Ernesto Galli della Loggia est un intellectuel italien « libéral » (i.e. de gauche – pléonasme!!), à la ville l’époux de Lucetta Scaraffia (un temps chargée du supplément « féministe » de l’OR), et éditorialiste au Corriere della Sera. Son dernier éditorial n’est pas tendre pour François, dont le pontificat « ne laisse aucune place à la doctrine sociale de l’Eglise » (Stefano Fontana)

Le pape François à la rencontre des mouvements populaires

Galli della Loggia et le pontificat idéologique.

Il a raison.

Stefano Fontana
La NBQ
11 mai 2020
Ma traduction

Le pape François fait de l’idéologie, pas de la politique, il s’éloigne de la Doctrine Sociale de l’Église et il a créé une fracture avec le Magistère social qui va de Léon XIII à Jean-Paul II. Dans le Corriere della Sera, l’historien laïc Galli della Loggia dresse un portrait impitoyable de ce pontificat, en saisissant certains points critiques qui devraient désormais être évidents.

Galli della Loggia

Dans un de ses éditoriaux du Corriere della Sera, du 10 mai, Ernesto Galli della Loggia parle de la politique du pape François qui – dit-il – devient en fait in-politique ou anti-politique. En s’intéressant à la politique selon la mens du pape François, l’Église, en réalité, s’en éloigne et finit dans l’idéologie. Galli dit quelque chose que je répète depuis un certain temps, à savoir que l’enseignement social du pape François ne laisse plus aucune place à la Doctrine sociale de l’Église, qui doit maintenant être considérée comme la « grande absente », une chose à « dépasser ».

Pour reprendre ses termes: « Ce qui est frappant ici, c’est l’abandon substantiel de cette doctrine sociale de l’Église qui avait tenu le terrain de Léon XIII à Jean-Paul II » (une évaluation que j’aurais étendue jusqu’à Benoît XVI).
Selon Galli, cet abandon est dû à deux modes d’intervention assumés par le pape François: ne pas s’adresser à tout le monde mais seulement aux catégories considérées comme marginales et défavorisées, avec une proximité indifférenciée et de caractère populiste pour tout mouvement qui naît d’en bas; l’abandon de la perspective religieuse et transcendante; ces deux tendances réduisent son discours à de l’idéologie. Ainsi – dit-il – l’Eglise a du mal à exprimer sa propre identité et son rôle précis lorsqu’elle intervient dans les affaires du monde, c’est-à-dire qu’elle tend à ne plus parler en tant qu’Eglise mais en tant qu’agence d’un autre genre.

L’admission de Galli della Loggia est bienvenue. Son approche est celle de la science politique, et c’est pourquoi on peut lui imputer les inexactitudes ou les superficialités qu’on trouve de toute façon dans un éditorial journalistique. Qualifier la doctrine sociale de l’Église comme exprimant une position centriste entre le socialisme et le capitalisme – comme il le fait – est le signe d’une approche de ces problèmes qui date désormais beaucoup: tout le monde sait maintenant que la doctrine sociale de l’Église ne peut être réduite à ces schémas convenus.

En revanche, Galli della Loggia a raison quand il note que c’est précisément parce qu’elle est « porteuse d’un discours qui semble attentif à purifier le social historique de tout rappel religieux effectif » que la position de l’Église du pape François devient automatiquement idéologique. Le plan naturel qui n’est plus en relation avec le surnaturel devient naturalisme, c’est-à-dire qu’il s’auto-absolutise avec les résultats idéologiques qui en découlent, y compris le résultat de détruire le plan naturel lui-même.

Souligner que l’Église s’est engagée sur cette voie – qui est celle du modernisme – est un mérite. Et il est significatif que ce soit un penseur laïc qui dise à l’Église de ne pas renoncer au point de vue religieux et transcendant lorsqu’elle parle de politique, sinon elle devient une agence politique. Les discours du pape François aux mouvements populaires – pour ne citer que l’exemple peut-être le plus connu – n’ont pas été menés dans une perspective religieuse et transcendante, ce qui les a en conséquence rendus très peu politiques, car les mouvements populaires ont tous été mis sur le même plan, y compris ceux qui voudraient instaurer le communisme ou qui prêchent la violence.

Du reste, le concept de « peuple » souvent utilisé par le pape François est problématique car on n’arrive pas à retracer le lien qui le relie au concept religieux de « peuple de Dieu » tel qu’il se réalise dans l’Église: le peuple, compris sociologiquement, serait un lieu d’auto-communication de Dieu au même titre que l’Église, il serait un lieu de grâce et un lieu théologique, mais cela ouvre à une traduction idéologique du christianisme, qui se fait juger par les mouvements populaires au lieu de les juger.

Galli della Loggia parle d’une « fracture » de ce pontificat par rapport au précédent magistère papal. En ce qui concerne la Doctrine sociale de l’Église, c’est évident et on peut partager l’affirmation, elle a même été anticipée depuis un certain temps déjà par beaucoup, y compris l’auteur de ces lignes. L’approche papale du problème de l’immigration, des peuples indigènes de l’Amazonie, des pauvres, de la communauté politique mondiale, du soi-disant « nouvel humanisme », des mouvements populaires, de la société multireligieuse, des politiques des agences des Nations Unies ne tient pas compte ou contredit les principes de la Doctrine sociale de l’Église.

Non seulement la proposition de François pour un « revenu universel » – que Galli rappelle ici – est contraire à la Doctrine sociale, non seulement l’aversion pour l’Occident, non seulement l’abandon des raisons de l’Europe catholique par rapport aux raisons des protestants, non seulement le silence sur des régimes comme celui du Venezuela ou de la Chine … sont contraires à la Doctrine sociale de l’Eglise, mais la structure même de la relation entre l’Eglise et le monde, basée principalement sur un pastoralisme sans doctrine.

L’Église ne doit pas seulement être un hôpital de campagne pour guérir les blessures des marginaux, elle exprime le Logos de Dieu pour la construction de la communauté politique selon la loi naturelle et divine, afin que les blessures – même dans les limites d’une humanité déchue – soient prévenues par une construction physiologique de la société.

Mais la loi naturelle aussi est restée peu présente dans ce pontificat et le dialogue même entre la foi et la raison dans la vérité, sur lequel Benoît XVI avait lancé une proposition de résistance et de rétablissement, se transforme en un dialogue existentiel indifférencié et indifférent avec tous.

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