Les 10 cardinaux-électeurs choisis par François confirment la nouvelle physionomie du Sacré Collège déjà plus qu’ébauchée avec les consistoires précédents. Ce sont des sympathisants, sinon des militants du nouveau cours, et leur nomination indique très clairement qu’on se dirige vers l’élection d’un pape « Bergoglio-compatible » lors du prochain conclave. L’analyse chiffrée d’un ami lecteur .

Voir aussi: Les nouveaux cardinaux chez le Pape émérite


Le Consistoire du 5 octobre 2019

L’annonce du consistoire qui a lieu aujourd’hui n’a pas suscité beaucoup de commentaires dans la presse. On pourrait même parler d’un « non événement », tant le choix des futurs cardinaux s’inscrit dans une ligne désormais connue d’avance : de fait, les heureux élus, qualifiés par un observateur d’« amis de Sainte-Marthe », sont des sympathisants, sinon des militants du nouveau cours. Ils n’appartiennent certes pas aux « périphéries » idéologiques.

Si surprise il y a, c’est plutôt que certains amis proches n’ont pas (encore) été récompensés par la pourpre, tels par exemple Mgr Víctor Manuel « Tucho » Fernández (archevêque de La Plata, en Argentine), Mgr Charles Scicluna (archevêque de Malte et secrétaire adjoint à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi), Mgr Marcello Semeraro (évêque d’Albano et secrétaire du Conseil des cardinaux, C 9), Mgr Nunzio Galantino (président de l’Administration du patrimoine du siège apostolique, l’APSA), Mgr Bruno Forte (archevêque de Chieti-Vasto), voire les éternels prétendants Mgr Vincenzo Paglia (président de l’Académie pontificale pour la Vie et grand-chancelier de l’Institut pontifical Jean-Paul II) et Mgr Salvatore « Rino » Fisichella (président du Conseil pontifical pour la Nouvelle évangélisation).

En tout cas, les dix noms retenus à l’automne 2019 (nous ne considérons ici que les cardinaux-électeurs, qui n’ont pas atteint 80 ans d’âge) sont tout à fait symptoma­tiques des tendances affirmées depuis le consistoire de février 2014. On note ainsi :

  1. la présence prépondérante d’évêques et d’archevêques venus des « périphéries » géographiques (cinq sur dix) ;
  2. la préférence nettement affichée pour des prélats issus de l’aire hispanophone et lusophone (cinq sur dix) ;
  3. la présence constante de l’Italie (cette fois-ci, l’archevêque de Bologne, appartenant à la communauté Sant’ Egidio et connu pour son soutien à la « cause LGTB ») ;
  4. l’exclusion durable des pays comme la Pologne, la France, l’Irlande ou l’Allemagne.

La désignation des cardinaux est l’un des domaines où le pouvoir absolu du pape se manifeste le plus clairement. Dans le cas présent, le « fait du prince » se voit dans le choix de deux jésuites sur dix (voire de trois sur treize, si l’on considère l’ensemble de la promotion 2019), parmi lesquels un sous-secrétaire de dicastère (Service du développement humain intégral).

Mais il faut remarquer, une fois de plus, que les créations cardinalices fournissent l’occasion de régler des comptes personnels et d’humilier les « ennemis » (cela correspond en effet à la vision manichéenne du pontife actuel). La promotion quasi immédiate de Mgr José Tolentino Mendonça (Archiviste et bibliothécaire de l’Église catholique romaine depuis l’an dernier) est un véritable camouflet à son prédecesseur, Mgr Jean-Louis Bruguès, nommé par Benoît XVI en 2012 et congédié par François avant même d’avoir atteint l’âge de 75 ans et sans avoir reçu la pourpre traditionnellement liée à sa charge (une première depuis plusieurs siècles). Or en 2009, Mgr Bruguès (alors secrétaire de la Congrégation pour l’éducation catholique) s’était exposé à la vindicte du cardinal Bergoglio en voulant empêcher (en vain) la nomination de Mgr Víctor Manuel Fernández comme recteur de l’Université catholique d’Argentine.

De même, la création de cardinaux nommés à titre honorifique a été, depuis 2014, le moyen de réhabiliter certains prélats que le pape actuel considère comme ayant été « traités injustement » par ses prédécesseurs sur le trône de Pierre. Ainsi faut-il comprendre, de l’aveu même du souverain pontife, la promotion de Mgr Michael L. Fitzgerald, comme un « acte de justice » (!) : ce prélat anglais avait été président du Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux (PCID) jusqu’en 2006, lorsque Benoît XVI l’envoya en Égypte comme nonce apostolique. En l’occurrence, si François parle explicitement d’un acte de réparation, on ne peut y voir qu’une façon très peu élégante d’accuser d’injustice le pape Benoît XVI.


Il vaut la peine de remonter un peu plus loin et d’examiner l’ensemble des nominations cardinalices depuis le premier consistoire de février 2014. Les chiffres sont très éloquents.

1° Pour les cardinaux de curie (13 promotions), on relève, outre l’absence totale de l’Afrique, de l’Amérique latine, de l’Asie, la nette prédominance de l’Italie et de la péninsule ibérique (8 au total) :

  • Italie : 5 (dont un nonce)                   
  • Espagne et Portugal : 3
  • USA et Canada : 2
  • France : 1 (le préfet du Tribunal Suprême de la Signature apostolique)
  • Pologne : 1 (l’aumônier apostolique)
  • Allemagne : 1 (le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, congédié depuis).

2° En ce qui concerne les cardinaux résidentiels (57 au total), on constate la présence majoritaire de 4 continents (qui totalisent à eux seuls 37 nominations) :

  • Amérique latine : 14 (dont 2 au Mexique et 2 au Brésil)       
  • Asie : 11
  • Afrique : 9       
  • Océanie : 3.

Pour l’Europe même (16 au total), les choix pontificaux vont très nettement en faveur des pays du sud (ce qui accentue encore leur prédominance parmi les cardinaux européens) :

  • Italie : 6
  • Espagne : 4 (dont l’archevêque de Rabat)                 
  • Portugal : 2                  
  • Angleterre : 1
  • Belgique : 1
  • Luxembourg : 1
  • Suède : 1
  • France, Pologne, Irlande, Allemagne … : 0.

Le tableau se complète ainsi :

  • USA : 2            
  • Canada : 1                   
  • Caraïbes : 1.

Pour beaucoup de ces cardinaux, il est à craindre qu’ils n’aient été choisis, non pas pour des mérites personnels particulièrement remarquables, mais parce qu’ils ont été jugés « Bergoglio-compatibles » pour plusieurs raisons :

  • l’origine géographique ou linguistique (les fameuses « périphéries » ; aussi l’aire hispanophone) ;
  • l’allégeance éprouvée à l’égard du « nouveau paradigme » ;
  • des liens personnels avec le pape (amitiés anciennes ou récentes, appartenance à la Compagnie de Jésus, etc.) ;
  • les recommandations par des amis du pape (ainsi par ex. l’archevêque de Westminster, protégé de Cormac Murphy-O’Connor ou l’actuel archevêque de Malines-Bruxelles, sur les instances de Godfried Danneels ; – songeons aussi, pour les Américains, à l’influence décisive d’O. Maradiaga et de Th. McCarrick).

Peut-être y a-t-il également une part de provocation dans le fait de promouvoir un sous-secrétaire de dicastère (2019) ou un évêque auxiliaire (2017). Il est clair en tout cas que François se sent absolument libre par rapport aux usages traditionnels : on ne retrouve plus l’application des critères de sélection qui avaient cours sous les pontificats précédents, quand la création cardinalice était liée à telle ou telle fonction ecclésiale. Ce n’est pas à dire que la notion de « siège cardinalice » n’existe plus, comme l’avaient conclu un peu hâtivement les observateurs depuis 2014, en considérant les cas de Tolède, Philadelphie, Turin, Venise, etc. : en réalité, on voit par l’exemple de Madrid, Barcelone, Bologne, Lisbonne, Malines-Bruxelles, Chicago, etc., que les titulaires de ces sièges se voient encore attribuer la pourpre, à condition qu’ils aient été nommés à leur poste par François lui-même.

Ce qu’on peut retenir de toutes ces promotions depuis cinq ans, c’est que le Sacré Collège est désormais constitué de cardinaux au profil médiocre, mais de ce fait même gagnés à la cause de l’église néo-catholique et ses « réformes irréversibles ». L’élection d’un prochain pape « Bergoglio-compatible » semble ainsi assurée.

Share This