Ce serait presque drôle si ce n’était si grave. Stefano Fontana s’est « amusé » (pardon si le mot ne convient peut-être pas totalement à la matière!) à relever toutes les contradictions incluses dans la réception de l’Exhortation apostolique. Au final, on ne sait pas vraiment si le Document final « ouvrant » à l’ordination d’hommes mariés est – ou n’est pas – magistère. Que doit faire le fidèle? Les deux précédents synodes (famille, et jeunes) avaient ouvert la voie, mais cette fois, la confusion atteint des sommets. Pour un Pape qui a dit aux fidèles de « mettre le bazar », c’est réussi!

Mettez le bazar!

Est-ce du magistère ou pas? L’embrouillamini du langage synodal

Stefano Fontana
La NBQ
18 février 2020
Ma traduction

Quelle est la relation entre l’exhortation « Querida Amazonia » et le document des Pères du Synode ? On nous a dit que la première est magistère et le second non. Mais la première demande d’appliquer le second, donc de le rendre contraignant. Le croyant ne peut pas croire en quelque chose s’il ne sait pas ce que c’est. Pourtant, le nouveau tableau est très inquiétant car tout s’inscrit dans l’incertitude fluide.

À propos du synode sur l’Amazone, il y a une question à laquelle personne ne sait et ne peut répondre : le document final est-il magistère ou non? On nous a dit officiellement que l’Exhortation Apostolique « Querida Amazonia » est magistère mais le Document Final du Synode ne l’est pas. Cependant, dans le texte de l’Exhortation – qui est magistère – il est dit que le Document final doit être lu dans son intégralité et appliqué: il s’agit donc de magistère contraignant. Alors le document final est lui aussi magistère. Si les Documents magistériels ont une logique non seulement théologique mais aussi grammaticale, c’est comme ça. Il n’est donc pas logique de dire que l’Exhortation est magistère et que le Document final ne l’est pas. Et pourtant, c’est ce qu’on nous a dit.

Je souligne ces contradictions et ces incohérences parce qu’il est aujourd’hui très difficile, voire impossible, de comprendre ce qui est exigé et ce qui ne l’est pas dans ce que le magistère enseigne. Le croyant ne peut pas croire en quelque chose s’il ne sait pas ce qu’est cette chose, et en quoi elle se distingue d’une autre chose qui par contre n’est pas objet de foi. Pour croire, il faut savoir en quoi on croit. En ce qui concerne les Synodes et l’enseignement qui en découle, cette exigence élémentaire est devenue une entreprise impossible. Au point que beaucoup de gens croient à tout alors que d’autres ne croient à rien de ce qu’affirme la grosse caisse des synodes.

Autrefois, les Pères synodaux remettaient leurs travaux entre les mains du Pape, qui publiait l’Exhortation apostolique post-synodale. Aucun document final n’était rendu public, seulement la parole du Pape. Ainsi, les évêques et les fidèles savaient à quoi ils devaient donner leur assentiment. Ensuite, il y en avait qui le donnait, et d’autres pas: mais c’est une autre affaire. L’important était qu’un texte fût produit, qui soit un texte.

Puis vint Amoris laetitia et rien ne fut plus comme avant. Le Document final du Synode a été rendu public, le Pape en a expressément fait sienne une grande partie, et chacun s’est attaché à distinguer les parties du Document final que le Pape faisait siennes, et qui sont donc devenues magistère, de celles qu’ils ne faisaient pas siennes, et qui ne sont pas devenues magistère. Toutefois sur un point fondamental – l’admission à la Communion des divorcés remariés – le pape ne s’était pas approprié le Document final, mais certains évêques ont pensé qu’il l’avait fait sien et qu’il était devenu magistère, comme le pape le confirmera d’ailleurs plus tard. Est donc devenu magistère même ce que le pape n’avait pas dit et le Document final a fait plus autorité que l’Exhortation. La casuistique est devenue encore plus compliquée et les fidèles encore plus désorientés.

Puis est venu le Synode sur les jeunes, où un autre fait nouveau s’est produit. Non seulement le document final mais aussi le document préparatoire ont été considérés comme magistère, en plus, bien sûr, de l’Exhortation post-synodale du Pape. Un mois auparavant, le Pape avait réformé la structure du Synode en tant que tel (Episcopalis communio, 15 septembre 2018), établissant entre autres qu’il n’est plus nécessaire en soi que l’Exhortation Apostolique post-synodale sorte, puisque le Pape peut aussi donner une signification magistérielle directe au seul Document Final.

Enfin, il y a eu la « Querida Amazonia » qui, contrairement aux synodes précédents, ne fait pas sien le Document final, mais il s’avère ensuite qu’elle établit – de façon magistrale et donc contraignante, s’il s’agit de magistère – qu’il faut l’appliquer dans son intégralité. Certains disent qu’ici le pape conseille et n’impose pas de le lire et de l’appliquer, mais cela peut s’appliquer à la lecture mais pas à l’application du document final.

Comme on peut le constater, la confusion s’accentue. L’Exhortation Apostolique post-synodale peut-elle avoir le caractère de magistère, avec le Document final du Synode, ou seulement le Document final, ou bien avec le Document final et le Document préparatoire? On se demande alors: et s’il y a des positions contradictoires entre ces différents textes? « Querida Amazonia » demande-t-elle d’appliquer le Document final du Synode dans son intégralité, même dans les points en contradiction avec elle? Dans le Document préparatoire du Synode des jeunes, l’expression « LGBT catholiques » a été utilisée: est-ce aussi du magistère, puisqu’il a été établi que ce Document a ce caractère ?

Comme tout cela ne peut pas ne pas être voulu, le nouveau cadre est très inquiétant car tout s’inscrit dans l’incertitude fluide. Il suffit de regarder la réception et l’application d’Amoris laetitia.

Je sais qu’on peut considérer cela comme une simple provocation journalistique, mais je voudrais exprimer un grand souhait: qu’il n’y ait plus de synodes sans que soit d’abord clarifié le sens de leur portée magistérielle.

Mots Clés :
Share This