Benoît XVI fait la couverture du Corriere

Le supplément hebdomadaire lui consacre un copieux dossier, mais en accès payant. Extraits (28/6/2019, mise à jour ultérieure)

Voir aussi
>>> Rare photo de Benoît XVI (27/6)
>>> Benoît XVI photographié par Spaziani (27/6)

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L'article (qui compte apparemment au moins une dizaine de pages, photos comprises) de cette semaine de <7>, le Supplément hebdomadaire du Corriere est en accès payant, mais le journal en propose quelques extraits, à titre d'accroche.
Nous avons toujours beaucoup de joie quand nous avons des nouvelles de Benoît XVI, mais sans bouder notre plaisir, tout en continuant à penser que sa popularité reste forte auprès des italiens, et que ce reportage en témoigne, nous n'en sommes pas moins réalistes: la lecture des extraits mises en ligne par le plus grand quotidien talien, toute alléchante qu'elle soit, fait penser à une opération de com' validée, si ce n'est voulue, par François pour accréditer une fois de plus l'idée de la parfaite entente avec son prédécesseur et la réaffirmation qu'il n'y a qu'un seul Pape. Précision nécessaire, au moment où, entre les mains du timonier actuel, la barque tangue dangereusement - dernier épisode, la condamnation par le cardinal Brandmüller de l'Instrumentum Laboris du Synode pour l'Amazonie.

Il faut peut-être attendre d'avoir lu le dossier en entier pour se faire une opinion juste - mais s'il reste réservé aux lecteurs payants, cela risque d'être compliqué (je n'ai aucune envie de m'abonner au Corriere) -, à moins que d'autres sites ne se chargent de le publier.

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L'homme qui veille sur le Vatican
Sur <7>, dialogue avec Benoît XVI


www.corriere.it/sette
28 juin 2019
Ma traduction

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Nous anticipons ici une partie du récit que le vaticaniste Massimo Franco a écrit pour 7, le magazine du Corriere qui revient en kiosque le vendredi 28 juin, avec le pape émérite Joseph Ratzinger, auquel la couverture de l'hebdomadaire est dédiée. Dans la conversation, Benoît XVI - qui a reçu en cadeau des dessins d'Emilio Giannelli, caricaturiste du Corriere - parle avec sa curiosité intellectuelle habituelle et intacte des politiciens qu'il a connus, de l'Italie qu'il aime plus comme touriste que pour la politique [ndt: à vrai dire, selon la partie de l'article à laquelle on a accès, il n'est pas clair si le saint-père parle pour lui, ou en général, voir ci-dessous en gras], des livres et journaux qu'il lit. De la rencontre émerge la routine de la vie dans le petit monastère des Jardins du Vatican, mais aussi le caractère extraordinaire de la relation avec son successeur, le Pape François, avec lequel il parle et échange des conseils. Les relations entre les deux sont restées excellentes. Malgré le fait que dans l'Église «trop de ceux qui sont mécontents du pontificat de François» considèrent Ratzinger «comme une sorte de chef spirituel et moral alternatif». Le Pape émérite a toujours rejeté ces tentatives. Et il «réaffirme ses relations loyales et affectueuses avec François, malgré les différences évidentes de personnalité, dans son approche de la doctrine et de la liturgie». Vous pouvez trouver l'article complet de 7 en kiosque (d'aujourd'hui à jeudi prochain) et en PDF sur l'édition numérique du Corriere della Sera.


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Une rencontre extaordinaire dans l'endroit le plus protégé du Vatican, où l'histoire d'un homme croise celle, millénaire, de l'Eglise. La voix est à peine plus qu'un souffle, mais ce qu'il dit, et son regard, démontrent lucidité et rapidité de pensée


«L'Italie a toujours été un beau pays, mais un peu chaotique. Mais à la fin, elle parvient toujours à retrouver son chemin...». La voix de Benoît XVI n'est guère plus qu'un souffle. Les mots sortent lentement, mais ce qu'il dit et son regard attentif et pénétrant témoignent d'une lucidité et d'une rapidité de pensée enviables chez quiconque: d'autant plus chez un homme de plus de 90 ans qui se trouve être le premier Pape émérite de l'histoire de l'Eglise catholique. Joseph Ratzinger confie son message à l'Italie, «si aimée pour partir en vacances, un peu moins appréciée pour la politique», par un chaud après-midi romain. Il est assis sur un banc de bois, adouci par un coussin, devant le sanctuaire de Notre-Dame de la Garde, sous le monastère cloîtré des Jardins du Vatican où il vit depuis mai 2013, date à laquelle il a renoncé à son pontificat. Il porte une soutane blanche sous laquelle apparaissent des chaussettes blanches, enveloppées de sandales en cuir marron, et au poignet, il porte deux montres, l'une de style moderne, noire et blanche, en plastique [ce n'est sans doute pas une montre mais un appareil connecté qui permet de prévenir les proches en cas de malaise...].

LES CARICATURES D'EMILIO GIANNELLI
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Devant lui, sur un autre banc, nous nous asseyons avec Mgr Georg Gänswein, Préfet de la Maison Pontificale, son secrétaire qui est aussi un lien symbolique entre le Pape François et son prédécesseur. Et à côté de Ratzinger, Emilio Giannelli, notre dessinateur, s'est assis, penché vers lui. Il lui apporte en cadeau trois caricatures "irrévérencieuses", il plaisante: il sait que Benoît aime ses dessins. Le Pape émérite les observe avec une attention amusée. Il sourit, appréciatif, et ses yeux deviennent encore plus vifs devant l'hilarité contagieuse de Giannelli, qui lui parle de Sienne, sa ville. Il pose des questions sur la politique italienne, qu'il connaît bien. Il se souvient de Giulio Andreotti, s'interroge sur Massimo D'Alema, cite d'autres noms, avec l'écho familier de son débit allemand. Un silence irréel règne, très peu romain. Seul arrive le bruit étouffé d'une procession dans les Jardins du Vatican, à l'occasion du Corpus Christi. La surveillance est discrète mais bien visible.

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Le Pape émérite avec Giannelli, regarde les caricatures avec Père Georg Gaenswein, 62 ans, archevêque et préfet de la Maison papale (photo Stefano Spaziani)

UN GENDARME AVEC DES TALKIES-WALKIES À CHAQUE TOURNANT
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Pour y arriver, sur le point le plus haut et le plus protégé du minuscule état au cœur de la capitale, la petite voiture bleue au logo SCV, conduite par un gigantesque garde suisse en civil, a gravi de courts virages en épingle à cheveux, entre roseraies, fontaines, autels, arbres séculaires et même immenses cactées. Et à chaque tournant des allées immaculés et désertess, il y avait un policier du Vatican armé de talkies-walkies et d'écouteurs, tandis qu'on passait au-dessus de la tour de l'Ior, le controversé Institut des œuvres religieuses, puis sur la place d'où l'on accède aux Archives secrètes, et enfin, au-delà du palais du gouverneur. La silhouette carrée de la Casa Santa Marta, résidence du pape François, semblait très éloignée, à gauche.

Rencontrer le Pape émérite est un privilège rare, même au Vatican. Sa dernière sortie publique remonte au 28 juin 2016, dans la Salle clémentine. Pour ses 65 ans de sacerdoce, François voulut lui adresser un discours chaleureux, soulignant combien le petit monastère où il s'est retiré est «bien autre chose qu'un de ces coins oubliés dans lesquels la culture du déchet (!!!)tend à reléguer les personnes quand, avec l'âge, leurs forces diminuent». Paroles prophétiques, aujourd'hui qu'il célèbre 68 anéées en soutane. Paradoxalement, plus le Pape émérite est devenu invisible, fragilisé dans son physique, plus chacune de ses paroles a trouvé un écho puissant et inattendu. Peut-être parce qu'il a démontré une lucidité surprenante; et parce qu'il a croisé et révélé les inquiétudes d'une Eglise divisée et désorientée.

DANS LES JARDINS
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Pour intercepter Benoît hors de son ermitage, il faut aller jusqu'aux endroits les plus reculés de ces Jardins. Certains après-midis romains, les ecclésiastiques qui vivent au Vatican peuvent l'entrevoir, assis sur le banc où nous l'avons rencontré, ou sur un autre derrière la grotte de Lourdes, la chapelle creusée dans la roche où il se rend de temps en temps, s'agenouillant lentement et récitant le chapelet. De loin, c'est une tache blanche encadrée du vert sombre des arbres. La petite voiture de golf est arrêtée à une distance respectueuse, dans l'attente qu'il finisse sa brève promenade et ses méditations. Comme toujours, Mgr Gänswein l'accompagne. Et bien que Benoît XVI apparaiisse amaigri, fragile, il confirme une curiosité intellectuelle intacte.
De la petite colline encadrée des murs vaticans, la Rome séculière que l'on entrevoit en bas, à quelques centaines de mètres, semble distante de milliers de kilomètres. Et Benoît XVI aussi, en apparence, est loin de tout.... (p.22)

... on découvrira ce qui a été fait pour éviter les déchirures. Les adversaires de Bergoglio, souvent conservateurs à la recherche désespérée d'une parole de Benoît qui résonne comme une critique à Bergoglio, se sont entendus répondre immanquablement qu'«il n'y a qu'un seul pape, François».
L'obssession de l'unité de l'Eglise, pour Ratzinger, est plus aigüe que jamais. Et les fantasmes d'un schisme sont présents, tant à lui qu'à son successeur et à de nombreux cardinaux. La perspective d'une déchirure sa bien-aimée Allemagne est de moins en moins invraisemeblable.

LES DANGERS
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Les ouvertures à la fin du célibat, au sacerdoce féminin, au mariage homosexuel, de la part du cardinal Reinhard Marx et d'une grande partie de l'épiscopat progressiste, sont en train de déstabiliser le catholicisme dans ce pays. Et le Pape émérite est le terminal et l'élément modérateur d'un ferment qui peut se transformer, justement, en schisme ouvert; C'est Benoît XVI qui a encouragé et consolé le cardinalGerhard Müller, le gardien de l'orthodoxie "licencié" il y a deux ans par François, et devenus l'un de ses détracteurs les plus pointus et les plus irréductibles. Mais il l'a fait dans une optique unitaire qui tranche avec les propos belliqueux et suicidaires des supporters des "deux Papes".
Peut-être aussi, et justement parce qu'il a accompli un geste historique et controversé, le premier après 700 ans de pontificats, ce théologien en apparence si fragile conserve-t-il en réalité une formidable capacité d'analyse sur la force et les défis que l'Eglise a devant elle. «L'unité de l'Eglise a toujours été en danger, depuis des siècles. Ella l'a été pendant toute son histoire. Guerres, conflits internes, forces centrifuges, menaces de schismes» a-t-il l'habitude de répondre à ceux qui lui manifestent leurs craintes. Et pourtant, il démondre qu'il a confiance qu'elle tiendra. Sa thèse, confiée à quelqu'un qui l'a rencontré, est qu'«à la fin, la conscience que l'Eglise est, et doit rester unie, a toujours prévalu. Son unité a toujours été plus forte que les luttes et que les guerres internes».

Le temps a volé. Les caricatures et les livres sont confiés au chauffeur de la voiture électrique. Benoît monte, et salue, avec un léger signe de la main. L'auto disparaît derrière le tournant, sans faire de bruit, emportant Benoît XVI avec ses mystères.
(page 28)

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