Le retour (truculent) du personnage récurrent du blog du Père Jorge González Guadalix, ex-curé madrilène désormais curé de la Sierra. La brave Rafaela, avec son robuste bon sens de femme du peuple refuse de retourner à l’église tant que celle-ci n’aura pas été désinfectée de ses très méchantes bestioles. Mais de quelles petites bêtes parle-t-elle, au juste ?

Illustration: Perpetua (I promessi sposi)

Rafaela n’a pas confiance dans les petites bêtes (*) de l’église.

Père Jorge González Guadalix
« De profesion, cura« 
3 mai 2020
www.infocatolica.com/blog/cura.php
Traduction de Carlota

Il y a quelques jours, le Père Jésus (**) s’est pointé au village. C’est à peine s’il vient par ici et encore moins en période de confinement. En temps ordinaires, il dit la messe dans une localité  plus grande et il se limite à passer à l’occasion au village où vit Rafaela, pour faire un tour dans l’église et voir si tout est en ordre.

Ce fut une surprise pour lui de croiser Rafaela dans une rue. Mais elle lui dit que les interdictions de circuler avaient été levées et qu’ils avaient maintenant le droit de sortir se promener un petit moment, et en plus sans horaire imposé.

-Rafaela, est-ce que tu sais qu’à partir du 11 (mai) nous pourrons célébrer la messe ?

– Oui, ils l’ont dit à la télé.

– Il faudra être prudent, nous n’aurons droit qu’à un tiers de la capacité d’accueil

– Un tiers? Je voudrais bien voir cela !

– Pour sûr, Rafaela. Rafaela, cela serait bien de faire un tour de l’église après deux mois…

-Vous voulez dire le ménage?

– Oui, même si c’est seulement un petit peu de ménage, la poussière, mettre des fleurs…

– Ne comptez pas sur moi, ça me fait peur.

– Je ne comprends pas.

-Je vais vous expliquer.

Et elle lui explique, et très bien :

– Écoutez, Père Jésus, je pense que toutes les méchantes petites bêtes, les coronavirus ou comme on les appelle, eh bien, ils sont tous cachés dans l’église et c’est pour ça que j’ai peur. Je pense même que dans l’église, ce sont les plus méchants qui se sont mis.

– Tu es en train de te moquer de moi, Rafaela.

– Non, pas du tout. Mais c’est tout simple. En ces deux mois d’enfermement j’ai dû sortir à différentes reprises. Chez le médecin. J’ai dû aller au village d’à côté pour y faire des courses, acheter du tabac pour Mariano, gérer mon problème de carte de crédit à la banque, des petites choses à faire à la pharmacie, et aussi me ramener des revues et divers jeux de lettres pour passer le temps. Je n’ai eu aucun problème. C’est vrai que tu te retrouves à côté de gens dans le magasin, chez le médecin et au bureau de tabac, mais nous sommes prudents et comme vous me voyez, avec mon masque et toutes les précautions, c’est qu’on tient à ses jours.

– Je continue à ne pas comprendre.

– Parce que vous ne réfléchissez pas, Père Jésus. Si je peux aller dans tellement d’endroits et pas à l’église, cela ne peut être dû qu’au fait que les petites bêtes de l’église doivent être très méchantes et très nocives, beaucoup plus que celles qui pourraient se trouver au dispensaire ou au magasin, alors voilà maintenant ça me fait peur. Et pourtant j’aurais aimé aller à une messe, ici au village, à quatre fidèles que nous sommes, il ne se serait rien passé. Mais je comprends, c’est vrai que l’on nous a toujours dit que la messe c’était très important. Mais bon s’ils pensent que c’est mieux ainsi…

– Alors, Rafaela tu vas revenir à la messe à partir du 11 mai ?

-Ça dépend.

– Ça dépend de quoi?

-Je vous l’ai déjà dit, c’est qu’il me semble que les petits bêtes qui s’y trouvent sont très méchantes. Donc ce qu’on doit faire c’est désinfecter. Vous-même, Père Jésus, et apparemment à base d’eau de javel et tout parfait.  Moi tant que ce n’est pas complètement parfait, je ne reviens pas, les petites bêtes qui sont à l’intérieur de l’église sont “très méchantes”.


(*) Le mot que j’ai traduit par petite bête, désigne plus particulièrement un petit animal, un insecte, mais à aussi et entre autre a le sens dépréciatif de « sale bête », voire de « sale type ». C’est dire si Rafaela, autre personnage récurrent de l’auteur, peut avoir mis du ressenti dans le mot, elle qui est privée de messe depuis de nombreuses semaines pour d’interdiction de messes publiques pour cause sanitaire…

(**) Père Jésus (Prénom courant en Espagne, et qui est celui d’un curé), personnage récurrent des billets du P. Jorge Jorge González Guadalix, curé désormais rural dans la « Sierra » du nord de l’archidiocèse de Madrid .

(Carlota)

Mots Clés :
Share This