Un jeune prêtre a écrit à Aldo Maria Valli pour lui exprimer sa perplexité à la lecture du message des évêques italiens à l’occasion de la journée nationale pour la vie. Rien de scandaleux, mais de l’eau tiède (comme leur foi?). On est très loin de celui publié par leurs prédécesseurs, en 1978, au lendemain du vote de la loi libéralisant l’avortement: EUX, ils réaffirmaient clairement le doctrine « sans si et sans mais ». D’autres temps, en effet.

Je ne traduis pas le message (du reste très facile à comprendre): les lecteurs intéressés pourront le lire ici


Journée pour la vie / Le message soft des évêques italiens

Aujourd’hui, 2 février, est célébrée dans toute l’Italie la Journée nationale pour la vie, qui en est à sa 42e édition. Comme chaque année, à l’occasion de cette journée, les évêques italiens ont diffusé un message qui, en cette année 2020, est intitulé « Ouvrez les portes à la vie ».
Sur ce message, j’ai reçu une lettre du jeune prêtre qui a déjà écrit au blog dans le passé. Une réflexion que je suis heureux de vous proposer.


La CEI et ces mots écrits pour ne pas déranger

Cher Aldo Maria, je t’envoie une petite pensée qui a mûri après avoir lu le message de la Conférence épiscopale italienne à l’occasion de la 42e Journée nationale pour la vie.

En 1978, quand l’Église italienne a lancé cet événement, le but était de garder éveillée la conscience des catholiques et des hommes de bonne volonté face à la loi 194 [ndt: légalisant l’avortement; elle a été votée le 22 mai 1978, un peu plus de 2 mois avant la mort de Paul VI] qui venait d’être approuvée. Avec le temps, ce que nous considérions comme un « crime abominable », tel que le Concile Vatican II a défini l’avortement (GS 51), est passé aux oubliettes. La question est trop clivante.

Ainsi, à force de ne plus en parler, dans la conscience de notre peuple aussi, tout s’est estompé; les quelques laïcs qui prennent encore au sérieux la question de la suppression de la vie et de la culture de la mort avancent seuls, sans le soutien d’aucun évêque, considérés comme des fous furieux.

Pour s’en rendre compte, il suffit de lire les messages des évêques italiens de ces dernières années, de plus en plus fumeux. Il faut reconnaître que, par rapport aux éditions précédentes, celui de 2020 mentionne au moins explicitement l’avortement, mais en même temps que l’abandon, les mauvais traitements et les abus, « des actes inhumains devant lesquels chaque personne éprouve un sentiment de rébellion et de honte » (1).

J’ai été frappé par la fiction représentée par les mots « chaque personne », comme s’il s’agissait d’exorciser une réalité qui est au contraire chargée de très fortes tensions. Chers évêques, je vous le demande: ne dites-vous pas cela parce que vous avez peur de reconnaître qu’il serait nécessaire de s’engager dans une bataille pour changer un sentiment commun qui n’éprouve aujourd’hui plus aucune honte pour les lois qui permettent la suppression d’êtres humains?

Le fait est qu’il n’est pas vrai que « tout le monde éprouve un sentiment de rébellion et de honte »! Il n’est pas vrai que ne plus pointer du doigt le mal du monde, un mal défendu, protégé et fomenté par le pouvoir qui compte, équivaut à le faire disparaître!

Cher Aldo Maria, que ce soit clair: ce n’est pas que le message des évêques soit « faux », mais il montre clairement la volonté de « ne déranger personne ». On parle d’avortement, mais on a le sentiment que ce ne sont que des mots écrits parce qu’ils doivent être là, sans croire le moins du monde qu’il faut faire quelque chose de concret. On préfère donc ici tout centrer sur la vie comme désir de bien, comme exercice de responsabilité et d’accueil. Les mots sont beaux, éduqués, mais trop génériques, absolument incapables d’ébranler les consciences, de remettre en cause le statu quo.

Comment déchirer le voile de l’indifférence ? Si nous ne parlions pas d’êtres humains, je pourrais faire quelques blagues: mais dans quel récipient met-on « l’amas de cellules » expulsé? Organique, ou non recyclable ? Ou bien on pourrait faire remarquer que cet enfant dans le ventre de sa mère est comme un immigrant clandestin sans droits de citoyenneté, même pas par ius sanguinis. Peut-être est-ce dans cette Église la seule façon de pouvoir en parler à nouveau…

Je te laisse, cher Aldo Maria, le texte de la Déclaration suivant la loi sur l’avortement, publiée par la Conférence épiscopale italienne le 9 juin 1978, en mettant en gras les expressions qui seraient aujourd’hui considérées comme prononcées par un « traditionaliste » ou un « fondamentaliste ». Que de terrain nous avons perdu dans le domaine du débat sur la vie !


Déclaration suite à la légalisation de l’avortement en Italie

Conférence épiscopale italienne
9 juin 1978

La législation nationale sur l’avortement, entrée en vigueur le 6 juin 1978, oblige chacun à réfléchir sérieusement.

  1. Aucune loi humaine ne peut jamais supprimer la loi divine,
  2. Toute créature humaine, dès sa conception dans le sein maternel, a le droit de naître.
  3. L’avortement volontaire et provoqué, désormais autorisé par la loi italienne, contraste ouvertement avec la loi naturelle inscrite dans le cœur de l’homme et exprimée dans le commandement « tu ne tueras point ».
  4. Quiconque pratique l’avortement ou y coopère directement, même avec de simples conseils, commet un péché gravissime qui crie vengeance devant Dieu et offense les valeurs fondamentales de la coexistence humaine.
  5. Le personnel de santé, tant médical que paramédical, a la grave obligation morale de l’objection de conscience, qui est aussi prévue par l’art. 9 de la loi en vigueur.
  6. Le fidèle qui se souille du « crime abominable de l’avortement » s’exclut immédiatement de la communion avec l’Église et il est privé des sacrements.
  7. La femme enceinte en difficulté doit se voir offrir l’aide effective de la compréhension et de l’assistance dans la famille et dans la communauté chrétienne, et en particulier dans des centres de conseil et d’accueil inspirés par de saines orientations morales.
  8. Il est urgent de renouveler l’engagement en faveur d’une éducation au respect de la vie humaine à tous les stades de son existence, avec le rejet de toute forme de violence morale, psychologique et physique.
  9. « Il appartient à la conscience des laïcs, convenablement formée », de travailler inlassablement, avec tous les moyens légitimes et appropriés, pour « inscrire la loi divine dans la vie de la société terrestre ».
  10. Il est nécessaire de rappeler que l’adhésion à la volonté du Seigneur, même lorsqu’elle implique des difficultés, requiert le courage d’un témoignage fidèle.

NDT

(1) Non tutti fanno l’esperienza di essere accolti da coloro che li hanno generati: numerose sono le forme di aborto, di abbandono, di maltrattamento e di abuso.
Davanti a queste azioni disumane ogni persona prova un senso di ribellione o di vergogna.

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