inviter personnellement Roberto Benigni, acteur comique, qu'on peut aimer ou pas, mais qui reste, toujours et seulement un acteur comique, par surcroît plutôt grossier. Un cabotin.

Et c'est ainsi que la présentation d'un livre-entretien avec le Pape régnant devient l'occasion d'un show dudit cabotin. Mais ce n'est pas tout, il faut aussi faire quelque chose qui prouve à quel point vous êtes bon et accueillant. Et le coup de maître est la présence, rien de moins, d'un détenu de la prison de Padoue, il signore Zhang Agostino Jiangquing qui, s'il est derrière les barreaux depuis dix ans (voir ici l'article du Mattino di Padova), doit avoir fait quelque chose de légèrement plus grave qu'une infraction de stationnement.

Le détenu en question, selon ce qu'on peut lire, s'est converti, et en prison, il travaille, et il a une bonne conduite. Nous en sommes heureux pour lui et nous lui souhaitons, quand il aura payé sa dette avec la loi, de pouvoir se refaire une vie d'homme libre. Mais en attendant, il aurait le droit de ne pas devenir une «star», de ne pas être utilisé comme 'dépliant' (en français dans le texte) publicitaire pour le supermarché de la «miséricorde» au prix de lancement. Il aurait le droit, surtout, de pouvoir parcourir dans la paix et le silence un chemin de rédemption.

Mais malheureusement la vulgarité, le goût des «américanades», sont entrés désormais aussi dans les Murs Sacrés. Le spectacle du cabotin (qui s'est même improvisé catéchiste, d'ailleurs l'invitation lui est venu d'en-haut ...) et l'exhibition du détenu racheté sont "bénis" par la présence souriante du secrétaire d'Etat, le cardinal Parolin.

Et tout est réduit à une farce. Je sais, je le répète, que le problème le plus tragiquement actuel de l'Eglise est le manque de foi et la lutte féroce qu'à l'intérieur, ils sont nombreux à mener contre Notre Seigneur Jésus-Christ. Nous vivons les années du diable. Je l'ai écrit récemment et je le répète ici. Mais cet avachissement - pardon pour le terme, mais je n'en trouve pas de plus approprié - est lui aussi un bon service au diable, parce que l'Église est le Corps mystique du Christ, pas un théâtre pour des représentations d'un goût douteux. Et de cette dernière farce, c'est l'Eglise qui sort humiliée.

Nous nous scandalisons quand dans de nombreuses paroisses, nous voyons la messe réduite à un show, avec applaudissements, «prières des fidèles» démentes, improvisations de prêtres exhibitionnistes. Mais avec l'exemple, qui vient d'en-haut (façon de parler ...), que peut-il arriver dans les diocèses et progressivement dans les paroisses? Pourquoi a-t-on jeté au panier cette austérité, ce sérieux, qui autrefois marquaient non seulement la liturgie, mais aussi le comportement du clergé et chaque manifestation qui se produisait dans le domaine religieux?

La réponse est malheureusement tragiquement simple: parce qu'on a perdu la foi.

Et ainsi, le spectacle de présentation du livre-entretien est pour nous un rappel à la prière constante, au Rosaire quotidien, pour que le Seigneur veuille à nouveaux nous donner de vrais pasteurs et pour que de nombreux pasteurs qui l'ont perdue derrière la recherche effrénée de l'applaudissemnt du monde, retrouvent la foi

Permettez-moi, pour terminer, de rappeler un nom qui ne dit peut-être rien aux jeunes: Peter Cavallero. C'était le chef d'un gang féroce de braqueurs de banques qui terminèrent leur triste parcours le 25 Septembre 1967 à Milan. Après un hold up, talonnés par les voitures de Police, ils tuèrent quatre personnes, tirant au hasard sur des passants pour forcer la police à s'arrêter. Il y eut des dizaines de blessés. Le groupe avait déjà dans le passé commis un autre meurtre lors d'un précédent hol-up.

Peter Cavallero passa 27 ans en prison. Durant cette longue période, il se repentit et se convertit. Quand il sortit de prison, il se limita à dire à la presse qu'il demandait pardon pour le mal qu'il avait fait, et qu'il se rendait compte que de toute façon, le mal fait ne s'efface pas. Il est mort en 1997. Il refusa toute forme de publicité et d'interview.

Nous conseillerions au signore Zhang Agostino Jiangquing de ne pas se laisser utiliser par les vendeurs de miséricorde, et de prendre exemple sur l'ex-bandit Cavallero, assassin et voleur repenti et silencieux.


Paolo Deotto conclut en citant un bref article paru sur le site "Italia Oggi":

Un livre de consommation sur le Pape
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Le livre ne mérite pas l'attention. Non pas pour les quelques références théologiques au thème de la miséricorde, qui sont, en l'occurrence, traditionnelles et évidentes, mais pour la ritournelle mièvre des exemples concrets: ma petite-fille a épousé un divorcé, mais ils sont bons chrétiens, ses filles travaillent à la paroisse; une dame argentine voulait l'annulation, mais elle n'avait pas les milliers de dollars nécessaires; ces confesseurs maniaques qui demandent aux filles «la nuit, où gardez-vous les mains?»; la prostituée qui a remercié la Vierge parce qu'elle avait trouvé un mari; récits d'expériences qui servent à répéter les clichés du nouveau pontificat: aimer les gays, accueillir les pécheurs, mais rejeter les corrompus (lire: les riches), «ma grand-mère les appelait santarellini (1)»
Pour lire, il faut beaucoup de miséricorde. Le tout avec un ton très similaire aux discussions en roue libre avec des journalistes, en avion. La structure donnée par Tornielli est assez ténue et pas très vivante. Messori était bien plus incisif dans les entretiens avec Ratzinger (1985) et Jean-Paul II (1994).

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NDT:
(1) Expression bergoglienne semble-t-il récurrente que je ne sais pas traduire. Peut-être, dans le contexte, "sainte-nitouche"?