Dans cette affaire, personne parmi les soi-disant professionnels de l’information (vaticane, en l’occurrence) n’a fait son job, et il a fallu que ce soit un simple blog, tenu par un catholique de bout de banc, concerné mais sans position institutionnelle (heureusement repris par un site « reconnu », korazym.org) qui s’en charge, et mène l’enquête sur ce qui s’est passé, avec une certitude raisonnable. Après le silence gêné ou les excuses grotesques des habituels papistes nous attendons (sans y croire) le mea culpa pour incompétence professionnelle… ou, pire, rétention d’information.

Sur ce sujet, voir dans ces pages:


Une femme et un cardinal pour sauver les catholiques chinois

Riccardo Cascioli
La NBQ
11 janvier 2020
Ma traduction

Enfin, quelqu’un a décodé les paroles que la Chinoise de la place Saint-Pierre a criées au Pape, avant de recevoir des claques. C’était un appel douloureux à repenser la politique de réconciliation du Saint-Siège avec Pékin, qui sacrifie des centaines de milliers de catholiques chinois. Un geste qui va de pair avec la lettre du Cardinal Zen à ses confrères. Signes d’une situation intolérable qui réclame notre solidarité.

Et finalement, quelqu’un a réussi à décoder les phrases criées par la Chinoise au Pape François le 31 décembre dernier sur la Place Saint-Pierre, avant de recevoir des claques du Pape qui voulait se libérer. Et la solution du mystère change considérablement le scénario. Un Américain résidant à Taiwan, Eric Mader, a longuement travaillé sur le film, avec l’aide d’amis chinois. Le résultat – la phrase décodée avec toutes les explications de l’affaire – est publié sur son blog, Clay Testament, et a été traduit en italien par Vik van Brantegem, qui a été pendant de nombreuses années l’assistant du Bureau de Presse du Saint-Siège et qui dirige maintenant le site korazym.org.

Alors, qu’a dit la Chinoise? «Why destroy their faith? Why destroy the Chinese? [Look for] the Chinese [feelings]. [Talk] to me!» [pour la traduction en français, voir ici: Qu’a dit le Pape à son « agresseuse » asiatique?]. La référence, bien sûr, est à la situation des catholiques en Chine après la signature de l’accord secret entre le gouvernement de Pékin et le Saint-Siège.

Pourquoi le scénario change-t-il? Parce qu’il semble évident que ce n’était pas le geste grossier d’une fidèle qui cherchait une poignée de main avec le Pape comme trophée d’une visite à Rome. C’était plutôt la voix désespérée des catholiques chinois persécutés par le régime et abandonnés par le Saint-Siège dans cette politique de réconciliation avec Pékin, qui s’avère chaque jour davantage être une capitulation inconditionnelle au pouvoir communiste. Ce n’est pas un hasard si la femme avait fait le signe de croix peu avant que le Pape ne s’approche d’elle: elle cherchait le courage et la protection d’en haut pour ce geste extrême, en criant au Pape cet appel douloureux à écouter la voix d’une Eglise persécutée. La force qu’elle avait en elle était telle que lorsqu’elle a vu le pape se détourner pour aller dans l’autre sens, elle a eu le réflexe de saisir son bras, de le tirer vers elle avec force et de le retenir pour qu’il écoute ses paroles.

Des paroles que le Pape n’a sans doute pas comprises, et qui sait si -en tentant de se libérer – il a au moins réalisé la douleur et la passion dont naissaient ce geste et ces mots. Il n’aura certes pas été aidé par ses collaborateurs et par les nombreux vaticanistes de cour qui ont rivalisé pour insulter la pauvre Chinoise et déclasser le tout à un geste grossier et un manque de respect pour le Pape. Curieusement, aucun collègue sur la place ne s’est donné la peine de retrouver la Chinoise et de lui demander pourquoi elle avait fait cela ; il vaut mieux ne pas approfondir, on ne sait jamais. D’ailleurs, même les excuses ultérieures du Pape portaient sur le geste lui-même, une tache sur l’image du Pontife, elles n’étaient pas adressées personnellement à la dame.

En tout cas, le geste de la Chinoise va de pair avec la lettre que le cardinal Joseph Zen Ke-kiun a écrite en septembre dernier à ses confrères du Sacré Collège et qui a été rendue publique ces derniers jours. Un appel à ne pas rester insensible à ce qui arrive aux catholiques chinois, victimes d’abord de l’accord mentionné plus haut et ensuite des orientations pastorales qui aggravent encore la situation. Le geste de Zen apparaît lui aussi comme un geste extrême, celui d’un pasteur qui voit son troupeau tué et précisément avec la complicité active de ceux qui sont censés le protéger.

L’archevêque émérite de Hong Kong a tout tenté pour se faire entendre au Vatican, il a écrit trois lettres détaillées au Pape, il est venu en personne à Rome afin de les lui donner, dans l’impossibilité de faire confiance à d’éventuels médiateurs, il a essayé de faire pression sur la Secrétairerie d’Etat, il a fait des appels dénonçant publiquement la vile politique de la Secrétairerie d’Etat du Vatican. A la fin, il s’est adressé à tous les cardinaux avec une lettre qui accompagnait le don de son dernier livre qui explique bien la situation de l’Eglise en Chine, dans l’espoir qu’au moins d’eux naisse un mouvement de réflexion qui aille jusqu’à la Secrétairerie d’Etat et au Pape.

De plus, les faits confirment continuellement l’augmentation des persécutions religieuses contre les catholiques [Cf. Les chrétiens chinois persécutés]: justement le 8 janvier, un nouveau rapport de la Commission exécutive du Congrès américain sur la Chine a apporté des preuves qu’après l’accord Chine-Saint-Siège de septembre 2018 « les autorités locales chinoises ont augmenté les persécutions des fidèles catholiques, en détruisant des églises, en enlevant des croix, en continuant à arrêter le clergé clandestin. Les organisations catholiques nationales dirigées par le Parti communiste ont également publié un plan pour ‘siniser’ le catholicisme en Chine ».

Choses qui pourtant se heurtent à la surdité de la diplomatie vaticane, qui semble prête à sacrifier la vérité dans l’espoir d’un succès diplomatique. Le geste de la chinoise sur la place Saint-Pierre et la lettre du cardinal Zen à ses confrères sont le signe d’une situation intolérable, qui exige la plus grande attention et la solidarité des catholiques.

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