Benoît XVI, le "petit prince" de Georg Gänswein


Le secrétaire du Saint-Père était hier à Münich pour la présentation des "Dernières conversations". Et il capte, avec bonheur et une certaine poésie, la personnalité de Benoît XVI, qu'il compare au personnage créé par Saint-Exupéry. Compte-rendu d'Angela Ambrogetti (13/9/2016)


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Peter Seewald parle de Benoît XVI

[Le livre, qui n'est ni un traité de théologie, ni spécialement un manifeste pro-Bergoglio, est - je tiens à le repréciser - très beau et touchant dans la partie biographique. Il y a juste quelques pages que très sincèrement je préfère oublier...]



Gänswein: Benoît XVI me rappelle le Petit Prince


Angela Ambrogetti
www.acistampa.com
(Ma traduction)

Münich, 12 Septembre 2016

* * *

Une conversation cœur à cœur entre deux bavarois, certainement pas un «hard talk» dans lequel le journaliste met l'interviewé sur le gril. L'archevêque Georg Gänswein, préfet de la Maison pontificale, et secrétaire personnel du pape Benoît XVI, décrit en ces termes le livre «Dernières conversations» de Peter Seewald.

Dans la présentation officielle à la presse qui a eu lieu ce matin à Münich à la Literaturhaus, le Préfet a retracé les principaux passages des conversations qui sont aussi quelques-unes des étapes les plus importantes de la vie de Joseph Ratzinger.
Et des émotions que l'intervieweur a rapportées dans le livre en notant les sourires, les rires et les larmes de Benoît XVI.

Gänswein a aussi noté ses propres émotions, soulignant une fois encore que la seule raison de la démission est la faiblesse physique du pape émérite.

Un choix fait avec innocence et détermination, comme pendant la guerre, en mai 1945, quand le jeune Joseph décida: «Je dois rentrer à la maison». Et il le fit, risquant tout, et sauvant tout.

«Mais cela s'est bien passé, et non pas mal», dit Ratzinger, et Gänswein commente: «Je dois admettre qu'en lisant, j'ai été saisi d'une sorte d'expérience de déjà vu, qui toutefois, dans un sens opposé, a suscité en moi la question de savoir si, dans cette expérience décisive de sa jeunesse qui lui a sauvé la vie, il ne faut pas aussi chercher une clé secrète pour comprendre ce pas spectaculaire qu'il a accompli à la fin de sa vie quand, durant l'été 2012 - avec l'assurance d'un noctambule, surmontant mille obstacles et beaucoup de bonnes raisons - une seconde fois, simplement et tranquillement, il a décidé de rentrer à la maison».

L'archevêque souligne comment le livre rend évident le caractère de Benoît XVI, loin de toute tactique et de tout jeu politique et combien il est important pour lui d'être un professeur, même si pour certains cette caractéristique a été utilisée comme une arme contre lui.

«Dans un certain sens, explique Gänswein, ce livre opère de façon discrète, comme "en passant", la déconstruction finale de la vieille image de lui auprès de ses amis et de ses ennemis. Jamais il ne permet à l'intervieweur de le hisser sur un piédestal. Il s'oppose obstinément et se refuse à voir esquisser un monument à lui-même et sabote, amusé, aimablement, et chaque fois qu'il le peut, toute tentative de le canoniser de son vivant. Autrement dit - en termes historico-critiques - il se démyth(olog)ise constamment lui-même, même par rapport à Peter Seewald».

Un entretien où ressortent la simplicité et l'innocence avec laquelle «le même homme d'Eglise tellement érudit, plus d'une fois, avec ses réponses, semble un enfant innocent, mystérieux et insondable, qui a longtemps été assis sur le trône de Pierre; un enfant de l'Esprit Saint qui, au milieu d'analyses brillantes, raconte avec un grand naturel combien il aimait jouer «au jeu de dada, et des choses du même genre» ; tout en ayant eu pendant une longue période «besoin d'un esprit fort, pour digérer toute cette saleté» qui, par exemple, lui passa sous ses yeux quand il était à la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Un grand enfant de Dieu, qui avec une douceur désarmante, comme saint Augustin, aspire avec passion à atteindre enfin ce "toujours" dont il est dit dans le Psaume 105: «Cherchez toujours son visage»; un enfant qui veulent encore rentrer à la maison, «là où ce sera de nouveau aussi bien que c'était chez nous à la maison quand nous étions enfants»

Mais il se révèle aussi ici comme un homme profond et doucement souriant d'une époque lointaine, de «temps presque préhistoriques», comme il l'a dit un jour sur un ton à demi ironique. En dépit de son intelligence et de sa culture exceptionnelle et très lucide, ici, il ne ressemble pas, même de loin, à cet arrogant épris de pouvoir, ce terrible et redoutable inquisiteur comme il a souvent été vu et décrit par ses «non-amis».

«Personnellement - conclut l'archevêque et secrétaire de Benoît XVI - je dois admettre que la lecture de ces conversations a plus d'une fois éveillé en moi l'image audacieuse du 'Petit Prince' d'Antoine de Saint-Exupéry - si je peux me permettre de l'emprunter au pilote et poète du ciel français; et pourtant, ce faisant, je dois moi-même sourire: un petit prince papal en chaussures rouges (les chaussures du pêcheur!) tombé, pour notre temps, d'une étoile lointaine comme un messager du ciel; bien que, par une familiarité étroite, je sache peut-être mieux que quiconque qu'on n'épuise dans cette figure poétique, ni Aloisus Joseph Ratzinger, ni Benoît XVI».