Après l’acquittement du cardinal, les évêques australiens, plus préoccupés du dépit des lyncheurs que du calvaire enduré par un innocent, se sont fendus d’un communiqué laconique. Quant au Vatican, il a vraiment fait le service minimum. L’analyse de Marco Tosatti


Pell libre, mais quelle froideur, de la part des évêques et du Vatican

Marco Tosatti
La NBQ
8 avril 2020
Ma traduction

Le cardinal acquitté de l’accusation infamante d’abus et libéré de prison reçoit un accueil froid de la conférence des évêques australiens, plus soucieux de « ceux qui ont souffert dans ce procès » que de lui. Et même du Vatican, compréhensif avec Zanchetta et Piñeda, c’est une froideur gênée qui émerge.

Le calvaire du cardinal George Pell, accusé sans preuve d’un crime impossible à commettre et condamné à deux reprises dans ce qui ressemblait plus à un lynchage qu’à un procès, a finalement pris fin. Avec ce qui semblait être la solution la plus évidente dès le départ, comme l’ont écrit les sept juges (unanimes) de la Haute Cour dans leurs conclusions : « Il y a une possibilité significative par rapport aux accusations qu’une personne innocente ait été condamnée ». C’est la même conclusion à laquelle était parvenu le tout premier jury populaire qui avait en effet acquitté – dix contre deux – le cardinal. Mais la volonté « politique » et médiatique était différente, et a conduit à deux condamnations insoutenables, et à 400 jours de prison pour un innocent.

Je crois qu’on peut sereinement affirmer que jamais auparavant dans les démocraties occidentales des temps modernes on n’avait pu parler avec plus de raison de persécution motivée par la religion. Si George Pell n’avait pas été un cardinal catholique, à une époque où l’hystérie populaire contre l’Église catholique est à son apogée en Australie; s’il n’avait pas été un homme d’Église jugé « conservateur » et par conséquent une cible facile pour tous les lobbies progressistes et les médias qui leur sont asservis, peut-être n’aurait-il pas été choisi, ciblé et piégé comme bouc émissaire de la colère contre les abus. Et il faut dire que l’aplomb (en français dans le texte) et la magnanimité avec lesquels il a fait face à tout cela lui font vraiment honneur.

C’est l’aplomb, le flegme et la très chiche participation émotionnelle des autres qui suscitent un certain étonnement. Prenons par exemple Mark Coleridge, président des évêques australiens et archevêque de Brisbane. Il a déclaré que cela « ne change rien à l’engagement permanent de l’Eglise à assurer la sécurité des enfants et à apporter une réponse juste et compatissante aux survivors et aux victimes d’abus sexuels sur mineurs ». La sécurité des enfants – a-t-il répété – reste un élément extrêmement important non seulement pour les évêques mais aussi pour toute la communauté catholique ». Et sur ce cas spécifique, parlant de la décision de la Haute Cour, dans une note publiée en commentaire, Coleridge affirme que « cette sentence sera accueillie avec soulagement par beaucoup, par ceux qui ont toujours cru en l’innocence du cardinal tout au long de ce procès. Mais nous savons aussi que la décision de la Haute Cour sera dévastatrice pour beaucoup d’autres. Beaucoup ont beaucoup souffert dans ce procès, qui est maintenant arrivé à son terme ». D’où l’assurance, au nom de tous les évêques australiens, que l’Église australienne ne manquera pas à son engagement d’assurer justice et protection aux mineurs, réitérant une fois de plus l’invitation à toute personne victime d’abus sexuels par le personnel de l’Église à « s’adresser à la police ».

Mais je veux dire: si quelqu’un fait 400 jours de prison pour une accusation probablement fausse ou inventée, ne peut-on pas attendre un mot d’affection? Plutôt que de se montrer compréhensif envers la foule des lyncheurs, ou ceux qui ont porté une accusation invraisemblable?

Et si l’on s’attendait à ce que le Vatican montre quelques traces de chaleur en plus, eh bien, on se trompait (*). La fin de ce qui a été – et cela a été dit et répété: aux Etats-Unis, en Australie, en Italie et ailleurs – une authentique persécution n’a apparemment pas fait vibrer de cordes émotionnelles au-delà des Murs. « Le Saint-Siège, qui a toujours fait confiance à l’autorité judiciaire australienne, se félicite de la décision unanime de la Haute Cour à l’encontre du cardinal George Pell, qui l’acquitte des accusations d’abus sur mineurs et révoque sa peine. Le cardinal Pell – en se remettant au jugement de la magistrature – a toujours confirmé son innocence, en attendant que la vérité soit établie. À cette occasion, le Saint-Siège réaffirme son engagement à prévenir et à poursuivre tout abus sur mineurs ».

Un peu froid, non? Jamais les termes « ex officio« , « d’usage », « attendu » n’ont semblé plus appropriés… il se trouve que le cardinal George Pell s’était mis à dos une petite foule de prélats au Vatican, qui en avaient après lui pour ses étranges requêtes de transparence et de clarté sur certains comptes à l’étranger, mais allons! on aurait pu se fendre d’un filet de sympathie envers un prince de l’Eglise faussement accusé et probablement victime – sauvé à la dernière minute – d’un sale complot, non? Peut-être même hypocrite: ce qui n’est certes pas une denrée inconnue, au sein des Murs sacrés.

Les comparaisons sont toujours odieuses, nous le savons. Mais la même sympathie manifestée envers l’évêque Piñeda Fasquelle, le bras droit de Maradiaga à Tegucigalpa, contraint de démissionner pour une lettre signée par des dizaines de séminaristes harcelés, Pell aurait peut-être pu y prétendre. Certes pas la compréhension manifestée envers l’évêque Zanchetta, en procès en Argentine et pour qui le pontife a même créé un poste qui n’existait pas auparavant à l’Apsa. Cela, Pell ne pouvait pas y prétendre! Il a même eu le courage de taper du poing sur la table lors du premier Synode sur la famille…


NDT

(*) Pour rendre justice aux faits, le Pape a eu ces mots, lors de son homélie matinale à Sainte Marthe:

«Abbiamo visto la persecuzione che ha subito Gesù e come i dottori della legge si sono accaniti contro di lui, è stato giudicato sotto accanimento, con accanimento, essendo innocente. Io vorrei pregare oggi per tutte le persone che soffrono una sentenza ingiusta, per l’accanimento».
(Nous avons vu la persécution que Jésus a subie et comment les docteurs de la loi ont été féroces contre lui, il a été jugé sous l’acharchement, avec acharnement, étant innocent. Je voudrais prier aujourd’hui pour toutes les personnes qui souffrent d’un jugement injuste, par l’acharnement).

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