Une biographie très opportune?


Elio Guerriero, l'auteur de “Servitore di Dio e dell’umanità – La biografia di Benedetto XVI”, a remis un exemplaire du livre à Benoît XVI. Récit, et interview par Aldo Maria Valli (24/9/2016)



Elio Guerriero remet au Pape émérite le livre “Servitore di Dio e dell’umanità – La biografia di Benedetto XVI” (à noter la photo de Joseph Ratziner à côté de JP II, sur le piano).
La présentation du livre aura lieu à Rome le 27 septembre avec le cardinal Parolin, le père Lombardi et le Professeur Riccardi

Je n'ai pas encore lu le livre, je me garderai donc de formuler un jugement, en attendant de (peut-être) le faire. Mais l'insistance pesante sur la 'transparence' qui entoure la démission, et sur les 'excellents rapports' du Pape émérite avec son successeur (idépendamment, donc, du contenu du livre, des belles choses que dit Guerriero sur Benoît XVI, et du plaisir que l'on a toujours à avoir des nouvelles du Pape émérite en bonne forme), comme s'il ne pouvait désormais se définir que par rapport à François, me met personnellement mal à l'aise, et ne peut pas ne pas faire penser à une opération de communication - au mieux!
Sans compter qu'à la présentation du livre, prévue mardi prochain, Mgr Gänswein, curieusement, n'est pas annoncé, alors qu'est prévue la présence d'Andrea Riccardi, le très libéral et très bergoglien fondateur de Sant'Egidio (qui a fait encore tout récemment parler de lui en tant qu'inpirateur et coordinateur de la rencontre d'Assise), qui s'impose décidément comme l'homme-clé pour (re)cadrer la figure de Benoît XVI dans la continuité avec son successeur (et non l'inverse): on se souvient en effet qu'il était déjà l'intervenant-vedette à la présentation du livre de Roberto Regoli "Oltre la crisi della chiesa", où Mgr Gänswein avait fait une déclaration explosive sur la nouvelle conception du munus pétrinien inaugurée avec la démission de Benoît XVI (cf. Le cadeau du Corriere à Benoît).

J'ai traduit ici l'interview de l'auteur par Aldo Maria Valli, et un récit de la rencontre sur le site <Faro di Roma>.

 

Elio Guerriero chez Benoît XVI.
Un vieux disciple et un splendide professeur


23 septembre 2016
www.farodiroma.it
Ma traduction

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«Et finalement, c'est arrivé. Il y a quelques jours, j'ai pris le train et j'ai apporté mon livre au pape Benoît. J'étais un peu effrayé, vraiment. J'apportais le volume au pape théologien. Un vieux disciple (moi) et un splendide professeur (lui)».
Voilà ce qu'écrit sur sa page Facebook Elio Guerriero, l'écrivain, théologien, ainsi que collaborateur d'Avvenire , qui il y a quelques semaines, a présenté "Serviteur de Dieu et de l' humanité. La biographie de Benoît XVI". A ses mots, chargés d'émotion, Guerriero choisit de joindre une photo de lui qui le représente assis à droite de Ratzinger qui, souriant, feuillette le livre qui contient la biographie qu'il a accepté de lire, répondant à de nombreuses demandes d'éclaicissement et offrant des suggestions précieuses.

«Au premier regard - raconte et partage l'auteur de la biographie sur le pape émérite, autorisée par Ratzinger lui-même - après être entré dans le salon-bibliothèque, j'ai immédiatement eu de bonnes sensations. Je lui tends le livre, il s'arrête pour regarder la couverture. Il hoche la tête, puis commente: "La couleur de fond me rappelle la Bavière". Et quiconque connaît son amour pour l'état libre de Bavière sait qu'il s'agit d'un compliment. Ensuite, il parcourt attentivement la table des matières, demande des explications sur les thèmes, me remercie avec conviction. Je réponds en disant que l'intérêt pour mon livre semble confirmer une perception assez répandue, que nous assistons à une "Ratzinger Renaissance".
Rien à voir avec ceux qui persistent à vouloir voir une opposition entre lui et son successeur - souligne Guerriero - et disent que ses déclarations sur François sont dictées par les circonstances. Une véritable absurdité. Le pape Benoît est plus que jamais libre et sincère. Ceux qui au contraire se souviennent de son enseignement et de sa personne avec un intérêt renouvelé ont à l'esprit son invitation à l'essentiel, ses écrits sur l'amour et la foi, ses appels à l'Europe que les dirigeants auraient été bien inspirés de suivre. Et même si son intérêt semble aujourd'hui dirigé ailleurs, vers le paradis, je pense qu'il est reconnaissant pour ce tribut à la vérité».

Depuis qu'il était un évêque, Joseph Ratzinger a toujours joué le rôle de serviteur de Dieu. Un rôle qu'il poursuit sans interruption, même dans le cours du magistère bergoglien, spirituellement lié à son prédécesseur sous le signe de la miséricorde. Elio Guerriero l'explique en motivant le choix du titre de son dernier livre qui s'ouvre avec une préface écrite par François et est complété par un entretien avec Benoît XVI (cf Une interview de Benoît XVI, 25/8).

Dans la préface, François décrit son prédécesseur, soulignant son courage et sa détermination; en effet, explique Guerriero, Ratzinger a toujours été une personne qui ne craint pas de prendre des positions impopulaires quand il est question d'agir pour le bien de l'Eglise. «Il l'a fait comme théologien, comme préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, comme pape. Je me souviens de l'interview accordée à Messori en 1985 -. dit-il à Avvenire - quand il a critiqué la théologie de la libération, s'attirant beaucoup d'impopularité. Alors que de nombreux théologiens disaient se réclamer, de façon très générique, de l'"esprit" de Vatican II, il a toujours fait référence aux "textes" du Concile. Il a pris exemple sur von Balthasar, qui n'a jamais eu peur de critiquer les positions théologiques dominantes. Plusieurs fois, comme pape, il a exhorté les évêques et les prêtres à être courageux, de ne pas être des médiateurs du consensus».

Benoît XVI. Serviteur de Dieu et de l'humanité


Aldo Maria Valli
23 septembre 2016
www.aldomariavalli.it
Ma traduction

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«Cette ample biographie de mon prédécesseur Benoît XVI est la bienvenue: elle fournit une lecture d'ensemble de sa vie et du développement de sa pensée, fiable et équilibré».

Voilà ce qu'écrit François dans sa préface au livre d'Elio Guerriero “Servitore di Dio e dell’umanità – La biografia di Benedetto XVI”, un ouvrage dans lequel l'auteur, théologien et historien, longtemps responsable éditorial des maisons d'édition Jaca Book et San Paolo, combinant les compétences du spécialiste à la capacité de vulgarisation et à l'admiration pour le pape émérite.


- Elio Guerriero, comment est né le livre, et quel est son objectif?

« J'ai rencontré le Cardinal Ratzinger la première fois en 1985. Je travaillais alors aux éditions San Paolo et j'étais chargé de suivre la traduction italienne de ses œuvres. Le travail exigeait que, de temps en temps, nous nous rencontrions, et ainsi en même temps que la connaissance des œuvres, la relation avec la personne croissait elle aussi. Et là, on pouvait voir la différence entre la personne et la représentation qui en était faite. Puis il y a eu l'élection en tant que pape, le pontificat divisé entre un magistère extraordinaire et les difficultés de gouvernement. Je crois qu'à la fin, l'impulsion décisive pour écrire ce livre m'est venue de la renonciation au ministère pétrinien. Je tenais à souligner qu'à l'origine, il y avait sa croyance que l'Eglise est guidée de façon appropriée par Jésus-Christ, lequel, comme c'est arrivé ensuite, choisirait encore, à travers son son Esprit, un pasteur en mesure d'indiquer la voie à suivre.

- Qu'ajoute de nouveau cette étude par rapport à ce que nous savons déjà sur la vie de Joseph Ratzinger et son pontificat?

« Avant tout, il y a plusieurs précisions sur les origines, qui soulignent l'importance de la pensée de saint Augustin et saint Bonaventure dans la formation de Ratzinger, dont est issue aussi sa contribution majeure à Vatican II, en particulier la Constitution sur la Révélation divine. Ensuite, il y a une synthèse de l'épiscopat de Münich, sur lequel avant cela on savait très peu de chose. Pour la longue période à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, j'ai mis en relief sa capacité à rappeler à l'unité et à promouvoir la foi, en particulier avec le Catéchisme de l'Église catholique. En ce qui concerne le pontificat, j'ai souligné l'importance que le pape Benoît a donné à l'appel universel à la sainteté dans l'Eglise, qui à l'époque, avait été considérée comme la grande nouveauté de Vatican II. Pour le pape émérite, les saints sont la meilleure explication de l'Evangile dans le temps. Enfin, j'ai souligné la proposition d'un nouvel humanisme pour le millénaire, qui est une voie possible pour sortir des difficultés que le monde doit affronter de nos jours.

- Benoît XVI passera à l'histoire pour sa démission: selon vous mérite-t-il de n'être rappelé que pour cela, ou aussi pour d'autres contributions qu'il a données à l'Eglise et à l'humanité?

« Certes, le geste de la démission du pape Benoît XVI restera comme un tournant important dans l'histoire de l'Eglise, mais la contribution qu'il a donnée au Magistère et à la vie chrétienne de la seconde moitié du XXe siècle jusqu'à aujourd'hui est beaucoup plus riche et articulé. Le pape François le rappelle avec autorité dans la préface de mon livre. Pour ma part, je voudrais rappeler son insistance sur la collaboration harmonieuse entre la raison et la foi, défendue depuis les jours de sa première chaire universitaire à Bonn à la fin des années cinquante, l'appel à l'amour de Dieu qui a ouvert la voie à la voie de la miséricorde, sur laquelle insiste insiste son successeur, et au cours des dernières années, l'amour tendre et passionné pour Jésus. Et encore, la proposition d'un dialogue sérieux entre les religions, l'amour de la terre, le chemin de la beauté qui vient de Dieu et conduit à lui.

- François dans la préface de votre livre écrit que la présence d'un pape émérite est une nouveauté, et puisque les deux papes s'aiment, c'est une «belle nouveauté». Au-delà de l'estime entre Bergoglio et Ratzinger, dans la présence simultanée de deux papes, tout est-il vraiment parfait, ou bien y a-t-il des questions problématiques?

« Je ne parlerais pas de problème, mais de difficultés qui pourraient surgir dans l'éventuelle cohabitation d'un pape en fonction et d'un émérite qui ne seraient pas d'accord. Mais il ne faut pas oublier que les difficultés posées par un pape qui resterait en fonction, même s'il était gravement malade, ne sont pas mineures. Je connais les questions soulevées notamment par les juristes. Cependant, je considère, avec le pape Benoît, qu'on devrait partir de la notion de service qui peut être accompli en plénitude tant que l'on est en bonne santé. Dans le cas contraire, conservant l'aspect proprement sacramentel, il convient de renoncer à l'exercice du mandat épiscopal ou papal. Par ailleurs, en voyant l'exemple que nous avons devant nos yeux, nous ne pouvons que remercier Dieu et ensuite les protagonistes eux-mêmes, François et son prédécesseur Benoît, pour le beau témoignage de communion et de fraternité.

- Le livre se termine par un entretien avec le pape émérite. Pouvez-vous nous dire comment vous avez trouvé Benoît XVI? Qu'est-ce qui vous a frappé le plus dans cette rencontre?

« Le pape Benoît a conservé intacte sa lucidité mentale. Le physique, en revanche est inévitablement celui d'un presque nonagénaire. Dans les visites que j'ai pu effectuer, j'ai été frappé par sa sérénité d'esprit, l'admiration sincère pour son successeur, sa proximité avec la vie de l'Eglise. Ceci est pour moi une confirmation de la bonté de son choix et de la qualité de son témoignage, qui persiste même pendant les années de la renonciation.