Une belle rencontre


Le 2 septembre dernier, à l'issue de la récitation du chapelet, Benoît XVI s'est entretenu familièrement avec un ex-collaborateur de la CDF (12/9/2016)

 

Don Flavio Peloso (né en 1952) fut collaborateur du cardinal Ratzinger à la CDF de 1987 à 1992, avant de devenir supérieur de l'Oeuvre de don Orione - charge pour laquelle son mandat vient tout juste d'expirer.

>>> Sur la visite du Saint-Père au au Centre Don Orione de Monte Mario, en juin 2010, et à propos de don Orione, voir ici: benoit-et-moi.fr/2010-II

Dans le récit de don Flavio, on découvre avec plaisir et émotion des anecdotes qui révèlent (ou plutôt rappellent, pour ceux qui le connaissent bien, c'est-à-dire loin des stéréotypes) une des facettes de la personnalité du Saint-Père, à côté de l'attention aux autres et de l'exquise humanité: l'humour!

Rencontre avec Benoît XVI, le 2 Septembre 2016


Don Flavio Peloso
www.messaggidonorione.it
Ma Traduction

* * *

Quinze minutes de conversation personnelle avec le pape Benoît XVI, sur un banc dans les jardins du Vatican, à l'issue de son chapelet.



J'ai pu rencontrer personnellement Benoît XVI, aujourd'hui 2 Septembre 2016.
A 19 heures, j'ai été accompagné en voiture par un garde suisse, en haut des jardins du Vatican, à la grotte de Lourdes. Le pape Benoît XVI était sur le point de finire le chapelet, récité en marchant, accompagné par le secrétaire Georg Gänswein. A un signe de Mgr Georg je me suis approché. Le pape Benoît m'a reçu avec un sourire et dans un geste amical, il a ouvert les bras. «Saint-Père, quelle joie de pouvoir vous revoir. Merci».

La rencontre a commencé. Quinze minutes en tête-à-tête, surtout à rappeler des personnes et des événements des 5 années passées ensemble à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Nous avons passé en revue, un par un, les collègues présents alors, les faits et les habitudes partagées. «Nous étions une belle famille, nous travaillions bien» a conclu le Saint-Père, satisfait.
Nous nous sommes arrêtés sur la coutume en usage qui prévoyait le 30 Avril, mémoire de saint Pie V, qui institua le Saint-Office, et fête de la Congrégation, la messe solennelle célébrée par le cardinal avec l'homélie de l'"officiale" le plus jeune, et le dernier entré dans le service. Une année, ce fut mon tour, vous pouvez imaginer avec quelle appréhension. À la fin, il s'est approché de moi pour dire des paroles sincères et discrètes de remerciement.

Une année, ce fut le tour d'un autre "officiale", aujourd'hui évêque, qui fit une homélie brillante. Après la messe, nous allâmes nous promener à Ostie et, pendant le déjeuner - ai-je rappelé le Pape Benoît - nous improvisâmes une "CP", c'est-à-dire une réunion extraordinaire du "Congrès Pariculier" - qui avait lieu tous les vendredis à la Congrégation -, au cours de laquelle fut fait l'examen doctrinal de cette homélie. On y trouva des tendances erronées qui motivèrent certaines mesures médicinales pour l'orateur: deux ans de service dans les favelas de Rio de Janeiro et la lecture de tous les livres de Leonardo Boff. Cette «plaisanterie de table» provoqua l'hilarité amusée du cardinal Ratzinger d'alors. Et de Benoît XVI ce soir-là.

J'ai trouvé le pape Benoît en forme, avec des cheveux très blancs, un peu longs et ondulés sur la tête, détendu, vif, très présent aux discours et aux souvenirs
Sachant que j'avais fini ma tâche de supérieur général, il m'a demandé: «Et maintenant, que faites-vous?». «Je suis curé de paroisse, à Monte Mario. Mais je vais continuer à étudier». Il s'est montré très content: «Comme c'est bien, vous aurez ainsi un contact plus direct avec les gens».

Monte Mario a donné l'occasion de rappeler sa visite en 2010 pour la bénédiction de la statue de la "Madonnina" (voir ici le discours prononcé par le Saint-Père à cette occsion, ndt). Il s'en souvenait parfaitement. De là, la mémoire est allée à la fête du pape, dans la Salle Paul VI, en juin 2006, à laquelle il était présent. «Oui, je me souviens bien de votre enthousiasme et de la joie, et des cris. Et continuez célébrer la fête du Pape». Je l'ai assuré que oui, un peu partout où nous sommes dans le monde. «C'est très bien, continuez».

De temps en temps, Mgr Georg intervenait aussi, le ton de la conversation était très cordial et spontané. Elle a duré environ 15 minutes et, comme il l'a dit Don Orione au jeune Silone, «j'aurais souhaité que cette entrevue ne finisse jamais».

Au moment de prendre congé, il y a eu un petit échange de cadeaux et j'ai demandé sa bénédiction. «Volontiers, volontiers. Benedicat te omnipotens Deus, Pater, et Filius, et Spiritus Sanctus».

J'ai souvent dit que je considère qu'il est la personne la plus grande pour la sagesse, la vertu et la sainteté, avec lesquelles il a fréquenté ma vie. J'étais sous le même toit de travail, au Palais du Saint-Office, siège de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, du 1er mars 1987 au 13 mai 1992, jour de mon élection comme Conseiller général de la Congrégation [Don Orione]. Le cardinal Joseph Ratzinger était préfet de la Congrégation vaticane, pas seulement le «chef» mais aussi la «lumière» et le «père» que tout le monde regardait avec respect et dévotion, heureux de le servir et, autant que possible, de l'imiter.

J'eus ensuite l'occasion de le rencontrer plus tard, quand il est devenu pape et a été offert à toute l'Eglise qui put enfin connaître directement, sa belle et sainte personnalité.

De lui, trois caractéristiques m'ont toujours impressionné et fasciné.
La première est sa grande intelligence dans la recherche de la vérité. C'est la caractéristique la plus remarquable de ce Saint-Père.
La seconde caractéristique est la grande liberté dans la poursuite du bien; je l'ai constaté dans les rapport de travail et les relations quotidiennes. Quand il s'agissait de poursuivre le bien, même avec sa réserve naturelle presque sa timidité, il ne se laissait pas conditionner, il n'hésitait pas, il n'avait ni craintes ni hésitations, il allait droit au vrai bien.
Troisième caractéristique excellente en lui, son humilité, la douceur dans les relations. Ce n'est que plus tard, devenu Pape, que tout le monde a pu admirer sa douceur qui signifie non seulement respect de l'autre, disponibilité dans la recherche, mais surtout confiance que le Seigneur réalise ses desseins et projets à travers l'écoute, le dialogue, l'aide mutuelle.

Il n'y avait chez le préfet Ratzinger aucune forme de protagonisme autocentrique ou d'exhibition d'un rôle, même avec ses collègues plus jeunes. Je me souviens qu'il ne manquait jamais la pause café, le vendredi, quand se tenait le «Congrès Particulier». Il aimait être avec nous, s'intéressait, commentait les événements, souriait, amusé, pour quelque facétie, approfondissait quelque évaluation.

Au Congrès Particulier de la congrégation, touts les semaines, chaque "officiale" faisait un rapport sur les questions et les problèmes qu'il avaient suivis et pour lesquels la décision des supérieurs était nécessaire. Je me souviens que le cardinal écoutait attentivement nos rapports. Il attendait notre avis avec beaucoup de respect, si quelqu'un s'abstenait, il lui demandait: «Mais vous, qu'en pensez-vous? Que verriez-vous?». Pour moi, ces vendredis à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi ont été une grande école dea vie, de doctrine et de méthodologie pour affronter les problèmes. Et le maître, c'était principalement lui, le cardinal Joseph Ratzinger ensuite Benoît XVI.

De temps en temps, une fois quittée la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, je passais saluer les supérieurs et les collègues et, in primis, le cardinal, qui était intéressé par ce que je faisais, et, invariablement, me demandait: «Vous continuez à étudier?».

Cher Pape Benoît. Chaque soir, la récitation du chapelet en marchant dans les Jardins du Vatican se termine par une pause, assis sur un banc d'où l'on voit au premier plan la basilique et la coupole de Saint-Pierre. Il s'assied là et regarde, regarde ... tournant ses yeux et tout son être vers cette Église du Christ, qu'il a tant servie et tant aimée.