La justice australienne n’était-elle que le bras armé d’une décision déjà prise derrière les murs du Vatican, sur fond de magouilles financières? Une hypothèse polémique, et qui sent la théorie du complot, diront certains. C’est en tout cas celle avancée par un prêtre italien qui anime un blog très fréquenté, l’Isola di Patmos. On notera que la hiérarchie vaticane a appliqué ici à plein la présomption… de culpabilité. Pourquoi?
Le cardinal Pell a été condamné au Vatican, le Tribunal australien n’est que le bras armé…
Isola di Patmos
Ariel S. Levi di Gualdo
21 août 2019
Ma traduction
Le cardinal George Pell a été condamné au Vatican, le tribunal australien n’est que le bras armé. Pendant ce temps, le Saint-Siège offre sa solidarité aux victimes qui n’existent pas, tout en continuant à tourner le dos aux vraies victimes du régime actuel vaticano-cambodgien.
Ce que raconte l’unique présumée victime survivante – heureusement pour lui, il n’est pas parti pour un monde meilleur avec une seringue d’héroïne plantée dans sa veine comme l’autre témoin accusateur – est simplement impossible. Ou plutôt: tout serait possible et crédible comme le serait le fait de dire que le Souverain Pontife, après avoir tenu l’audience du mercredi dans la salle Paul VI, avant de retourner dans ses quartiers a pris une fille, l’a poussée dans un coin dans une petite pièce, puis l’a violée. C’est une image grotesque et impossible à croire, tout comme celle du cardinal George Pell qui, après une célébration, avec tous les prêtres et les fidèles présents, les choristes et instrumentistes, le personnel et les divers employés de la cathédrale, trouve le moyen de se retirer, sans que personne ne le voie, et ensuite de violer deux enfants
L’intelligence et la capacité d’analyse critique sont aujourd’hui une denrée rare. Le sociologue Zygmunt Bauman [1925-2017] parle d’une société liquide. Dans notre situation de décadence imparable, nous ne pouvons plus parler de « liquide », mais de vapeur. Désormais, l’état de liquide s’est transformé en vapeur, nous devons donc parler d’une société vaporeuse.
Dans le silence embarrassé des médias du Saint-Siège, aujourd’hui entre les mains des cyniques petits-enfants du vieux Giulio Andreotti, la nouvelle sur le cardinal George Pell, à qui la Cour de justice australienne n’a pas permis de faire appel contre la condamnation pour le crime de pédophilie, est liquidée en quelques mots brefs et froids [voir communiqué de presse, ICI].
Le porte-parole du Bureau de presse du Vatican, d’un ton mielleux et ampoulé, annonce le tout puis réaffirme la proximité du Saint-Siège avec ses victimes. Avant tout, le porte-parole zélé – évidemment: ambasciator non porta pena! – réitère le respect pour les autorités judiciaires australiennes.
Le respect de la justice avant tout, bien sûr! Oui, mais quelle justice? Parce que de nos jours, il y a respect et respect. Si, en effet, les autorités judiciaires osent arrêter un bateau rempli d’immigrants clandestins musulmans en Méditerranée, alors, les coryphées habituels n’hésitent pas à accuser la justice d’injustice et n’ont aucun scrupule à appeler à la désobéissance civile. Mais, si un homme comme le cardinal George Pell est mis au pilori, le respect de l’autorité judiciaire est alors d’une rigueur absolue. Et tout le monde se tait: des petits-enfants de Giulio Andreotti en charge des médias du Vatican au Père Antonio Spadaro. Mais d’un autre côté, c’est bien connu: ce qui compte, c’est d’envoyer un cardinal faire le barman et apporter du café aux clochards qui font leurs besoins sous les marbres de la colonnade du Bernin sur la place Saint-Pierre, ou l’électricien pour rebrancher la lumière dans un centre social de Rome. Au contraire, pour un cardinal de soixante-dix-huit ans exposéau pilori, alors, nous sommes rapidement informés que:
« Comme pour les autres événements, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi attend le résultat du processus en cours et la conclusion finale de tous les degrés de jugement avant de s’occuper de l’affaire ».
Si cela ne suffisait pas, voici l’explication de la petite sœur (ndt: suorina: formulation ironique pour désigner les responsables de la com’ vaticane) de la salle de presse :
« Comme l’a déclaré le Bureau de presse le 26 février dernier, le Saint-Père avait déjà confirmé les mesures de précaution prises à l’encontre de George Pell lors du retour du cardinal en Australie, à savoir, en règle générale, l’interdiction de l’exercice public du ministère et l’interdiction de tout contact, sous quelque forme que ce soit, avec des mineurs ».
Messieurs, expliquez-moi: le Tribunal suprême de la Signature apostolique, dont le Président actuel est cet aigle royal notoire de cardinal Dominique Mamberti existe-t-il toujours? La Congrégation pour la Doctrine de la Foi – avec ses compétences précises, y compris dans les affaires de pédophilie -, présidée elle aussi par un autre aigle royal, le Cardinal Luis Francisco Ladaria Ferrer, existe-t-elle toujours? Car si j’ai bien compris, la Sainte Mère Eglise, avant de procéder à un procès canonique contre un clerc de haut rang, attend la sentence d’un tribunal laïc (!?), prévoyant, en attendant, de le limiter dans l’exercice du ministère, le suspendant de fait a divinis, partant ainsi de la présomption de culpabilité. D’après les déclarations des porte-parole officiels du Saint-Siège, ai-je bien compris ou non? Mais, dans le même temps, on n’hésite pas exfiltrer en toute hâte au Vatican et à trouver un office adéquat pour les amis de l’ami, afin de les soustraire à des procès civils après qu’ils aient vraiment fait quelque chose et aient été plus ou moins pris la main dans le sac. Est-ce que je me trompe, ou est-ce que je dis la vérité? Eh bien, étant donné que les deux seules questions dont l’Église est capable de parler aujourd’hui sont les immigrants et les pauvres, étant donné la grande capacité des bâtiments qui abritent à la fois le Tribunal suprême de la signature apostolique et celui de la Congrégation pour la doctrine de la foi, pourquoi ne pas fermer ces institutions complètement inutiles en les transformant en logements pour Roms et sans-abri? Notre droit ecclésiastique interne, qui n’existe plus, confions-les directement au Parquet de Rome (…)
Question: mais ces pauvres et misérables journalistes vaticanologues, qui en tant que tels s’occupent des « affaires ecclésiastiques » ou des affaires du Vatican, réalisent-ils, ne serait-ce que vaguement ce qu’ils écrivent, et les contre-sens effrayants contenus dans leurs propos? Et … par pitié: qu’ils ne se justifient pas en disant « mais nous ne faisons que rapporter les faits » ! Parce que la déontologie professionnelle ne permet pas de se prêter à rapporter des faits faux ou falsifiés, surtout quand on sait qu’ils sont précisément faux et falsifiés, parce que cela a un nom précis, cela s’appelle: manipulation de l’opinion publique.
Retournons en arrière: le cardinal George Pell a été nommé Préfet des Affaires économiques du Saint-Siège en 2014, un poste qui équivaut à celui de ministre de l’économie. Pour autant que nous le sachions, il a même fait un excellent travail, en essayant de nettoyer et surtout de neutraliser une armée de personnages obscurs, tous strictement amis d’amis, qui pendant de nombreuses années ont cru pouvoir disposer à la fois des finances et des biens immobiliers comme si tout leur appartenait. Entre-temps, le Cardinal, participant au premier et au deuxième Synode sur la famille, prenant acte du déclin dramatique de la doctrine et de la foi au sein de l’Église et dans de larges franges de l’épiscopat et du clergé, n’a pas manqué de montrer toute son orthodoxie.
Le cardinal George Pell est « coupable » de deux choses: avoir essayé de mettre de l’ordre d’abord dans la vie des gens, afin de pouvoir vraiment mettre de l’ordre dans les finances; avoir montré une adhésion totale au dépôt de la foi catholique, à l’orthodoxie correcte et à la correcte orthopraxis de la doctrine catholique.
La question que tout le monde devrait se poser, mais que ceux à qui il reviendrait de le faire ne se posent pas, est très simple: pourquoi, tous ceux qui se sont retrouvés à gérer les finances du Saint-Siège ont-ils mal fini? Je ne suis pas économiste et j’évite de m’occuper de domaines qui ne sont pas les miens (…) mais les compétences qui me manquent, abondent au contraire chez d’autres personnes, par exemple chez Ettore Gotti Tedeschi, qui est économiste et a été président de l’Institut des œuvres de religion de 2009 à 2012. Peut-être aurait-il quelque chose à dire, ou plutôt: peut-être pourrait-il même expliquer comment il se fait que TOUS, y compris lui, ont fini frappés par les fils de haute tension, mettant la main sur certains événements économiques.
Cela dit, je vais maintenant passer à ce que je connais: en 2014, le cardinal George Pell a été convoqué pour la première fois comme témoin par la Commission royale australienne qui enquêtait sur les crimes liés aux abus sexuels. L’accusation portée contre lui, entre 2015 et 2016, était qu’il avait couvert des prêtres qui, dans les années 70, avaient abusé de mineurs.
Dans un premier temps, le Cardinal a répondu de Rome, par vidéoconférence, démentant devant la Commission australienne être au courant de ces événements dans le diocèse de Ballarat. En octobre 2016, il a été interrogé à Rome par des magistrats australiens, mais cette fois sous un tout autre chef d’accusation: il était lui-même coupable du crime de pédophilie dans son ancien diocèse de Melbourne. Après cet interrogatoire à Rome, en juin 2017, il a été formellement inculpé de violences sexuelles contre deux mineurs, un crime pour lequel il a été cité à comparaître devant le tribunal pénal australien compétent le 26 juillet.
Le Cardinal, qui occupait le poste de Ministre de l’Economie d’un Etat souverain, ne s’est pas prévalu de toutes les immunités que le droit international lui accordait, comme à tout ministre dans le monde, mais il a demandé au Saint-Siège de pouvoir se rendre en Australie pour se soumettre au procès et se défendre contre les fausses accusations portées contre lui. Non seulement il s’est toujours déclaré innocent, mais en décidant de le faire et en renonçant à toute immunité prévue par le droit international pour son poste, il a apporté la preuve qu’il était motivé par cette conviction sûre: puisqu’il est facile de prouver la fausseté des accusations, je vais répondre devant la justice, donnant la preuve de mon assurance et de mon innocence et en même temps de ma transparence. Dès lors, face au monde catholique et au Saint-Siège silencieux, tandis que les journalistes catholiques petits-fils de Giulio Andreotti s’occupaient de tout autres questions – y compris le péché d’idolâtrie ou, si nous préférons, de papolâtrie – pour le cardinal Pell s’ouvrait une nouvelle édition du procès grotesque de Franz Kafka.
Essayons maintenant de résumer l’accusation tirée des documents du procès, à partir d’un élément qui horrifierait même un tribunal criminel de la République populaire de Chine institué à l’époque de la Révolution culturelle de Mao Tse Toung : le Cardinal est jugé et ensuite condamné sur le témoignage livré à huis clos par une seule des deux victimes présumées, l’autre étant morte il y a plusieurs années, d’une overdose par héroïne. La victime présumée, sur la parole de laquelle le Cardinal a été condamné, puis l’appel rejeté ces jours-ci, a raconté que fin décembre 1996, il avait participé comme choriste (enfant de chœur?) à la messe dominicale, au terme de laquelle il était parti avec un autre enfant qui faisait également partie de la chorale. Sans qu’on ait plus de précision, ils se sont ensuite retrouvés dans la sacristie, située à l’arrière de la cathédrale. Peu de temps après, apparaît le Cardinal, qui vient de terminer la célébration. Après leur avoir gentiment reproché d’entrer dans la sacristie réservée à l’archevêque, le haut prélat prend un des garçons à part, se penche et pousse sa tête vers son pénis. Le témoin raconte alors qu’après l’avoir forcé à une relation sexuelle orale il a pris l’autre garçon, le forçant ainsi à avoir lui aussi un rapport sexuel oral. Selon le témoin, tout cela n’aurait duré que quelques minutes.
(…)
La victime présumée et témoin unique poursuit en racontant que quelques mois plus, le choriste (lequel?) a de nouveau été abusé, cette fois de manière violente, parce que ce qu’il dit a été poussé contre un mur du couloir et touché aux parties intimes : « Il y eut un moment où je fus immobilisé, puis il déboutonna son pantalon et défit sa ceinture ».
Si nous faisons lire les actes de ce procès par une commission composée d’un collège international indépendant d’avocats criminalistes, la réponse de tous les spécialistes sera unanime: … mais ce témoin unique, n’a-t-il pas été expulsé du tribunal et même, vu la figure et la notoriété de l’accusé, avec des excuses des juges pour la fausse accusation? Ce sont pourtant là des conclusions auxquelles ne semblent pas parvenir les petites soeurs timorées du Bureau de presse du Saint-Siège, et leur chef cynique en charge des médias du Vatican. Eh bien, dites-nous: s’agit-il d’un remake du Silence des agneaux représenté dans le célèbre film, ou du silence des complices coupables de cette condamnation écrite derrière les murs du Vatican et ensuite exécutée par le bras séculier du Tribunal australien?
Les juges australiens savent-ils ce qu’est plus ou moins une célébration présidée dans une église cathédrale par l’Archevêque métropolitain de Melbourne? Parce que ce que la victime présumée survivante raconte – heureusement qu’elle n’a pas fini dans un monde meilleur avec une seringue d’héroïne plantée dans la veine comme l’autre témoin accusateur – est simplement impossible. Ou plutôt: ce serait possible et crédible comme d’affirmer que le Souverain Pontife, après avoir tenu l’audience du mercredi dans la salle Paul VI, avant de rentrer chez lui, a pris une fille, l’a poussée dans un coin dans une petite pièce, puis l’a violée. C’est une image grotesque et impossible à croire, tout comme celle du cardinal George Pell qui, après une célébration, avec tous les prêtres et les fidèles présents, les choristes et instrumentistes, le personnel et les divers employés de l’église de la cathédrale, trouve le moyen de se retirer, sans que personne ne le voie, et ensuite de violer deux enfants.
Dans notre Église, inversée dans tous les sens du terme, je crois savoir assez bien comment fonctionne le mécanisme diabolique par lequel les pires délinquants sont protégés et les innocents punis, rien que pour avoir osé signaler aux autorités ecclésiastiques les pires actes des coupables, toujours et rigoureusement protégés jusqu’aux plus hauts échelons de l’Église. Après quoi, les ruffians destructeurs sont promus, ou au moins acteurs réjouis du processus de défiguration de la sainte épouse du Christ, et pendant ce temps-là, le cardinal George Pell est remis à un bras séculier qui a exécuté, peut-être sans même s’en rendre compte, une sentence écrite derrière les murs du Vatican. (…)
Reste le triste et dramatique fait que l’accusateur unique de ce cardinal a été cru, alors que l’armée des petites sœurs timorées du régime actuel Vaticano-Cambodgien en charge de l’information du Saint Siège, est silencieuse. Et ils se taisent parce que, aussi stupides et vains qu’ils soient dans leur opportunisme irrépressible, ils ont compris une chose: si vous touchez à certains pouvoirs cachés, vous finissez électrocuté sur les fils de haute tension ; et si vous restez en vie, alors ils vous le font payer durant toute votre existence terrestre.
(…)
Je crois que le cardinal George Pell est une victime de notre temps, un véritable agneau sacrificiel. Ce sont les preuves les plus irréfutables qui le démontrent: le principe total d’absurdité dans lequel s’est déroulé le procès, puis a été prononcée une condamnation qui ne tient pas debout. Mais personne ne le dit, à commencer par les petites sœurs des médias du Saint-Siège, convaincues que ce moment magique, dans le cercle duquel elles sont entrées, ne passera jamais. Quand il passera, alors ce sera pour elles le temps des pleurs et des grincements de dents [cf. Mt 13,42].
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