Une révolution dans l'Eglise.


"Sa Suffisance" Kasper, théologien du Pape. "Menteur et raciste" (Fr Ray Blake)

C'est ainsi que le cardinal Kaspers'exprime, à propos de l'exhortation apostolique post-synodale désormais attendue avec fébrilité. Mais c'est un peu facile d'en faire le bouc-émissaire... La chronique d'Antonio Socci (21/3/2016)

>>> Voir aussi: Exhortation: la bataille des interprétations

 

Un lecteur m'écrit:

« L'astuce de François est d'avoir introduit l'idée d'"intégration". Selon les lieux, selon les évêques, cette notion sera plus ou moins poussée, permettant l'accès à la communion, après un éventuel discernement. De cette façon, dans dix ans, l'accès à la communion se fera partout sans qu'aucun Pape ne l'ait décidé. Si c'est pour que les divorcés remariés distribuent des feuilles, animent les chants , participent à la CARITAS, on ne voit pas en quoi cela efface 1700 ans des usages de l'Eglise, comme le dit Kasper. C'est une chose qui se fait partout. Il n'est pas vrai que l'"intégration" ne recouvre qu'une participation à la vie de la paroisse. François a l'habitude d'avancer à petits pas tout en rendant les choses irréversibles. »

Antonio Socci, qui n'a rien perdu de sa combattivité, développe la même idée dans sa chronique dominicale sur Libero.

Le pape qui veut se mettre à la place de Dieu



www.antoniosocci.com
20 mars 2016
(Ma traduction)

Socci a "détourné" Michel-Ange, pour illustrer son article

L'Exhortation post-synodale, que vient de signer le pape Bergoglio (mais qui n'est pas encore rendue publique), sera donc une révolution dans l'Eglise? Une "nouvelle Eglise" sera-t-elle ainsi fondée, basée sur le verbe 'catho-progressiste' du pape Bergoglio et de Walter Kasper, plutôt que sur l'Evangile du Christ?
En fait, en ce moment, le cardinal Kasper, le grand adversaire de Joseph Ratzinger, annonce une véritable "révolution".

Kasper est celui que Bergoglio utilisa en Février 2014, au Consistoire, pour lancer la "bombe" de la communion pour les divorcés remariés: non pas que Bergoglio s'intéresse spécialement aux divorcés qui veulent communier, mais ceux-ci ont été utilisés comme une force de frappe pour opérer un tremblement de terre sur la doctrine catholique des sacrements.
Lundi dernier, lors d'une rencontre à Lucca, à la veille de la signature de l'Exhortation, Kasper était déjà incapable de se retenir: «Ce sera la première étape d'une réforme qui fera tourner la page à l'Église après 1700 ans».
Le texte de l'Exhortation sera rendu public à la mi-Avril, mais Kasper - qui le connaît - proclame déjà sa victoire: «Le document marquera le début de la plus grande révolution dans l'Église depuis 1500 ans».
Même "Vatican Insider" a titré sur le document en citant les paroles de Kasper: «Elle sera révolutionnaire» .
En fait - avec ses amis - Bergoglio aime 'faire la coquette' en disant «je suis un révolutionnaire» (comme l'a révélé Scalfari sur la Repubblica le 24 Décembre).

LA GRENOUILLE BOUILLIE (*)
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Cependant, si l'intention de Bergoglio de retouner (ribaltare) l'Eglise catholique est claire, il est tout aussi vrai qu'il sait qu'il doit agir avec ruse, et progressivement, afin de ne pas tomber dans le cas du "pape hérétique", qui est même prévu dans le droit canon, avec toutes les conséqences qui vont avec.
En effet, Bergoglio aime se présenter ainsi: «Je peux dire que je suis un peu fourbe, je sais me mouvoir». Et cela explique ce qu'on a lu hier, dans une autre anticipation sortie sur la "Repubblica" signée par Alberto Melloni.
De son article, nous apprenons - comme c'était du reste prévisible - que dans l'Exhortation, il n'y aura pas de changement formel de la doctrine, parce que le pape ne peut certes pas dire explicitement que l'Evangile et le Magistère bimillénaire de l'Église sur l'indissolubilité du mariage et sur l'accès à l'Eucharistie vont être mis au panier. Il se délégitimerait tout seul.
Alors que dit l'Exhortation, selon Melloni? On ferait tout passer sous la forme - en apparence inoffensive - de la pastorale et de la "pleine participation" des divorcés remariés à la vie de l'Eglise.
Melloni part de la thèse (imaginaire) que «presque tous les curés» donnent déjà la communion aux divorcés remariés, et donc qu'il s'agirait "seulement" de «légitimer une pratique sans la fonder théologiquement. Dans la 'miséricorde', justement».
En réalité, avec cette pratique - de fait - on légitimerait également une théologie non-catholique de l'Eucharistie, du mariage et de la confession sans le dire explicitement, et donc sans mettre noir sur blanc des affirmations hérétiques.
Selon Melloni, Bergoglio agirait «en faisant appel à la responsabilité des évêques, auxquels il restitue les pouvoirs effectifs».
Il l'a fait avec le Motu Proprio sur la "nullité matrimoniale". Peut-être le fera-t-il également en chargeant les évêques de légitimer l'accès à l'Eucharistie de certains divorcés remariés sans l'engagement de vivre "comme frère et soeur" qui était jusqu'à présent demandé par l'Église?
Ainsi, le pape Bergoglio déléguerait aux évêques l'autorisation (sans qu'ils en aient en réalité le pouvoir) de nouvelles pratiques sacramentelles qui de fait - tacitement - légitimerait en cascade les deuxièmes (ou même troisièmes) noces et renverserait les sacrements de l'Eucharistie et de la confession.
Et surtout, il dispenserait de l'observance des commandements, pouvoir que personne n'a sur terre.

APOSTASIE
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Tout cela pourrait très difficilement être accepté par l'Église. Tout d'abord, parce qu'il n'est absolument pas vrai qu'aujourd'hui, le fait que les divorcés remariés communient est normal: tout le monde sait que l'Ecriture Sainte (donc l'Eglise) ne l'admet pas, sinon dans le cas d'une cohabitation non matrimonials.
Les évêques qui dans le passé ont contrevenu l'ont fait en désobéissant gravement (et nous savons que le cardinal Bergoglio, à Buenos Aires était parmi eux).
En second lieu, il n'est pas possible de séparer doctrine et pratique, parce que si on légitime une pratiques opposée à celle catholique dans l'administration des sacrements, automatiquement on affirme une doctrine hétérodoxe.
Il est vrai que des théories étranges sur les sacrements ont déjà été formulées explicitement par Bergoglio, mais sans être formalisées dans les textes du magistère.
En Novembre, parler à l'église luthérienne de Rome, il a soutenu que sur l'Eucharistie les protestants et les catholiques ne sont divisés que par des «interprétations» différentes», ajoutant que toutefois «la vie est plus grande que les explications et interprétations» (déclassant ainsi le dogme catholique à une "opinion" équivalente à celle protestante) .
Puis, le 11 Février dernier, s'adressant au clergé romain, Bergoglio s'en est sorti avec une idée singulière du sacrement de la confession, selon laquelle même si quelqu'un ne confesse pas certains péchés, il doit être absous parce qu'«il a parlé avec le geste de venir» au confessionnal .
Bien sûr, la doctrine de l'Eglise dit le contraire .
Mais Bergoglio est allé plus loin et a dit que les confesseurs ne devraient pas non plus exiger "le propos" (l'intention) de ne plus pécher (comme le prescrit l'Église), parce que - selon lui - ici aussi, le geste d'aller au confessionnal serait suffisant.
Enfin, Bergoglio a ajouté un exemple qui fait penser justement au cas des divorcés remariés: «Et si une personne dit: "Je ne peux pas promettre cela", parce qu'elle est dans une situation irréversible, il y a un principe moral: "ad impossibilia nemo tenetur", personne n'est obligé de faire des choses impossibles».
Peut-être sont-ce là les "nouvelles confessions et absolutions signées Bergoglio, pour les divorcés remariés, mais comment peut-on penser que ce sont des sacrements valides?
La théorie morale de Bergoglio pour laquelle "ad impossibilia nemo tenetur" n'a rien de catholique et est explicitement condamnée par le Concile de Trente: «Si quelqu'un dit que même pour l'homme justifié et constitué en grâce, les commandements de Dieu sont impossibles à observer, qu'il soit anathèmisé!».

VICTOIRE DE KASPER SUR L'ÉGLISE
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Si la voie anticipée par Melloni est vraiment celle souscrite par Bergoglio, il s'agit exactement de la proposition du cardinal Kasper dans son rapport au Consistoire de Février 2014.
Sauf qu'au Consistoire la ligne de Kasper, qui avait le soutien enthousiaste de Bergoglio, a été rejetée par 75% des cardinaux. Et elle a à nouveau été rejetée par les deux synodes de 2014 et 2015.
Donc, le pape, à la barbe de la synodalité tant vantée (en paroles), aurait mis sa signature sur cette même théorie kaspérienne qui a été rejetée à trois reprises par les cardinaux et les évêques (en plus d'être rejetée par tout le magistère précédent et surtout par la Sainte Ecriture)?
Si un tel document sort, des scénarios dramatiques s'ouvriraient dans l'Église.
Justement ces jours-ci, un livre-entretien du cardinal Gérard Muller est sorti en Espagne, où le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi affirme qu'il est impossible de donner la communion aux divorcés remariés et cela «en raison du caractère de droit divin de l'indissolubilité du mariage».
A tort, on pense que le pape peut changer la vérité révélée, mais il n'est pas le maître, juste le serviteur.
Le Vénérable Pio Brunone Lanteri, qui était pourtant un grand défenseur de la papauté, disait ouvertement:

«On me dira que le Saint-Père peut tout ‘quodcumque solveris, quodcumque ligaveris etc..’, c'est vrai, mais il ne peut rien contre la constitution divine de l'Eglise; il est le vicaire de Dieu, mais il n'est pas Dieu, il ne peut pas détruire l'œuvre de Dieu».

Un autre grand homme d'Eglise, le cardinal Journet, affirmait, rappelant la doctrine de toujours:

«Quant à l'axiome "là où est le Pape, là est l'Eglise, il est valable quand le Pape se comporte comme Pape et chef de l'Eglise; dans le cas contraire, l'Eglise n'est pas en lui, ni lui dans l'Eglise».

 

NDT


(*) Explication ici (bas de la page): benoit-et-moi.fr/ete2010...