Lisez Benoît XVI sans préjugés


C'est l'invitation d'Elisabeth Scalia aux réticents, dans ce très bel article sur le site Aleteia en langue anglaise. Et les "dernières conversations" sont une excellente opportunité (21/11/2016)

A priori, ce n'est donc pas à la majorité de mes lecteurs que s'adresse cette injonction... mais l'argumentation peut servir pour convaincre celles parmi leurs connaissances qui persisteraient à nourrir des préjugés....



Vous n'avez pas lu Benoît? Oh, donnez-lui une chance!


Elisabeth Scaglia
aleteia.org
19 novembre 2016
Ma traduction

* * *

Si vous avez été réticent à lire Papa Ratzinger, faites ainsi un acte final de miséricorde en cette année de jubilé. Vous ne serez pas déçu.


Il y a environ un an, je me suis retrouvée au milieu d'un de ces imbroglios des réseaux sociaux dont nous devrions tous savoir qu'il vaut mieux ne pas y prendre part. Un supposé "fan" du pape Benoit lui avait attribué un sentiment qui, à la lumière de ce que je sais de Papa Ratzinger, n'a pas de sens pour moi. J'ai interrogé cette entité anonyme plutôt grincheuse à ce sujet, et il s'en est suivie une très étrange conversation: plus je je citais Benoît à cette personne, plus il, ou elle, devenait furieux(se) contre moi.

C'est la tendresse de Benoît qui semblait mettre cette personne hors d'elle.

"Tendresse" est un mot qui est utilisé avec une certaine fréquence par son successeur, le pape François; ce n'est pas un mot que les gens associent à Benoît. Pour les ignorants, les perpétuellement hargneux, Papa Ratzinger est seulement une caricature - «le rottweiler de Dieu». Pour d'autres, il est un rigide gardien des règles, ce qui est juste une autre sorte de caricature.

Ce que Benoît était, et est, c'est un amoureux du Christ; avant toute autre autre, il est entièrement au Christ. Aller au fond de Benoît, c'est commencer à se noyer dans un amour qui est d'une certaine manière exaspérant, parce qu'il nous attire sans relâche loin de nos propres préoccupations pour quelque chose de plus profond et de meilleur; quelque chose qui fait vraiment de nous les enfants royaux d'un Roi Révolutionnaire.

Ce qui a achevé le contretemps des réseaux sociaux, c'est quand j'ai rappelé au grincheux l'exhortation de Benoît dont chacun devrait entendre les mots: «Il est bon que tu existes» (*).

Il est intéressant de noter qu'à ce point, quelqu'un d'autre - un témoin de cette cyber-mêlée - qui, lisant à travers le désordre des échanges, a vu ces mots «Il est bon que tu existes» et, supposant qu'ils appartenaient à François, a fait remarquer «très jésuitique!».

Cette personne, elle aussi, a été frappée d'apprendre que les mots venaient de Benoît.

Quelque temps plus tard, je donnai à l'une de mes amies un exemplaire de Co-Workers of the Truth: Meditations for Every Day of the Year. Elle aime les livres de "pensées quotidiennes", mais quand elle a vu qu'il était écrit par Ratzinger, elle a objecté: «Tu sais que je ne l'aime pas».

Oui, je le savais. «Mais tu ne l'as jamais lu» ai-je dit. Lui rappelant qu'elle est quelqu'un d'honnête, je l'ai pressée de donner une chance au livre.

Et puis un jour, elle m'a appelée, en larmes. «C'est beau!» dit-elle. «Je n'en avais aucune idée!».

A ce qu'il semble, une dose quotidienne de Benoît avait commencé à la réchauffer, mais c'est l'extrait du mardi 18 Février qui avait suscité son coup de fil:

La somme d'une vie humaine ne trouve pas d'équilibre si nous omettons Dieu; dans ce cas, seules les contradictions demeurent. Il ne suffit pas, alors, de croire en quelque sorte théoriquement qu'il y a un Dieu; nous devons le considérer comme l'élément le plus important dans notre vie. Il doit être partout. Et notre relation fondamentale à lui doit être l'amour.
Souvent, cela peut être très difficile. Il peut arriver, par exemple, qu'un individu ait de nombreuses maladies ... que la pauvreté rende la vie difficile à une autre. Ou qu'un troisième perde les personnes de l'amour desquelles toute sa vie dépend ... Et il y a un grand danger que l'individu devienne aigri et dise: Dieu ne peut certainement pas être bon; s'il l'était, il ne me traiterait pas de cette façon.
Une telle révolte contre Dieu est très compréhensible; souvent, il semble presque impossible d'accepter la volonté de Dieu. Mais celui qui cède à cette rébellion empoisonne toute sa vie. Le poison de dire «Non», d'être en colère contre Dieu et contre le monde, corrode l'individu de l'intérieur.
Mais ce que Dieu nous demande est, en quelque sorte, une avance de confiance. Il nous dit: «Je sais, tu ne me comprends pas encore. Mais fais-moi confiance de toute façon, crois que je suis bon, et ose vivre de cette confiance». Il y a beaucoup de cas de saints et de grands hommes qui ont osé faire confiance et, en conséquence, trouvé pour eux-mêmes et pour les autres le vrai bonheur au milieu de la plus grande obscurité .

(dans Auf Christus schauen, en français "Regarder le Christ")


«On croirait que c'est du François! Cela ressemble à quelque chose qu'il aurait dit», m'a dit mon amie.

Eh bien, cela ressemble à Pierre, en réalité.

Cette semaine a vu la sortie aux Etats-unis de Benedict XVI: The Last Testament, qui est censé être la dernière interview qu'il donnera à Peter Seewald. Comme ses autres entretiens avec Seewald ont été phénoménaux, il me tarde de creuser et de voir ce que Papa Ratzi a à nous dire sur sa vie, ses joies et ses regrets, et quelles sont les dernières choses qu'il a à nous dire sur la vie de la foi.

Si vous avez été réticents à lire Benoît, pourquoi ne pas faire un acte final de miséricorde alors que l'Année de la Miséricorde tire à sa fin: donnez au Pape Émérite une opportunité de vous apprendre ce qu'il sait.
Je n'ai jamais connu quelqu'un qui l'a lu et a été déçu.

NDT


(*) Un passage de Joseph Ratzinger, cité dans un autre article de la même Elisabeth Scalia donne l'explication:

C'est seulement quand la vie a été acceptée et est perçue comme acceptée qu'elle devient également acceptable. L'homme est cette étrange créature qui a besoin non seulement de la naissance physique, mais aussi de l'appréciation s'il doit subsister. Si une personne doit s'accepter, quelqu'un doit lui dire: «Il est bon que tu existes» - et doit le dire, non pas avec des mots, mais avec cet acte de l'être tout entier que nous appelons l'amour.

(dans Principles of Catholic Theology, en français Les principes de la théologie catholique)