Deux décrets plus ou moins contradictoires se sont succédé pour fixer les modalités des célébrations pascales, portant la signature du Préfet, le cardinal Sarah; le premier a mécontenté les supérieurs des ordres religieux qui ont eu l’impression de se voir dépossédés de leur autorité au profit de l’évêque du lieu, voire des autorités civiles. Une correspondante d’AM Valli, religieuse qui signe sous le pseudo « Monaca guerriera » (moniale guerrière) y voit un amateurisme qui donne le sentiment que l’Eglise n’est plus vraiment dirigée…

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Semaine sainte: deux décrets, beaucoup de superficialité et d’improvisation

Le 19 mars dernier, la Congrégation pour le Culte Divin a publié un décret, adressé aux Ordinaires du monde entier, contenant des indications pour les célébrations de la Semaine Sainte en cette période difficile de pandémie. Le 25 mars, à la surprise générale, le décret a été mis à jour avec un autre, qui de fait annule et modifie certains points du précédent ayant causé un grand désarroi dans le monde ecclésiastique.

Tout d’abord, du premier décret ressortait le manque d’indications pour le dimanche des Rameaux, qui ouvre la Semaine Sainte et prévoit généralement une procession, évidemment irréalisable en ce moment. Pour pallier aux graves oublis, le nouveau décret contient des indications pour limiter la procession à l’intérieur de l’Eglise ou, dans certains cas, pour utiliser la forme abrégée fournie par le Missel. Suivent quelques indications concernant le Triduum, qui entre le premier et le deuxième décret semblent se chevaucher et/ou se compléter. En particulier, on a éliminé l’expression peu claire « dans la mesure des possibilités réelles établies par qui de droit », qui dans le premier décret était rapportée à côté de chacun des jours du Triduum et semblait plutôt inconfortable (et elle l’était effectivement) pour les évêques qui voyaient leur autorité encore plus limitée face à l’autorité civile.

Il est rappelé que [la fête de] Pâque ne peut être déplacée, tandis que les expressions de la piété populaire peuvent, au bon gré de l’évêque, être reportées à une autre date (certaines processions pourraient être placées dans les fête de la mi-septembre, par exemple).

Vers la fin du premier décret, on pouvait lire : « Pour les monastères, les séminaires, les communautés religieuses, c’est l’évêque diocésain qui décide« . Or, il ne fait aucun doute que pour les séminaires, l’évêque diocésain peut décider puisqu’il est leur supérieur hiérarchique, mais les monastères et les communautés religieuses ont leurs supérieurs légitimes, qui placent de fait leur autorité directement sous l’autorité du Saint-Siège. Laisser l’évêque décider aurait été une ingérence indue dans la vie des religieux, exemptés de l’autorité des évêques, qui ne peuvent pas légiférer sur les prières communautaires des religieux. Cela signifiait, dans le cas des religieux cléricaux (?), priver effectivement les provinciaux de leur autorité et laisser les évêques décider de ce qui devait se passer dans les chapelles internes des différentes maisons religieuses. Nous parlons ici en effet de célébrations qui se dérouleront à l’intérieur des murs des couvents et qui, en tant que telles, font partie de la vie et de la prière communautaire des religieux, ne tombant pas, à proprement parler, dans le culte public.

Incroyable! Que de confusion! Je crois que plusieurs provinciaux (d’un certain poids!) l’ont signalé à la Congrégation des Religieux, en soulignant qu’il y avait de facto un conflit d’autorité. En effet, dans le deuxième décret, comme par magie, la phrase [en gras ci-dessus] a disparu, remplacée par une autre plus appropriée et légitime, qui dit: « Pour les séminaires, les collèges sacerdotaux, les monastères et les communautés religieuses, on s’en tiendra aux indications du présent décret ». Autrement dit: que les supérieurs légitimes établissent les choses pour leurs sujets, selon les normes du décret. La liste du second décret montre également un ordre logique des entités concernées, qui dans le premier semblait être énumérées à la bonne franquette, comme elles se présentaient à l’esprit (les monastères venaient avant les séminaires).

Sans parler de quelques autres incohérences, il est vraiment regrettable que les deux décrets, le premier comme le second, portent la signature du préfet et du secrétaire de la Congrégation pour le Culte Divin, mais surtout que les documents « De mandato Summi Pontificis » aient été émis avec une telle superficialité et un tel manque de préparation.

Dans l’Église, on a la nette sensation d’être à la dérive. On se sent perdu et sans guide sûr.

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