Après le « témoignage » de Gigi, voici une réflexion qui concerne l’autre extrémité de l’axe temporel de la vie humaine. Quiconque prête un peu d’attention aux messages martelés en boucle par les médias (Dieu sait que l’on aurait des excuses si l’on coupait le son!) n’a pu manquer de noter que les journalistes insistent beaucoup sur l’âge avancé des victimes et les présumées pathologies dont elles auraient souffert. Est-ce seulement pour rassurer les gens?

Dans un article de son blog, daté du 6 mars, Jeanne Smits cite un analyste économique anglais du Telegraph, un certain Jeremy Warner; constatant que parmi les victimes du coronavirus « ce sont les vieux et les plus fragiles qui mourront », celui-ci allait jusqu’à affirmer cyniquement, le 3 mars:

« Pour dire les choses sans circonlocutions, depuis une perspective économique totalement désintéressée, le COVID-19 pourrait même révéler un léger effet [positif] à long terme en éliminant de manière disproportionnée des personnes dépendantes âgées ».

Et Jeanne Smits de préciser

Warner a choisi d’utiliser le verbe «to cull», qui en anglais signifie la réduction d’une population animale par l’abattage sélectif.

Que voilà les choses dites crûment! mais il est certain qu’il n’y a là rien de nouveau, et qu’il n’est pas le seul, ni le premier à y avoir pensé.

Justement ces jours-ci, dénonçant, dans la perspective de la prochaine rencontre d’Assise consacrée à « l’économie de François », l’idéologie malthusienne prônée par les agences de l’ONU (avec l’appui du Pape), Ettore Gotti Tedeschi écrivait :

Pour une certaine culture, la famine, les épidémies et les fléaux sont des moyens de contrôle, considérés comme naturels, de la population, auxquels s’ajoute un moyen extraordinaire appelé la guerre.

Et les journalistes (souvent jeunes, à leur décharge) qui ânonnent en temps réel le nombre de victimes de la maladie se font, peut-être à leur insu, les relais pavloviens de cette idéologie, prenant soin systématiquement de préciser l’âge des morts (dans la tranche 65 ans +) et les pathologies lourdes dont elles étaient présumées atteintes.

Giuliano Guzzo, sur le blog catholique italien Campari & de Maistre a lui aussi pris note de cette inquiétante dérive médiatique (une de plus!)


Quand « ce sont surtout les vieux qui meurent »

Giuliano Guzzo
Campari & de Maistre
1er mars 2020
Ma traduction

On parle beaucoup de fragilité, d’insécurité, de vulnérabilité comme effets sociaux du coronavirus qui, jour après jour, met à nu la façon dont notre société craque et se retrouve prise dans l’étau de la panique. C’est vrai, mais l’épidémie en provenance de Chine fait également apparaître une autre facette, beaucoup plus sombre et moins civilisée, de notre identité. Je fais allusion aux « ce sont les vieux qui meurent le plus« , à ce martèlement médiatique sur l’âge plus vraiment tendre des victimes du virus. Il s’agit d’une insistance journalistique théoriquement destinée à rassurer, et qui est au contraire humiliante.

Entendons-nous bien: le fait que le Covid-19 infecte rarement les enfants, et sous une forme bénigne, est une bonne nouvelle; [et aussi] que sa létalité chez les jeunes est très faible. Mais « ce sont les vieux qui meurent » reste une pensée imbécile et euthanasique, stupidement darwinienne, qui ne prend pas en compte plusieurs aspects.


Pour commencer, on oublie que notre pays a justement ses références dans ces « vieux » si vitupérés: à moins que le président Mattarella (78 ans), la sénatrice [Liliana] Segre (89 ans) ou le pape François (83 ans) puissent être comptés parmi les adolescents, mais je l’exclurais.

Un deuxième aspect négligé par le mantra anti-vieux est que nous avons tous des parents, des grands-parents et des oncles. L’aurions-nous par hasard oublié? On se pose cette question en ayant l’impression que ce « ce sont les vieux qui meurent » n’est après tout qu’un refrain rassurant dans une circonstance précise: quand ce sont les « vieux » des autres qui sont éliminés par le coronavirus. Dans ce cas, tout va bien. Mais j’aimerais voir ce qui se passerait si c’étaient les plus proches parents du club euthanasique qui étaient infectés ; je parie que beaucoup d’entre eux reviendraient soudainement à la raison, s’excusant pour les idioties dites et pensées.

Le troisième oubli du « ce sont les vieux qui meurent » concerne la variable temporelle. Ceux qui insistent aujourd’hui sur l’âge avancé des victimes du virus ne resteront pas éternellement jeunes: ils vieilliront à leur tour. C’est pourquoi il convient de se demander quel type de société nous construisons si, pour redimensionner la gravité d’une épidémie, nous allons jusqu’à nous auto-infecter d’inhumanité.

Le pays où même les personnes âgées et les malades sont le mieux soignés, c’est celui dont nous avons hérité: celui que nous risquons de quitter est une jungle où, quand nous en aurons besoin, nous serons liquidés avec 6 mots: « ce sont les vieux qui meurent« .

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