Dans une interview à « Libero » à l’occasion de la sortie de son dernier livre AM Valli revient sur le roman-feuilleton de la publication de l’ouvrage co-signé par Benoît XVI et le cardinal Sarah, et sur le jeu de la frange progressiste, qui a cherché honteusement à faire passer l’émérite pour un pauvre vieux manipulé. Après cet épisode, la présence de « deux papes » s’est avérée ingérable, et la fable de l’entente a fait long feu.


Voilà ceux qui travaillent à l’auto-dissolution de l’Eglise

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Ratzinger s’est prononcé en faveur du célibat des prêtres, le qualifiant d' »inaliénable ». Selon vous, assume-t-il le rôle d’antipape?

Qu’il l’ait voulu ou non, et certainement, il ne l’a pas voulu, chez certains catholiques, il est maintenant identifié comme antipape. C’était inévitable. La présence de deux papes entraîne une série de conséquences dévastatrices. Qui est vraiment un pape émérite? Quel rôle joue-t-il? Sur la question spécifique du célibat des prêtres, comme sur bien d’autres questions, je suis d’accord avec Benoît XVI, mais la présence d’un pape émérite me paraît être un désastre pour l’Église. Elle donne lieu à des désaccords, des malentendus, des oppositions.

Le texte de Benoît XVI est devenu un roman-feuilleton. D’après les lettres envoyées par le cardinal Sarah, il semble que Ratzinger était au courant de la forme sous laquelle il serait publié. Pourtant, le secrétaire du pape émérite a demandé de retirer sa signature de la publication. Y a-t-il une tentative de faire passer Ratzinger pour sénile ?

Il me semble clair que le Cardinal Sarah s’est bien comporté. D’autre part, quel intérêt aurait-il à tromper le pape émérite d’une manière ou d’une autre? Le retrait de la signature est évidemment dû à une forte pression de Sainte Marthe. La tentative du parti progressiste est claire: montrer que le pape émérite est manipulable et discréditer Sarah comme cardinal papabile. Je dirais que l’opération a été un succès, malheureusement.

L’affaire est-elle vraiment close, comme l’a dit Bergoglio à Repubblica, ou y a-t-il une fracture irrémédiable entre François et Benoît XVI ?

L’affaire n’est pas close et ne peut être close. Je pense que le discours, de façon générale, doit passer de ce cas spécifique à la coexistence des deux papes, qui s’est avérée ingérable. À l’extérieur, on nous présentera toujours deux papes qui s’aiment et qui s’entendent bien, mais ce n’est pas le cas, car ce sont deux profils complètement différents et nous serons donc toujours exposés à un fossé impossible à combler. Sans parler, ensuite, de l’aberration, pour un pape, d’avoir Scalfari comme porte-parole.

Bientôt sera inauguré le parcours synodal de l’Église allemande, dans lequel seront discutés le célibat des prêtres, le diaconat féminin, la Communion pour les divorcés; 500 ans après Luther, y a-t-il de nouveelles volontés schismatiques en provenance d’Allemagne ?

L’Allemagne joue un rôle central dans le processus d’auto-dissolution de l’Eglise catholique. Malheureusement, l’anniversaire de la réforme luthérienne a été utilisé dans cette optique comme une étreinte mortelle avec le protestantisme. Comme dans le cas d’autres mots-talismans, tels que dialogue et discernement, le mot œcuménisme est utilisé aujourd’hui pour liquider l’Église catholique.

Vous avez commencé à exprimer votre perplexité au sujet du Magistère de Bergoglio après l’encyclique Amoris laetitia. Ensuite, vous avez fait un choix courageux: publier le mémoire de l’ex-nonce Carlo Maria Viganò sur les scandales sexuels et de pédophilie dans l’Église. Quelles ont été les conséquences d’avoir osé, en tant que vaticaniste, faire contre-chant au chœur qui encensait Bergoglio?

Je suis passé par un travail intérieur, sur le plan humain et professionnel. Mais le choix d’accorder crédit à Mgr Viganò et de publier son rapport m’a donné à la fin beaucoup de sérénité. Je me suis senti du bon côté. Et même si je ne suis plus vaticaniste à la Rai, je suis heureux d’avoir franchi ce pas. J’y ai gagné en liberté.

Dans un autre de vos livres, Come la Chiesa finì, vous racontez la fin de l’Eglise provoquée par une série de papes tous nommés François. Une autre prophétie ?

J’ai la nette impression qu’une partie de l’Église, y compris au sommet, travaille pour arriver à la fin du christianisme, ou du moins arriver à un christianisme édulcoré, réduit à un simple sentimentalisme. Sous l’égide du « choix pastoral », la doctrine est détruite, et il est clair que sans doctrine il ne peut y avoir de pastorale. Nous sommes confrontés à des responsables de l’Eglise qui travaillent pour que l’Eglise soit liquidée et transformée en quelque chose de différent, peut-être en une béquille du mondialisme.

En général, quel est la plus grande contestation à adresser à Bergoglio ?

En deux mots, je crois que François a introduit le relativisme dans le magistère, avec la morale du cas par cas, qui est l’ennemi mortel de la pensée catholique, et l’idée que toutes les croyances sont finalement équivalentes. De plus, il l’a fait en utilisant l’ambiguïté, ce qui rend l’attaque encore plus insidieuse .

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