Décidément le Pape émérite est très actif (quoique d’une façon qui ne peut en aucun cas « déranger » son successeur donc donner prise aux critiques de ses détracteurs), en dépit de sa fragilité. Son témoignage est une preuve supplémentaire de la réelle affection humaine qui a lié les deux hommes. La lettre a été présentée ce matin au palais archiépiscopal de Varsovie. Reportage sur ACI Stampa et présentation sur le site de la conférence des évêques polonais.


Du bureau de presse de la Conférence épiscopale polonaise

Source: episkopat.pl (en italien)

La miséricorde de Dieu finira par s’avérer plus forte que notre faiblesse. Nous devons y trouver l’unité intérieure du message de Jean-Paul II et les intentions fondamentales du pape François : contrairement à ce qui est parfois dit, Jean-Paul II n’est pas un rigoriste moral. Tout au long de sa vie, il a montré l’importance de la miséricorde », souligne le pape Benoît XVI dans son message à l’occasion du centenaire de la naissance de Saint Jean-Paul II.

Le pape émérite souligne que la question reste ouverte de savoir si le nom +Magne+ (le Grand) sera accepté ou non en ce qui concerne le pape polonais. « Il est vrai qu’avec Jean-Paul II, la puissance et la bonté de Dieu sont devenues visibles pour nous tous. A l’heure où l’Eglise souffre à nouveau de l’assaut du mal, il est pour nous un signe d’espoir et de réconfort » – note le Pape émérite.

Benoît XVI rappelle que Karol Wojtyla est né au moment où la Pologne a retrouvé son indépendance, ce qui était lié à des espoirs sociaux, mais aussi à de grands efforts, « étant donné que l’État qui se rétablissait ressentait constamment la pression des deux puissances – l’Allemagne et la Russie ». « Il a appris la théologie non seulement dans les livres, mais aussi dans le contexte spécifique dans lequel lui et son pays se trouvaient. Ce serait un trait distinctif qui marquerait toute sa vie et son activité. Il apprend dans les livres, mais il vit aussi des sujets d’actualité qui le tourmentent. Ainsi, pour lui, en tant que jeune évêque – à partir de 1958 évêque auxiliaire et depuis 1964 archevêque de Cracovie – le Concile Vatican II a été l’école de toute sa vie et de son œuvre » – écrit le pape émérite.

Il ajoute que quand le cardinal Karol Wojtyla a été élu successeur de Saint Pierre, l’Église était dans une situation dramatique. « Les délibérations du Concile ont été présentées en public comme une querelle sur la foi elle-même, qui semblait si dépourvue de son caractère de certitude infaillible et inviolable ». « Ainsi s’est présentée de fait devant le nouveau pape une tâche très ardue à affronter avec les seules capacités humaines. D’emblée, cependant, s’est révélée en Jean-Paul II la capacité de susciter une admiration renouvelée pour le Christ et son Église. Cela commença par les mots prononcés au début de son pontificat, son cri: +N’ayez pas peur!+ Ce ton a caractérisé tout son pontificat, faisant de lui un rénovateur et un libérateur de l’Église. Cela parce que le nouveau pape venait d’un pays où le Concile avait été accueilli de manière positive. Le facteur décisif n’était pas de douter de tout, mais de renouveler tout avec joie ».

Le Pape émérite a également rappelé que Saint Jean-Paul II, en 104 voyages pastoraux « qui ont conduit le Pontife dans le monde entier, a prêché l’Evangile comme une joyeuse nouvelle, expliquant ainsi aussi le devoir de recevoir le bien et le Christ ». « En 14 encycliques, il a présenté d’une manière nouvelle la foi de l’Église et son enseignement humain. Inévitablement, il a donc suscité une opposition pleine de doutes dans les Églises d’Occident » – a-t-il noté.

Le Pape émérite évoque également une réflexion personnelle, rappelant la situation dans laquelle Jean-Paul II a proposé à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, dirigée par lui, cardinal Joseph Ratzinger comme Préfet, de célébrer dans toute l’Eglise une nouvelle fête de la Miséricorde Divine le dimanche in Albis, traditionnellement une semaine après Pâques. « Nous avons donné une réponse négative, estimant qu’une date aussi importante, ancienne et pleine de sens que le dimanche in Albis ne doit pas être alourdie par de nouvelles idées. Pour le Saint-Père, accepter notre +non+ n’a certainement pas été facile. Mais il l’a fait en toute humilité et a accepté notre deuxième +non+. Enfin, il a formulé une proposition qui, tout en laissant au dimanche in Albis sa signification historique, lui a permis d’introduire la miséricorde de Dieu dans sa signification originelle. Il y a souvent eu des cas où j’ai été impressionné par l’humilité de ce grand pape, qui a renoncé à ses idées favorites quand il n’y avait pas de consentement des instances officielles, consentement que – selon l’ordre classique des choses – il fallait demander » – rappelle Benoît XVI.

« En fin de compte, au-delà de cette signification historique objective, chacun doit savoir que la miséricorde de Dieu finira par s’avérer plus forte que notre faiblesse. Nous devons y trouver l’unité intérieure du message de Jean-Paul II et les intentions fondamentales du pape François : Contrairement à ce qui est parfois dit, Jean-Paul II n’est pas un rigoriste moral. En démontrant l’importance essentielle de la miséricorde divine, il nous donne la possibilité d’accepter les exigences morales imposées à l’homme, même si nous ne pourrons jamais les satisfaire pleinement. Nos efforts moraux sont entrepris à la lumière de la miséricorde de Dieu, qui s’avère être une force qui guérit notre faiblesse » – écrit-il

Le pape émérite rappelle également le moment où l’archevêque Leonardo Sandri a annoncé la mort de Saint Jean-Paul II. « Avant tout, je n’oublierai pas le moment où la grande cloche de Saint-Pierre a révélé cette nouvelle. Le jour des funérailles du Saint-Père, on pouvait voir de nombreuses banderoles portant l’inscription +Santo subito+. C’est un cri qui, de tous côtés, a surgi de la rencontre avec Jean-Paul II. Et non seulement sur la place Saint-Pierre, mais aussi dans divers cercles d’intellectuels, il y a eu des discussions sur la possibilité d’accorder à Jean-Paul II le surnom de +Magne+« .

  • Suit la traduction en italien de la lettre.
  • Le texte a été traduit en français ICI, d’après la version en anglais.

Quand Ratzinger et Wojtyla insistaient sur la bonne interprétation du Concile.

La conférence de présentation de la lettre de Benoît XVI pour le centième anniversaire de la naissance de Jean-Paul II

ACI Stampa
Wlodzimierz Redzioch
Cracovie, 15 mai 2020

« Il est vrai qu’avec Jean-Paul II, la puissance et la bonté de Dieu sont devenues visibles pour nous tous. A l’heure où l’Eglise souffre à nouveau de l’assaut du mal, il est pour nous un signe d’espoir et de réconfort ».

C’est par ces mots de préoccupation mais aussi d’espoir que se termine la lettre spéciale que le pape Benoît XVI a préparée pour le centenaire de la naissance de Saint Jean-Paul II (18 mai).

Le Cardinal Joseph Ratzinger, en tant que Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a été l’un des plus proches collaborateurs de Jean-Paul II pendant la plus grande partie de son pontificat: de la fin de 1981 jusqu’à la mort du Pontife polonais. L’étroite et fructueuse collaboration entre les deux hommes fut caractérisée par l’amitié et l’affection. Le cardinal Ratzinger lui a succédé sur la Chairee de Pierre et, dans un certain sens, a poursuivi son magistère. Dans une interview, avec toute la simplicité et la franchise qui le caractérisent, il a dit de son prédécesseur : « Je ne pouvais et ne devais pas essayer de l’imiter, mais j’ai essayé de poursuivre son héritage et sa tâche du mieux que j’ai pu ». En prévision du centenaire de la naissance de Karol Wojtyla, à la demande du cardinal Stanislaw Dziwisz, le secrétaire historique de Jean-Paul II, témoin de la vie et de la sainteté du pape polonais, Benoît XVI a préparé une lettre commémorative datée du 4 mai 2020.

La lettre du Pape émérite a été présentée vendredi matin au Palais des Archevêques de Cracovie, au 3, rue Franciszkanska, où le cardinal Karol Wojtyla résida jusqu’en octobre 1978, par l’archevêque Marek Jedraszewski, le cardinal Stanislaw Dziwisz et le Professeur père Jaroslaw Kupczak OP, directeur du Centre de recherche sur la pensée de Jean-Paul II à l’Université pontificale de Jean-Paul II à Cracovie.

Au début de la conférence de presse, Mgr Jedraszewski a rappelé les textes précédents du cardinal Ratzinger qui, d’une certaine manière, anticipaient les réflexions contenues dans la lettre du pape émérite.

Pour sa part, le cardinal Dziwisz, dans son bref discours, a voulu rappeler la grande estime que Jean-Paul II avait pour le cardinal. Joseph Ratzinger. Dès le début de son pontificat, le pape voulait ce grand théologien à ses côtés, précisément pour « mettre de l’ordre dans la pensée théologique de l’Église ». Au début, l’archevêque de Munich ne voulait pas quitter son diocèse dont il était devenu pasteurs quelques années auparavant, mais à la fin, il se laissa convaincre, et c’est ainsi que commença une splendide et fructueuse collaboration qui dura jusqu’à la fin de son pontificat. Le cardinal Dziwisz a souligné que la lettre du pape émérite n’est pas seulement adressée à l’Église de Cracovie ou de Pologne, mais à tous, à tout le peuple de Dieu. Il a également révélé comment l’idée de la lettre est née: au début, il a lui-même demandé à Benoît XVI une brève déclaration télévisée, mais en réponse, le pape émérite a promis d’écrire une lettre en allemand pour exprimer ses sentiments envers Jean-Paul II.

De son côté, le père Kupczak OP a exposé les principaux arguments de la lettre. Tout d’abord, le texte du Pape émérite exprime son admiration et son amour envers la figure et l’activité de Jean-Paul II. Mais Benoît XVI se concentre particulièrement sur le Concile Vatican II: le cardinal Ratzinger et le cardinal Wojtyla ont participé au Concile qui, malheureusement, a été interprété dans la perspective des différentes idéologies, causant des divisions au sein de l’Église et une grande crise de la foi. Au contraire, Jean Paul II et le cardinal Ratzinger insistaient sur l’interprétation correcte des enseignements du Concile selon l’herméneutique de la continuité. Dans ce contexte, le pape émérite fait l’éloge de l’Église en Pologne où le Concile a été accueilli de manière positive et correcte. Enfin, le professeur Kupczak a également fait référence à un autre sujet de la lettre où Benoît XVI parle de la grande contribution de Jean-Paul II à la théologie de la Miséricorde Divine, qui est non seulement le noyau central de la foi chrétienne mais qui a également une importante signification philosophique. Evidemment, démontrer l’importance de la Miséricorde Divine ne signifie pas justifier le relativisme moral.

Le témoignage très particulier de Benoît XVI est un grand don du Pape pour les célébrations du 100ème anniversaire de la naissance de son prédécesseur. Comme le pape lui-même l’a écrit dans sa lettre au cardinal Dziwisz, « dans le texte, vous pouvez sentir ma faiblesse récente; j’espère, cependant, que vous pouvez aussi sentir mon amour pour le grand Pape ».


Share This