Bunte : rencontre avec le Pape émérite.


le 18 mars. La photo publiée dans le magazine allemand avait été le meilleur antidote aux rumeurs sur sa santé… (30/3/2015)

Voir aussi:
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Le feuilleton de la santé de Benoît XVI
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La (fausse) rumeur sur la santé de Benoît




Il ne s’agit pas vraiment d’une interview, comme cela avait été annoncé (cf. Vingt et un ans avec Benoît XVI). Et on peut évidemment, comme Carlota, qui a traduit le reportage, émettre des réserves sur le principe de la rencontre, le type de magazine (un hebdomadaire people du groupe d'Hubert Burda), la nature des questions, le portrait vaguement condescendant envers le grand âge du Pape émérite qui en émerge, etc. Je partage moi-même un peu de ces réserves.
Mais on peut aussi penser que l’article, bien que banal et gauchement formulé (ne pas oublier qu'il s'adresse à un large public de "non-initiés), est bienveillant, voire affectueux, et que le Saint-Père est heureux d'avoir des nouvelles d'Allemagne, et de savoir qu’il est aimé aussi dans sa patrie.
Et les gens qui l'aiment et sont anxieux d’avoir de ses nouvelles ne bouderont pas leur plaisir.

Carlota
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Voici ma traduction en français depuis l’espagnol, d’un texte lui-même traduit de l’allemand, donc avec les réserves d’usage.

Comme on peut s’y attendre dans un magazine version « Gala » d’outre-Rhin, le texte n’est pas vraiment lumineux, et même s’il semble long, l’intervention du Pape émérite se réduit à très peu de chose.
Mais pour moi, le Pape, même émérite, et même « petit vieillard qui marche avec un déambulateur », c’est avant tout cet IMMENSE SERVITEUR que le Bon Dieu a bien voulu nous donner, d’abord comme indispensable adjoint de Jean-Paul II puis comme successeur de Pierre.

Texte en espagnol et original en allemand ici: www.benedictogaenswein.com.

Rencontre de journalistes de la revue allemande “Bunte” avec le Pape émérite Benoît XVI

Jardins du Vatican, le 18 mars 2016

NOTRE PAPE SOUHAITE DE JOYEUSES PÂQUES AUX ALLEMANDS

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Une rencontre avec notre vieux Pape allemand est rare et quelque chose de très spécial. BUNTE a parlé avec lui derrière les murs du Vatican et il envoie chez lui la bénédiction de Pâques…

À gauche, à côté de la grotte de Lourdes, au milieu des jardins du Vatican, est garé la petite Papamobile Blanche du Pape émérite. En outre, un policier en uniforme bleu surveille. Benoît se promène deux fois par jour, après le déjeuner sur la terrasse du monastère et à la fin de l’après-midi dans les jardins, accompagné de son secrétaire privé, l’archevêque Georg Gänswein.

Vendredi, 16h25, dans une semaine c’est Pâques. Je suis en train d’attendre notre Pape allemand et je suis nerveuse, bien que j’ai accompagné différentes fois Benoît XVI lors de ses voyages à l’étranger et que même une fois je lui ai serré la main. J’ai sur le rebord de la fenêtre de mon bureau une photo, où je suis à côté de lui.
Le 28 février 2013, le premier Pape allemand depuis 1523 (Adrien VI), renonçait volontairement à sa charge. À ce moment-là il a dit qu’il voulait se consacrer à la prière et à la méditation et laisser l’Église catholique aux mains de son successeur. «Et à cela, le Pape Benoît se tient fermement » a dit Mgr Gänswein à BUNTE, lors de la promenade avec son patron. « Il n’est jamais sorti du Vatican depuis la renonciation. À l’exception de quelques jours de vacances à 25 km, à Castel Gandolfo, qui appartient aussi au Vatican. Il se sent bien dans son monastère. Maintenant c’est sa maison».
Comment va-t-il? Est-il encore en forme? Toutes ces questions me passaient par la tête alors que j’attendais. « Demandez-lui ce que vous voulez et soyez comme d’habitude » me conseille l’archevêque Gänswein. « Parlez un peu plus fort, le Pape entend moins bien depuis quelque temps».

Le Pape émérite Benoît XVI a été vu récemment à l’ouverture de l’Année Sainte, le 8 décembre 2015. Immédiatement après François, il a été le second à passer la Porte Sainte de Saint-Pierre.
À la main droite, sa canne, sa main gauche appuyée sur son secrétaire privé. « Benoît est mentalement lucide (ndt: il aurait fallu éventuellement dire «il est d’une lucidité incroyable» !!!), il continue à s’intéresser à tout, il participe à la vie de l’Église et du monde. Sa journée est strictement organisée. Mâtines, Bréviaire, petit déjeuner, lecture, correspondance. En plus, il y a une longue liste de demandes de visite, mais tout ne peut pas être réalisé ».
Mgr Gänswein ajoute : « Il lui est de plus en plus difficile de marcher. La force des jambes diminue. Il n’est pas malade, il ne souffre de rien en particulier. C’est seulement la vieillesse. Il utilise régulièrement un déambulateur. Cela lui donne de la sécurité et il peut s’accrocher à lui».

Et il arrive. À petits pas hésitants, appuyé sur son déambulateur, le Pape Benoît vient vers moi. À ses côtés l’Archevêque Georg Gänswein, tous les deux récitant le Rosaire. Une image intime, elle me fait sourire. Le Pape Benoît, qui même après sa renonciation est appelé «Saint Père», porte une simple soutane blanche, une veste blanche et sur la tête une casquette blanche. L’Archevêque porte le même vêtement, à la seule différence que tout est en noir.
Ils sont à quelque dix pas devant moi. L’archevêque enlève la casquette du vieux Pape et pousse le déambulateur sur le côté. Peu à peu, avec les bras ouverts et un sourire accueillant et ouvert, le Pape Benoît vient vers moi. « Oui, Bienvenue .. C'est bien que vous soyez ici!».
Plus petit que je me le rappelais, légèrement courbé vers l’avant et un peu plus frêle. Mais ses yeux sont lumineux, son visage plus plein qu’auparavant et ses joues rosies par l’air frais. Il prend mes mains dans les siennes, comme il l’a toujours fait en tant que Pape. Il a les mains douces et chaudes.

Le lendemain c’est sa fête, la Saint-Joseph. Je lui ai apporté des chocolats de Munich. Cela lui fait plaisir. «Ah, celui-là. Sans alcool, c’est bon!». Nous parlons de sa Bavière natale et de Munich, de l’Église Sainte-Anne, du Lehel (ndt quartier où se trouve cette église et des bâtiments conventuels célèbres de la ville, voir ICI). Je lui demande s’il regrette sa patrie et s’il veut y revenir, ne serait-ce qu’une seule fois. Il hoche la tête, met la main sur son cœur : «Je vais souvent en Bavière. Par l’esprit et par le cœur».
Il avait promis de rester au Vatican et de vivre comme un moine. Il veut que cela reste ainsi. Il me demande où je suis née. Quand je lui dis près de Francfort, il fait l’éloge de Johann Wolfgang von Goethe. «Goethe ne reconnaîtrait pas sa ville aujourd’hui. Beaucoup d’édifices de grande hauteur et des banques ».

Je lui demande la bénédiction de Pâques pour les fidèles d’Allemagne. De nouveau il prend mes mains dans les siennes et dit : « Je souhaite la paix et qu’en Allemagne soit trouvée une solution aux problèmes avec les réfugiés ».
Et il rit : «Nobert Blüm m’a étonné. À 80 ans, il va dans un camp de réfugiés en Grèce et il dort sous une tente ». Benoît fait l’éloge de Blüm, il dit qu’au début des années 60 il a connu sa future épouse lors d’une de ses conférences théologiques, quand le Pape Benoît était le professeur Joseph Ratzinger. « Et le couple tient encore aujourd’hui. Ce n'est pas étonnant, sachant qu’ils se sont connus lors d’une conférence de théologie», dit-il.

Le Pape émérite garde un esprit ouvert et lucide. Il est bien informé de la situation politique. Au moment du départ, il souhaite aux Allemands des « Pâques heureuses et bénies ».
Puis l’Archevêque l’amène au petit véhicule électrique à toit ouvert. Benoît s’assied à côté du conducteur, Gänswein sur le siège arrière. On entend quelques minutes, le bruit du véhicule qui se dirige vers le monastère, son foyer.

«Le Pape n’a pas n’a pas regretté sa décision de renoncer » avait dit Gänswein au BUNTE deux heures avant. « Il est convaincu qu’il avait entièrement raison de renoncer à la papauté. Devant le Seigneur et sa conscience il a fait exactement ce qui est juste. Il est en paix avec lui-même».

Quiconque rencontre le Pape émérite a l’intuition qu'il est heureux et se trouve complètement en paix avec lui-même. Je suis très reconnaissante de cette rencontre particulière avec « mon » Pape. Joyeuses Pâques !

TANJA MAY (rédactrice adjointe en chef du BUNTE, à gauche sur la photo)