Les chiffres parlent: la réflexion passionnante que fait ici Riccardo Cascioli pour l’Italie s’applique point par point et intégralement à la France, où le confinement a été prolongé jusqu’au 11 mai par décision du gouvernement, appuyée par les médias qui ont désormais cessé de faire semblant et abandonné toute velléité d’informer au profit de la propagande de régime et des communiqués officiels.


Les morts ne baissent pas, et le modèle italien est un échec

Riccardo Cascioli
La NBQ
15 avril 2020
Ma traduction

C’était le soir du 11 mars, il y a plus d’un mois : le Premier ministre Giuseppe Conte signait le décret qui transformait toute l’Italie en zone rouge, une mesure annoncée deux jours plus tôt face à l’avancée de la contagion et de la mort, qui avait été jusqu’alors dramatiquement sous-estimée. Tout était fermé, à l’exception des activités essentielles, jusqu’au 25 mars: « L’Italie est fermée pendant deux semaines », titrait le Corriere della Sera. L’effet de ce grand effort, déclarait Conte à l’époque, nous ne le verrons que dans quelques semaines. Calcul logique : si l’incubation du virus peut durer jusqu’à 14 jours, ce n’est qu’après cette période que nous aurons une diminution des contagions. Jusqu’au 11 mars, on enregistrait 12 462 cas et 827 morts au total.

Arrivons au 25 mars et voyons les effets de ce grand effort: le total des cas enregistrés est passé à 74 386, mais les morts à 7 503. L’augmentation des cas était prévisible mais la multiplication par dix des décès n’était pas exactement dans les plans. Depuis lors, vingt jours supplémentaires de ségrégation dans les maisons et d’inactivité économique se sont écoulés et nous avons atteint un total de 162 488 cas vérifiés (mais le chiffre, comme nous le savons, est fortement sous-estimé), tandis que les morts ont dépassé 21 000, avec une croissance qui continue à être d’environ 600 par jour (c’est-à-dire bien au-delà des 463 au total comptés jusqu’au 9 mars, jour où le gouvernement a décidé le confinement).

Donc, nous n’avons pas vu les résultats annoncés le 11 mars, deux semaines plus tard, et même pas maintenant que plus d’un mois s’est écoulé, bien qu’avec un effort d’optimisme nous continuions à dire que nous sommes sur le pic. Par ailleurs, ces derniers jours, beaucoup de gens disent que même les morts sont beaucoup plus nombreux que ce qui est officiellement comptabilisé.

Il y en aurait assez pour remettre en cause la stratégie du « tous à l’intérieur ». Ou au moins pour poser quelques questions sur les raisons pour lesquelles le confinement n’a pas fonctionné.

Au lieu de cela, rien: officiellement, le confinement italien fonctionne et le cas échéant, c’est à cause de ceux qui se promènent ou vont au supermarché deux fois par semaine au lieu d’une. Le raisonnement est simple: si M. Untel va se promener, c’est moi qui dois passer plus de temps en isolement. Peu importe si, à la lumière de la raison, ça ne marche pas comme ça, la propagande monte à la tête et dicte les réactions. Voilà pourquoi chacun se transforme en délateur contre quiconque est pris dans la rue, sans même se demander s’il a une raison reconnue par la loi; au supermarché, on vient même contrôler vos emplettes, au cas où vous seriez déplacé juste pour une babiole; et si par hasard vous rencontrez une connaissance et échangez quelques mots, il y en a qui vous regardent de travers. Le journalisme d’État déclenche la chasse au délinquant, donnant l’impression que les rues sont encore pleines de gens que, pourtant, bizarrement, nous ne voyons pas de nos fenêtres.

C’est le vrai socialisme, sans même qu’on s’en aperçoive. Cela permet à ceux qui nous gouvernent de dissimuler leur propre situation et leur incapacité et d’éviter de répondre à des questions gênantes. Par exemple: oublions les 62 000 personnes officiellement infectées entre le 11 et le 25 mars, prétendons qu’elles ont été infectées avant la fermeture totale et faisons également comme si plusieurs restrictions n’étaient pas déjà en place au cours des deux semaines précédentes; eh bien, mais les 90 000 infectés du 25 mars à ce jour, comment les expliquez-vous ? Et comment expliquer ces 13 564 décès au cours de la même période (environ 65% du total) ? Voulez-vous vraiment nous faire croire que tout dépend du monsieur qui emmène le chien faire ses besoins et de la dame qui va au supermarché, ou même de l’homme seul qui est allé courir?

Il aurait été important de mener une enquête épidémiologique sérieuse pour comprendre où et comment les gens sont infectés, afin de prendre des mesures ad hoc, mais personne ne semble y avoir pensé. Et donc tout le monde à la maison, c’est plus facile. Et au lieu d’investir dans des examens, des prélèvements, des appareils médicaux, on achète des drones pour contrôler les routes, les montagnes et les plages. Tout le monde à la maison, et indéfiniment, parce que – maintenant c’est clair – le virus ne nous quittera pas facilement. Pendant ce temps, 60 millions de personnes sont assignées à résidence.

Oui, 60 millions de personnes à la maison, sans distinction. Pourtant, le total des personnes infectées, même en multipliant par dix les chiffres officiels (pour prendre les choses très largement), est inférieur à 3 %. Est-on sûr qu’il n’est pas possible de mettre en œuvre des politiques qui se concentrent sur les personnes infectées et leur cercle de contacts au lieu de bloquer 95% de la population ? Même s’ils ont commencé avec un retard coupable, ils ont eu beaucoup de temps pour prendre des contre-mesures. Et est-il logique de traiter de la même manière la population vivant dans les communes les plus touchées de Lombardie, et celle de Sardaigne, où l’on ne compte que mille cas pour 1,7 million d’habitants ?

L’Italie est le pays où le taux de mortalité par le Covid-19est le plus élevé. Mais le gouvernement et la grande presse aux ordres sont là pour vanter le modèle italien, que tout le monde essaierait évidemment d’imiter. Mais là aussi, les choses sont différentes. Il n’existe pas de solution unique pour lutter contre le coronavirus, et il existe certainement des approches qui ont mieux fonctionné que la stratégie « chinoise » du gouvernement Conte. Parce qu’il y a là un gros mensonge: faire croire qu’il n’y a que deux options : soit tout le monde dans la maison, soit tout le monde dehors. Ce n’est pas le cas.

Mais à ce stade interviennent les modèles mathématiques, qui nous disent que si le gouvernement italien n’avait pas tout fermé, il y aurait eu des centaines de milliers de morts. Et face à cet argument, nous devrions nous taire. Sur les réseaux sociaux, il y a donc une floraison de « petits statisticiens » qui nous montrent chaque jour des courbes, des paraboles, des modèles divers pour montrer qu’il n’y a pas d’alternative à la fermeture totale – et indéfinie.

Mais la vérité est que ces modèles n’ont aucune fiabilité, ce sont de purs exercices. Il en va de même pour les modèles qui prédisent le climat sur Terre pour les 50 à 100 prochaines années et qui sont censés nous convaincre que nous sommes au bord du gouffre et que nous sommes destinés à mourir grillés. Sauf que ce que les modèles prédisaient il y a vingt ans ne s’est pas produit à temps.

Pour le coronavirus, l’étude publiée le 16 mars dernier par l’Imperial College de Londres, évidemment très autorisée, est très à la mode: pour l’alternative au confinement rigide elle prévoyait au moins 250 mille morts pour le Royaume-Uni et 1,1-1,2 millions pour les États-Unis. Cette étude a été à la base du changement d’orientation politique du gouvernement Johnson en Grande-Bretagne. Cependant, comme le souligne une analyse publiée par le Wall Street Journal, après quelques jours, une autre étude a été publiée, cette fois par l’université d’Oxford, qui a donné un scénario beaucoup moins terrifiant et a même prédit une sortie rapide de la pandémie. Qui a raison ? Probablement aucun des deux, souligne le Wall Street Journal, car les modèles mathématiques ne sont pas fiables.
La raison est simple : les modèles, pour avoir un minimum de fiabilité, doivent être construits avec des données fiables, homogènes et aussi nombreuses que possible. Ce qui dans le cas de Covid-19 est pratiquement impossible: il y a trop peu d’éléments certains concernant l’origine, la contagion, l’évolution; tout résultat sera donc conditionné par la perception subjective de la maladie qu’ont ceux qui participent à l’étude.

Le fait est que les dirigeants ne peuvent pas prendre de décisions drastiques, avec des coûts sociaux, économiques et de santé énormes basés sur des modèles mathématiques construits sur des données incertaines. Ils doivent plutôt agir avec prudence en calculant tous les facteurs en jeu. Contrairement à la perception que nous avons aujourd’hui, en Italie, les gens ne meurent pas seulement de coronavirus, au contraire: en 2019, 647 000 personnes sont mortes en Italie. C’est-à-dire que cette épidémie ne peut pas être absolutisée comme si rien d’autre n’existait; il faut en outre évaluer les dommages à la santé causés par un séjour prolongé à la maison, les conséquences psychologiques et psychiatriques que cela entraîne, sans parler du désastre économique résultant de la longue interruption des activités qui, à son tour, aura des répercussions dramatiques sur la santé et le système sanitaire dans son ensemble.

Le scénario le plus réaliste aujourd’hui semble être une présence de coronavirus pendant de nombreux mois, voire des années, et il devient donc nécessaire de vivre avec. Poursuivre la fermeture totale du pays ne fait que jeter les bases d’une catastrophe bien pire que le virus lui-même. Un changement de cap radical est nécessaire pour minimiser les dommages causés par le Covid 19 et ses effets secondaires.

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