Bavardage mondain, apparemment, entre François et son compatriote péroniste « de centre gauche » intronisé en décembre dernier… les deux n’ont même pas trouvé le temps de parler d’avortement, qui est pourtant le sujet n°1 en ce moment dans la patrie du Pape. Cerise sur le gâteau pour le président Fernandez: divorcé, il s’est présenté devant François avec sa « compagne », une journaliste elle aussi divorcée, et tous deux ont reçu la communion des mains de l’archevêque Sorondo!!!

Décidément, la méthode Bergoglio, c’est ça: d’un côté on réaffirme la doctrine, et de l’autre, placé devant une situation bien concrète et d’opportunité unique, on la fait passer allègrement par pertes et profits!!!


Communion et avortement: ‘assist‘ papal au péroniste pro-avortement

Andrea Zambrano
La NBQ
2 février 2020
Ma traduction

Le pape et le président Fernandez ont parlé cordialement de tout sauf de l’avortement, qu’il est en train d’introduire en Argentine. Le Saint-Siège a été contraint de faire marche arrière : « Mais il en a parlé avec le secrétaire d’État ». L’avortement déclassé au rang de thème secondaire. Et le péroniste qui vit en concubinage a même eu droit à la communion.

On a parlé de tout, sauf d’avortement. En fait, non, mais oui, je veux dire… peut-être. Allons, l’Église est dans la confusion. En Argentine, le débat est incandescent sur la volonté du nouveau président albiceleste [en référence à la couleur du drapeau argentin] de dépénaliser l’avortement. Après le rejet du Sénat en 2018, la vague des mouchoirs verts [symbole choisi par les « pro-choix »] est revenue à la charge, grâce aussi aux ambiguïtés de son prédécesseur à la Casa Rosada, Mauricio Macri. Et l’avortement était le convive de Pierre qui planait aussi dans la salle du Vatican où le pape François a rencontré Alberto Fernandez vendredi.

Mais dans les 44 minutes de cordialité et de nombreux points communs, parmi lesquels les questions sociales – comme le disent les chroniques – il n’y avait pas la moindre place pour parler d’avortement, qui devrait être au cœur de l’Église peut-être plus que la pauvreté et le chômage et qui, de toute façon, oriente l’agenda politique dans le pays latino. L’avortement n’a donc pas été abordé dans la conversation entre le chef de l’État et le pontife. Et la machine de communication du Vatican a fait preuve de diligence en corrigeant une gaffe qui était en train de créer quelques maux de tête pour l’entourage du président. .

Fernandez en effet, immédiatement après la rencontre avec le Pape, a réitéré qu’il continuerait dans son action pour donner la possibilité aux femmes qui le souhaitent de pouvoir avorter légalement.

De fait, le Saint-Siège, dans une note, avait dit qu’au cours de la rencontre qui venait de s’achever, il avait également été question de « protection de la vie dès la conception ». Fernandez a cependant nié que ce thème, défini par certains reportages journalistiques comme « clivant », ait été abordé au cours de la rencontre.

Et donc? Ont-ils parlé d’avortement, oui ou non ? Quelle est la version correcte? Pour dénouer le nœud, un deuxième communiqué de presse a été publié par le bureau de presse: « Les points mentionnés dans le communiqué sur l’audience du président argentin n’ont pas tous été abordés dans la même conversation. Certains ont été examinés lors d’une rencontre avec la Secrétairerie d’État en marge de la rencontre avec le Saint-Père », a déclaré le directeur du Bureau de presse du Vatican, Matteo Bruni.

Traduction: oui, on a parlé d’avortement, pas avec le Pape, mais avec le Cardinal Pietro Parolin. Et en quels termes? Fernandez a pu clore l’incident et – interviewé par La Nacion – dire que « Parolin m’a fait part de sa préoccupation pour cette question et m’a rappelé que la position de l’Église est toujours de défendre la vie dès la conception », ajoutant qu’il s’agissait d’un passage fugace, après lequel d’autres questions ont été abordées. Disons un devoir d’écolier. Pour marquer la signature du Saint-Siège face à un président de la République qui introduit l’avortement libre dans son pays en promettant d’effacer des années de luttes de rue et de luttes parlementaires.

Pour le président péroniste, le passage au Vatican ne s’est tout compte fait pas mal passé, et grâce aussi à cet « incident » clos à temps et avec habileté par les porte-parole du Vatican, il a pu surmonter le dernier obstacle: celui de l’opposition de l’Eglise à la loi de dépénalisation de l’avortement. Avec une ambiguïté suspecte: d’un côté, la doctrine est réaffirmée, mais de l’autre, voir aussi cet épisode, le thème de l’avortement est déclassé au niveau d’une matière secondaire, pour être traité par le ministre des affaires étrangères d’Oltretevere.

Si ce n’est pas une bénédiction pour Fernandez, il s’en faut de peu.
Par contre, ce n’était pas une bénédiction, mais un véritable viatique que Fernandez a reçu quelques minutes avant de rencontrer le Saint-Père: il a pu communier au Vatican. Lui, qui est non seulement l’exemple classique du politicien pro-avortement, mais qui, vivant en concubinage avec la journaliste Fabiola Yáñez, qualifiée de « compagne » pour la distinguer de son ex-femme, n’aurait pas les caractéristiques pour pouvoir accéder au Sacrement et même pas pour pouvoir vanter cette cohérence eucharistique dont on parle dans Sacramentum Caritatis (83).

La vidéo tourne dans la presse hispanophone et scandalise les réseaux sociaux: elle montre le nouveau président de la République argentine Alberto Fernandez pendant une messe. C’est celle célébrée le 31 janvier dernier au Vatican par le Chancelier de l’Académie pontificale des sciences sociales, l’archevêque Marcelo Sànchez Sorondo, lui aussi originaire d’Argentine.

Quelques secondes, juste le temps de cadrer le président et sa compagne en train de communier. Tous deux sont filmés de dos, mais on les reconnaît bien et personne n’est intervenu pour démentir l’attribution. Scandale, sacrilège ou peut-être simplement opportunisme politique?

Sur les réseaux sociaux les commentaires vont bon train, le plus « doux » est de cette teneur: « Legaliza el aborto y comulga siendo divorciado vuelto a ‘casar’. Que vergüenza el Vaticano » (Il légalise l’avortement et communie malgré qu’il soit divorcé et concubain. Quelle honte, le Vatican)

Ce qui est certain, c’est que contrairement à l’accueil réservé à Macri, Fernandez peut dire qu’il a arraché aux palais sacrés une neutralité très spéciale, qui a tout l’air d’un authentique assist. A dépenser immédiatement, par exemple le 1er mars, lorsqu’il enverra au Congrès argentin un projet de dépénalisation de l’avortement. Après quoi le dernier assaut vorace, le meurtre d’enfants, deviendra un droit aussi pour l’Argentine. Au fond, pour un tel objectif, un petit voyage à Rome vaut bien une messe. Péroniste ou non, du Caudillo [i.e. Peron], Fernandez a certainement pris la capacité d’utiliser la religion à ses fins. Mais cette fois, l’Église laisse faire.

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