Le feuilleton de la santé de Benoît XVI


Une phrase malheureuse de Georg Gänswein sur "la chandelle qui s'éteint" le relance, déchaînant la malveillance des médias du monde entier. Petit historique des rumeurs (25/3/2016, ajouts ultérieurs)

L'a-t-il vraiment prononcée, ou est-ce une enjolivure journalistique? Si c'est la première alternative qui est la bonne, force est d'admettre qu'il a perdu une bonne occasion de se taire.

>>> L'interview de Georg Ganswein: Vingt et un ans avec Benoît XVI

>>> Photo ci-contre: Zenit.

 


L'entretien du Pape émérite avec un théologien jésuite belge récemment publié dans l'Avvenire a été royalement boycotté par les grands médias, puis frileusement et tardivement relayé (quand il n'a pas été ignoré!) par les sites catholiques, en particulier en France (cf. L'interview censurée).
Rien de tel, pour un ragot viral qui s'est propagé à l'échelle planétaire et à la vitesse de la fibre optique via les réseaux sociaux. Il a suffi d'une phrase TRÈS malheureuse qu'aurait prononcée le secrétaire du Saint-Père dans une interview (Vingt et un ans avec Benoît XVI) à vrai dire sans autre intérêt que celui de nous parler de Benoît XVI, concédée à une banale revue de "fitness" appartenant au même groupe de presse que Famiglia Cristiana (selon ce que m'apprend Teresa), où il était censé illustrer par sa propre vie le secret d'un bon équilibre psychique et physique.
Georg Gänswein aurait dit en effet:
«En Avril, le Pape Benoît XVI aura 89 ans: il est comme une bougie qui, lentement et sereinement, s'éteint comme cela arrive à beaucoup d' entre nous. Il est serein, en paix avec Dieu, avec lui-même et le monde. »

Immédiatement, on a vu fleurir un peu partout sur Internet des titres alléchants, tous tournant autour de la métaphore de la chandelle, ou la bougie, certains laissant même supposer que le Saint-Père est mourant. Les "réseaux sociaux" ont bien sûr été un relais puissant, certains frisant même le délire (cf. ICI)




Une première chose, à propos de la métaphore en question, et que je soulignais dès hier, c'est qu'il est étonnant qu'elle soit reprise par le secrétaire du Pape, alors qu'il s'agit à l'évidence d'une forgerie de journaliste, qui a déjà servi. Par exemple, en février 2013, Marco Tosatti avait écrit sur Vatican Insider (et non sur son blog personnel, <San Pietro e dintorni>, il convient de le souligner) un article où il recensait tous les signes d'épuisement physique qui pouvaient expliquer la décision du Pape. Je crois savoir que pour ce genre d'articles, ce ne sont en général pas les auteurs qui choissent les titres, mais des professionnels affectés à cette tâche - dans le but d'appâter le lecteur, évidemment.
Or, voici le titre qui avait été choisi alors:


LA BOUGIE QUI S'ÉTEINT: La décision du Pape Ratzinger imprévue, mais jusqu'à un certain point. Les nombreux signes prémonitoires



Aujourd'hui, nous pouvons dire avec soulagement rétrospectif: cela fait déjà trois ans qu'elle s'éteint...
Le secrétaire de Benoît XVI s'est-il souvenu de ce titre?

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RUMEURS SUR LA SANTÉ DE BENOÎT XVI: PETIT HISTORIQUE
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On peut dire que les méchantes rumeurs sur la santé de Benoît XVI l'ont poursuivi pendant tout son pontificat.

1. Elles ont commencé dès les premiers jours, en particulier en France à travers les "indiscrétions" (en général dénuées de tout fondement) distillées sur Paris-Match par Caroline Pigozzi, aujourd'hui touchée par la grâce d'une conversion aussi miraculeuse qu'inattendue... grâce à un autre Pape (voir beatriceweb.eu/archives2006).

2. En mai 2008, après le voyage triomphal de Benoît XVI aux Etats-Unis, le correspondant au Vatican du Figaro de l'époque, un nommé Hervé Yannou, avait gravement dérapé: évoquant la "grande" fatigue du Pape, il avait été jusqu'à parler de sa "mort prochaine" (dossier ici: benoit-et-moi.fr/USA). Face au tollé suscité parmi les lecteurs du Figaro, cela lui avait du reste coûté son poste.

3. En octobre 2011, nouvel épisode. J'écrivais ici-même (benoit-et-moi.fr/2011-III):
«Le milieu des vaticanistes italiens bruit avec insistance de rumeurs déplacées sur l'utilisation de l'estrade mobile, lors de la messe de clôture du Congrès pour la nouvelle évangélisation».

4. Les Vatileaks ont commencé avec des rumeurs sur la mort prochaine de Benoît XVI (dans un attentat, ou de maladie) et madame Chaouqui, à laquelle François a accordé sa confiance au début de son pontificat, mais qui est actuellement en délicatesse avec la justice vaticane, avait "dévoilé" sur son compte Twitter que "le Pape [avait] une leucémie". Et le fait que le Pape ait passé ses dernières "vacances" à Castelgandolfo, plutôt que dans le Tyrol, les Dolomites ou le val d'Aoste comme les années précédentes, avait alimenté de nombreuses conjectures faussement "inquiètes" mais vraiment malveillantes.

Tout cela a culminé, évidemment, avec la renonciation en février 2013. Pour ne pas qu'on m'accuse de céder aux facilités de la théorie du complot, je me contenterai de remarquer que si certains journalistes ont relayé ces rumeurs en toute "bonne foi", càd par pur "suivisme", pour ne pas parler d'idiotie, d'autres avaient une idée derrière la tête, ou si l'on veut, pour parler comme Andrea Gagliarducci, poursuivaient leur propre agenda, et on peut dire qu'ils sont parvenus à leurs fins (que ce soit ou non une coïncidence) le 13 février 2013.

5. Immédiatement après l'annonce, les rumeurs repartaient de plus belle, avec les révélations-bidon d'une vaticaniste espagnole, Paloma Goméz Borrero nous informant que Benoît XVI n'en avait plus pour très longtemps, qu'il souffrait d'épuisement sans parler de graves pathologies - au point que le P. Lombardi avait dû se fendre d'un démenti (cf. benoit-et-moi.fr/2013-II/articles/la-sante-du-pape-emerite)


L'OBSSESSION DES JOURNALISTES
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Après le retrait de Benoît XVI à Mater Ecclesiae, les rumeurs se sont un peu calmées, mais pas tout à fait. Régulièrement, une interview d'un visiteur, ou de son secrétaire, vient nous informer que le Pape émérite est "encore très lucide" (!!!) comme si l'on s'attendait à ce que, vu son âge, il soit frappé de sénilité, et qu'on veuille nous rappeler que de toute façon, la fin est proche. D'ailleurs, dans une interview à la télévision italienne en avril 2015, répondant à une question explicite d'un journaliste (ils sont décidément obsédés) Georg Gänswein disait déjà qu'il "pensait à la mort et à la rencontre décisive avec Dieu", expliquant que, pour un homme de cet âge, et d'une telle spiritualité, cette pensée ne peut surprendre personne (cf. benoit-et-moi.fr/2015-I/actualite/don-georg-a-la-television-italienne).

Celle sur la "bougie qui s'éteint" n'est que la dernière rumeur en date... Serait-elle motivée par le fait que le Pape Benoît en dérange plus d'un, parce que sa présence "silencieuse et orante" met d'une certaine façon les bâtons dans les roues à son successeur?


NOUS NE CONNAISSONS NI LE JOUR NI L'HEURE
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Nous espérons, paradoxalement, que ces rumeurs persisteront encore longtemps ("a Dio piacendo", comme avait l'habitude de dire Benoît XVI)!

En attendant, la "chandelle qui s'éteint" brille encore d'une belle et douce lumière.
En témoigne cette photo très récente parue sur le magazine allemand Bunte, qui consacre cette semaine un article de plusieurs pages à "notre Pape" (sic!) et... à Georg Gänswein (je l'ai acheté pour la photo, mais comme je ne lis pas l'allemand, je ne sais pas ce qu'il contient...), et qui le représente dans les jardins du Vatican avec l'auteur du reportage.



Ad multos annos, Saint-Père! Si Dieu le veut.