La lettre d’une lectrice revendiquant « fièrement » son opposition au mariage des prêtres en énumérant tous le problèmes pratiques que cette décision poserait (La femme du prêtre) a exposé AM Valli à la censure des bien-pensants. Il répond à ses critiques en interrogeant un ex-missionnaire en Papouasie-Nouvelle Guinée et auteur d’un livre exhaustif sur la question

Mgr Cesare Bonivento, évêque émérite de Vanima en Papouasie-Nouvelle Guinée

Célibat des prêtres: entretien avec Mgr Bonivento

« Voilà pourquoi la continence est un devoir indérogeable »

16 novembre 2019
Ma traduction

Les inévitables ‘petits profs‘ m’ont accusé de tromper mes lecteurs parce que j’ai publié le discours d’une lectrice fièrement opposé aux prêtres mariés. « Valli devrait savoir – écrivent les petits profs – qu’il ne s’agit pas de l’hypothèse de permettre aux prêtres de se marier, mais de la possibilité de conférer l’ordre sacré aux hommes mariés.
Évidemment, je sais bien qu’à la suite du très discuté synode amazonien, l’hypothèse se rapproche non pas de permettre à tous les prêtres de se marier, mais d’ordonner, dans certaines régions, des hommes mariés, ou plutôt des hommes mariés âgés (pauvres vieillards!). Mais on sait comment cela se passe. Et les petits profs qui prétendent me donner des leçons devraient le savoir aussi. Après qu’un passage ait été ouvert, tout le monde peut passer. Dans le cas présent, il s’agit d’un passage amazonien, qui semble loin de nous, mais qui ne l’est pas. Un prétexte était nécessaire, et généralement le prétexte vient d’un cas limite.
La vraie question à se poser est la suivante : une dérogation au célibat, et donc à la continence, dans l’Église catholique latine aurait-elle un fondement doctrinal ou serait-elle un forçage inacceptable?

La réponse est que ce serait un forçage inacceptable. Et pour m’expliquer, je me réfère à ce que je considère comme la meilleure étude en circulation.

C’est le livre L’itinerario conciliare del celibato ecclesiastico , écrit par un évêque émérite, Cesare Bonivento, qui pendant de nombreuses années a été missionnaire dans une région, la Papouasie Nouvelle Guinée, à bien des égards semblable à l’Amazonie.
Nous voici donc en conversation avec Mgr Bonivento, que nous avons rencontré au siège du PIME (Institut Pontifical pour les Missions Etrangères) à Milan.


Votre Excellence, quel est le fondement du célibat sacerdotal ?

Naturellement, nous devons retourner à Jésus-Christ et considérer que Jésus a uni son célibat au sacerdoce. Le Christ, seul prêtre, a voulu vivre son sacerdoce avec le célibat et dans le célibat. Ce qui signifie que les diacres, les prêtres et les évêques, qui participent tous à l’unique sacerdoce du Christ, sont tous liés à la continence.

Mais si Jean n’était pas marié, Pierre était marié. Ne sommes-nous donc pas confrontés à une double possibilité, à partir des apôtres ?

Certainement. Mais aux deux, Jean et Pierre, comme à tous les autres apôtres, Jésus demanda de tout abandonner. Et tout signifie tout, sans réserve. Le cœur du consacré ne peut être divisé. Paul, dans sa lettre aux Corinthiens, chapitre sept, recommande aux époux: « Ne vous refusez pas l’un à l’autre, sinon d’un commun accord et temporairement, pour vous consacrer à la prière ». Ce qui est une condition temporaire pour les époux devient une condition permanente pour la personne consacrée. Ainsi, dans le cas des diacres, des prêtres et des évêques, dont la vie est une prière continue, l’abstention doit être totale. Il n’y a pas de dérogation qui tienne.

L’Église latine a-t-elle déjà renoncé à cet engagement ?

Jamais. Dès le Concile d’Elvira (vers l’an 306) l’interdiction de rester avec leurs épouses pour les diacres, les prêtres et des évêques fut établie. Le consacré n’a pas d’alternative: soit il s’abstient, soit il quitte sa femme. À cet égard, de nombreux membres de l’Église catholique latine semblent avoir un trou de mémoire incroyable. La tradition apostolique n’a jamais été modifiée. Je répète: aucune dispense.

Pourtant, après le Concile Vatican II, nous avons eu et nous avons des diacres mariés qui ne pratiquent pas la continence….

C’est exact. Et cela est incompréhensible, d’autant plus que ce n’est pas l’enseignement de Vatican II, c’est-à-dire de Lumen Gentium, §29 [1]. L’Église n’a jamais accepté de diacres mariés sans les lier à la continence, et nous venons d’en expliquer les raisons. L’une des excuses avancées est que Lumen Gentium a institué un nouveau type de diaconat. Ce n’est absolument pas vrai pour deux raisons: Vatican II a seulement restauré l’ancien diaconat, et l’ordination diaconale est la même pour les célibataires et les mariés. Paul VI a enseigné que le diaconat et la continence sont inséparablement liés. Au point que le diacre marié, pour être diacre, doit demander la permission de sa femme. Cela signifie que la femme doit être prête à renoncer à son droit. Une autre preuve est que le diacre qui devient veuf est inapte à un nouveau mariage en vertu de la discipline traditionnelle de l’Église.

Dans votre livre, vous écrivez que la décision réitérée par l’Église au temps du Concile de Trente, c’est-à-dire de conférer les trois degrés de l’ordre sacré uniquement aux célibataires, « a été une grande et très positive décision pour la vie de l’Église et pour la spiritualité sacerdotale ». Cependant, le Concile Vatican II a introduit une exception pour les diacres.

Oui, cette décision a été prise par le Concile de Trente pour des raisons pastorales. Et, comme je l’écris dans le livre, si demain l’Église ressentait le besoin, pour de graves raisons pastorales, d’admettre des hommes mariés au sacerdoce, elle pourrait le faire. Mais il doit être clair que, dans ce cas, l’admission des époux au sacrement de l’ordre doit se faire avec l’obligation de continence. Parce que la non-continence n’a pas ses racines dans une simple discipline ecclésiale, mais, comme nous l’avons déjà dit, dans la nature même du sacerdoce du Christ, dont le prêtre fait partie par son ordination sacrée.

Bref, l’Église n’a pas le pouvoir d’abolir le célibat et la continence.

C’est exact. Selon la tradition de l’Église, l’enseignement de Vatican II et celui des papes après le Concile, il faut conclure que la continence sacerdotale est étroitement liée à l’ordre sacré. Ainsi, celui qui est appelé à l’ordre sacré en tant que célibataire doit rester célibataire pour le reste de sa vie, et celui qui est appelés à l’ordre sacré en tant qu’époux doit s’abstenir du devoir conjugal pour le reste de leur vie. A cet égard, l’Eglise doit continuer à faire ce que Jésus a fait. Jésus a toujours vécu son sacerdoce avec le célibat et a demandé à ses apôtres de le suivre sur ce chemin. On est donc obligé de conclure que c’est la voie de l’Église. Donc, quiconque reçoit les ordres sacrés doit suivre l’exemple du Christ.

Mgr Bonivento, ce que vous dites est clair. Cependant, comme nous l’avons vu dans le récent synode, il y en a qui soutiennent que surmonter la loi du célibat sacerdotal résoudrait beaucoup de problèmes, tout d’abord celui de la pénurie de clergé, et permettrait aussi une plus grande inculturation de la foi dans certaines régions, comme dans l’Amazonie. Est-ce le cas ?

C’est une opinion répandue, mais sans fondement. Les Églises qui autorisent leurs ministres à se marier n’ont pas du tout résolu le problème de la rareté des vocations. Au contraire, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, où, après le Concile Vatican II, les évêques ont mis en pratique la proposition des diacres mariés, beaucoup de problèmes se sont posés et cette expérience s’est complètement tarie. Quant à l’idée selon laquelle en Amazonie, il faudrait des prêtres mariés devraient être parce que ces peuples ne saisissent pas le sens du célibat, c’est une absurdité totale. Et c’est aussi une offense très grave à la toute-puissance de la grâce divine. En Afrique, en Asie et en Océanie, où il y avait aussi des scrupules psychologiques contre le célibat, la grâce a opéré en grand et aujourd’hui, ces Églises exportent des prêtres dans d’autres régions du monde.

Mais certains disent que l’exception au célibat ne serait qu’au niveau local et n’aurait pas de valeur universelle….

Je le répète: en ce qui concerne le célibat et la continence, il n’y a aucune possibilité de dérogation. Et puis nous le savons: une fois ouvert un tout petit passage, tôt ou tard, cette possibilité sera étendue ailleurs. Et pensons à la désorientation que tout cela déterminerait chez les séminaristes, conduits à croire que le célibat n’est pas une obligation liée aux ordres sacrés. Mais les conséquences seraient dévastatrices aussi pour la crédibilité du Magistère de l’Église. La continence sacerdotale n’est pas une simple norme disciplinaire, mais une véritable condition sine qua non pour l’exercice du ministère sacerdotal, comme nous l’enseigne Vatican II lui-même. Or, si cet enseignement était abandonné, tout le monde serait amené à penser que l’Église catholique peut changer ses doctrines fondamentales à tout moment.

Et que répondez-vous à ceux qui disent que l’admission d’hommes mariés est le seul moyen de garantir l’Eucharistie à des gens qui autrement, en l’absence de prêtres, ne la reçoivent presque jamais ?

Je réponds que le but de l’Eucharistie, quotidienne ou hebdomadaire, est un noble idéal, mais dans la pratique il n’a pas été atteint, même par les apôtres. Et de toute façon, il ne peut être poursuivi au prix d’un changement injustifié de la doctrine. L’objectif ne sera atteint que par une évangélisation patiente et continue, faite à l’exemple de Jésus, qui a toujours voulu enrichir sa prédication sacerdotale, jusqu’à la croix, par le témoignage du célibat.


NDT:

[1] Les diacres

Au degré inférieur de la hiérarchie se trouvent les diacres auxquels on a imposé les mains « non pas en vue du sacerdoce, mais en vue du ministère ». La grâce sacramentelle, en effet, leur donne la force nécessaire pour servir le Peuple de Dieu dans la « diaconie » de la liturgie, de la parole et de la charité, en communion avec l’évêque et son presbyterium. Selon les dispositions à prendre par l’autorité qualifiée, il appartient aux diacres d’administrer solennellement le baptême, de conserver et de distribuer l’Eucharistie, d’assister, au nom de l’Église, au mariage et de le bénir, de porter le viatique aux mourants, de donner lecture aux fidèles de la Sainte Écriture, d’instruire et exhorter le peuple, de présider au culte et à la prière des fidèles, d’être ministres des sacramentaux, de présider aux rites funèbres et à la sépulture. Consacrés aux offices de charité et d’administration, les diacres ont à se souvenir de l’avertissement de saint Polycarpe : « Être miséricordieux, zélés, marcher selon la vérité du Seigneur qui s’est fait le serviteur de tous

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Lumen Gentium, n.29.
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