L’analyse, comme toujours percutante, de Marcello Veneziani après la victoire de Boris Johnson aux élections en Grande-Bretagne. Et la monumentale faillite des médias (mais ils n’ont toujours pas compris la leçon, et ils repartent à l’assaut, avec cette fois l’appui des Écossais, opposés EUX au Brexit, et qui réclament leur indépendance à cet « idiot » de BoJo).

Le lion britannique rugit pour Boris et le Brexit

Le triomphe des tories et le splash des « gauchosaures« 

Maurizio Veneziani (La Verità, 14 décembre 2019)
Ma traduction

Non, ladies e gentlemen, non, Mesdames et Messieurs, ce n’est pas la faute de Jeremy Corbyn, parce que c’est un vieil outil de gauche et pas une frétillante sardine déguisée en modéré et en liberal [allusion au mouvement « antifasciste » apparu « spontanément » il y a un mois et qui depuis fait descendre dans les rues d’Italie « des centaines de milliers (???) d’idiots utiles]. Si le front anti-Brexit a perdu, ce n’est pas la faute du mauvais candidat travailliste, mais c’est parce qu’il a perdu contact avec la réalité, à Londres comme chez nous. Vous n’avez pas compris que les Britanniques voulaient vraiment quitter l’Union européenne, ils ne se repentaient absolument pas du vote sur le Brexit. Et Johnson a triomphé simplement parce qu’il a tenu parole, il a défendu ce que les citoyens avaient demandé, il a respecté le mandat électoral et politique reçu du peuple souverain.

Nous n’avons pas affaire à des transformistes et des marionnettes, pour faire allusion à notre propre cas. Nous sommes face à un gentleman anglais extravagant et même gaffeur autant que vous voudrez, un conservateur décoiffé, c’est-à-dire un oxymore vivant, qui, pourtant, a fait d’excellentes études, a été lancé par Thatcher, aime les lettres classiques et latines, et est donc pleinement dans la civilisation européenne. Mais il est en dehors de l’Union européenne parce qu’il considère, comme ses concitoyens, qu’il est mieux à l’extérieur. Et la livre qui devait s’écrouler sous le poids de Brexit, après la réponse électorale, s’est envolée.

Bien sûr, les Britanniques sont des insulaires, ce n’est pas une façon de parler, ils regardent vers l’Atlantique, ils se sentent proches de leurs cousins américains et en Europe ils ne veulent être les troisièmes de personne, français et allemands, par exemple. Ils étaient déjà à l’extérieur avec la monnaie, ils ont sauvé leur pays avec la livre sterling et, en effet, en ces années d’euro, ils sont devenus l’attraction et le refuge de nombreux Européens, Italiens en tête. Mais la leçon est importante pour tout le monde.

Le vrai problème est un problème qui se répète depuis trop longtemps: la représentation médiatique et institutionnelle nous raconte quelque chose qui ne correspond pas à la réalité. Et en effet, la réalité dément radicalement toutes les prévisions. Nous l’avons également vu chez nous, avec les analyses, les reportages, les sujets des journaux télévisés qui, depuis des mois, mettent en scène le faux drame élisabéthain d’une Angleterre repentante qui ne veut plus entendre parler de Brexit, comme s’il lui avait été imposé par le médecin ou l’ennemi et qu’elle ne se l’était pas infligée elle-même. Et on avait l’impression de voir la catastrophe des Anglais, la ville réduite à Carthage, les gens qui fuyaient Londres, les passeurs anglais qui amenaient des gens sur le continent… Mais ce n’était pas le cas, vous aviez tout inventé, vous suiviez votre imagination, votre narration idéologique fruit de vos fantasmes.

C’est pourquoi l’erreur politique et humaine n’est pas celle de Corbyn, qui a été à la hauteur et maintenu un fil de cohérence britannique. Mais l’erreur, c’est la vôtre, c’est tout le cirque anglo-européo-global, progressiste, liberal et radical, qui ne comprend toujours pas que les gens vivent mal la perte des frontières et de la souveraineté populaire et nationale imposée par les oligarchies progressistes mondiales.

Le mécanisme est toujours le même depuis l’époque du communisme: quand le régime communiste se trompait, ce n’était jamais la faute du communisme, mais celle du leader individuel, du dictateur du moment, des déviationistes, sinon des forces obscures de réaction qui s’étaient infiltrées au pouvoir. Et en fait, si vous cherchez une analyse sévère des communismes, vous ne la trouverez pas. Tout au plus, vous trouverez des accusations contre Staline ou d’autres autocrates individuels. Mais non, le défaut était dans la poignée et non dans ceux qui la manipulaient parce qu’elle donnait partout les mêmes résultats catastrophiques.

La même chose s’applique maintenant à la gauche postcommuniste. Ce ne sont pas des erreurs attribuables à un personnage, un visage, une campagne électorale. C’est un divorce radical entre la gauche et la réalité. La gauche anglaise comme celle italienne, comme celle mondiale. La même qui prévoit une catastrophe pour Trump. Et en tout cas, pour le délégitimer, le met en jugement. Ils étaient partis pour le mettre en jugement avec une accusation, Russie, sexe, affaires, et puis petit à petit, ils ont changé. Ensuite, les chefs d’accusation pour l’impeachment ont changé, mais ce qui reste, c’est la nécessité de le criminaliser. La même chose s’est produite et se produit en Italie.

Quand la réalité dément l’idéologie, le postulat, c’est la faute à la réalité et il faut adopter une mesure corrective. Et si les juges n’y parviennent pas, alors ils attendent des urnes le miracle, qu’elles émettent la réponse suggérée par eux avec une campagne de martèlement psycho-politique et intimidatoire, voire parfois à caractère terroriste.

Et ils n’ont jamais le courage par la suite de faire leur autocritique, d’admettre qu’ils avaient tort. Soyons clairs, personne ne demande à la gauche d’être autre chose qu’elle-même, de devoir se convertir pour défendre des thèses opposées. Restez dans vos convictions, par pitié. Mais sachez qu’elles ne sont pas partagés par les gens, elles se heurtent contre la réalité, le sens commun. Assumez la responsabilité de soutenir des positions de minorités. Et puis peut-être au niveau culturel, posez-vous la question de savoir si vous pouvez faire de la politique contre la réalité, en interprétant le sentiment commun à l’envers, en vous enfermant dans le blockhaus du Palais. Et en essayant avec les jeux de Palais de rattraper les défaites des urnes.

La défaite du front anti-Brexit n’est pas seulement la défaite des travaillistes britanniques. C’est la défaite d’un establishment euroglobal, et de toute la satrapie qui a créé l’Union européenne. Pensez-y, avant de crucifier le pauvre socialiste qui eut le tort de ne pas se déguiser en sardine.

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