Riccardo Cascioli revient sur les déclarations inouïes que Scalfari attribue au Pape, sur la divinité de Jésus (cf. Scalfari a encore frappé). Il le fait en attribuant – du moins en apparence – la « faute » aux communicants du Vatican. Une excuse inacceptable. Ce n’est pas comme si le Pape lui-même était bâillonné. Lui qui a l’interview si facile, rien ne l’empêche de faire en personne et de vive voix une mise au point, sur un sujet aussi grave. Je crois au contraire que c’est le Pape lui-même qui, grisé par sa « popularité » a commis l’imprudence de trop, qui pourrait lui valoir une accusation formelle d’hérésie, avec les conséquences qui en découlent.

La une de La Repubblica
(L’édito de Scalfari est en accès payant)

Scalfaroglio

Riccardo Cascioli
La NBQ
10 octobre 2019
Ma traduction

Un nouvel éditorial d’Eugenio Scalfari attribue au Pape François la conviction qu’après l’Incarnation, Jésus n’était pas Dieu. Le Bureau de presse du Vatican parle d' »interprétation personnelle et libre » des mots entendus. Oui, mais qu’a-t-il écouté pour l’interpréter de cette façon ?

« Comme nous l’avons déjà dit en d’autres occasions, les paroles que le dottor Eugenio Scalfari attribue entre guillemets au Saint-Père au cours de ses conversations avec lui ne peuvent être considérées comme un récit fidèle de ce qui a été dit, mais plutôt comme une interprétation personnelle et libre de ce qu’il a entendu, comme il ressort de ce qui est écrit aujourd’hui sur la divinité de Jésus Christ ».

Cette communication aux journalistes du directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni, est arrivée hier après-midi après que, des heures durant, les collègues journalistes aient insisté pour demander des explications sur ce qui a été écrit par le fondateur de la Repubblica, Eugenio Scalfari, hier matin dans « son » journal.

Les propos contenus dans l’article « François et l’esprit de l’Amazonie » sont en effet d’une gravité sans précédent, on pourrait dire encore plus grave que ceux des précédentes interviews. Se vantant une fois de plus de sa familiarité et de sa connaissance systématique avec le Saint-Père, Scalfari affirme que « le Pape François conçoit le Christ comme Jésus de Nazareth, l’homme, et non Dieu incarné. Une fois incarné, Jésus cesse d’être un Dieu et devient un homme jusqu’à sa mort sur la croix ». Viennent ensuite les preuves du Nouveau Testament. Expliquant ce que le pape Bergoglio aurait dit textuellement à Scalfari (les mots sont cités entre guillemets): « C’est la preuve avérée que Jésus de Nazareth une fois devenu homme, même s’il était un homme de vertu exceptionnelle, n’était pas du tout un Dieu ».

Face à l’énormité de ces affirmations, non seulement le communiqué de presse semble inadéquat, à vouloir être trop gentils, mais il est une véritable insulte à l’intelligence des fidèles. Scalfari met une hérésie sensationnelle dans la bouche du Pape, et le Bureau de presse nous dit que c’est « une interprétation personnelle et libre de ce qu’il a entendu ». Mais qu’a-t-il entendu? C’est-à-dire, qu’a dit le Pape au point que cette interprétation soit possible? C’est une question plus que légitime puisqu’il s’agit du cœur de la foi chrétienne.

En effet, le Catéchisme de l’Église catholique dit:

« Le nom de Fils de Dieu signifie la relation unique et éternelle de Jésus-Christ à Dieu son Père: Il est le Fils unique du Père et Dieu lui-même. Croire que Jésus-Christ est le Fils de Dieu est nécessaire pour être chrétien »(n° 454).

CEC

Et encore:

« L’événement unique et tout à fait singulier de l’Incarnation du Fils de Dieu ne signifie pas que Jésus-Christ soit en partie Dieu et en partie homme, ni qu’il soit le résultat du mélange confus entre le divin et l’humain. Il s’est fait vraiment homme en restant vraiment Dieu. Jésus-Christ est vrai Dieu et vrai homme. Cette vérité de foi, l’Église a dû la défendre et la clarifier au cours des premiers siècles face à des hérésies qui la falsifiaient » (n° 464).

Donc, si le Pape a expliqué ce concept et a clairement déclaré que Jésus est vrai Dieu et vrai homme, comment a fait Scalfari pour l’interpréter de la façon que nous lisons? Du porte-parole du Pape, nous nous serions attendus au moins à un démenti total de ces déclarations et interprétations. De plus, le dottore Bruni parle d’interprétation en ne se référant qu’aux guillemets, mais dans la première partie que nous avons rapportée, Scalfari explique le même concept en le résumant d’une ou plusieurs longues conversations. Alors, comment évaluer cette synthèse faite par le fondateur de la Repubblica ?

On ne peut même pas penser que le Pape ait vraiment eu l’intention de dire ces choses que Scalfari lui attribue, mais l’attitude de ceux qui s’occupent de la communication du Vatican semble avoir été faite spécifiquement pour susciter des doutes. [???]

De plus, le communiqué fait référence à des interventions antérieures de Scalfari, ce qui rend la situation encore plus ambiguë. On se souviendra en effet de la perplexité et des polémiques après le premier entretien du 1er octobre 2013, celui du « Dieu n’est pas catholique » et du « chacun suit sa conscience ». Après avoir dit qu’il s’agissait d’interprétations libres de Scalfari, quelques mois plus tard cette interview a reçu un certificat d’officialité : d’abord avec la publication dans l’Osservatore Romano, puis en l’insérant dans le livre publié en octobre 2014, et publié par la Libreria Editrice Vaticana, qui rassemblait les interviews des journalistes au Pape François.

Et ce n’est pas tout: dans l’article d’hier, Scalfari revendique fièrement tous les entretiens avec le Pape François, en déclarant : « Ces entretiens ont été tous et toujours rapportés à la lettre dans notre journal« . A la lettre, dit Scalfari, sans aucune interprétation. Mais le Bureau de presse du Vatican n’avait rien à dire à ce sujet.

Alors, à quel jeu joue-t-on? Se rend-on compte que l’on met la foi des simples en danger? En ces temps de grande confusion, à qui profite le fait d’en créer encore plus ? Ceux [??] qui permettent ou encouragent que les vérités de la foi catholique soient prises en otage par un usage sans scrupules de la communication assument une grave responsabilité. Devant Dieu avant tout.

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